Le temps après la Pentecôte

Avec la fête de la Sainte Trinité, l’Eglise s’engage dans le cycle des dimanches après la Pentecôte. La liturgie qui accompagne alors chaque dimanche, nous place dans un long pèlerinage de retour vers le Père. Le cycle Temporal entraîne l’humanité à suivre le Christ remonté aux cieux. A partir de l’Ascension, nous sommes invités à suivre ce chemin. Le Christ s’est incarné dans ce petit enfant de Bethléem, il a grandi et est devenu un homme, il a enseigné son peuple au delà de toutes les nations. Il a souffert, il est mort puis il est ressuscité et est remonté aux cieux «d’où il reviendra pour juger les vivants et les morts».

Le Christ, vrai Dieu et vrai homme, n’a pas vécu ce destin unique pour être seul glorifié. «Il s’est revêtu de notre humanité» pour nous faire accéder à une autre vie, pour nous donner la possibilité de participer à cette gloire céleste. Il veut que toute l’humanité soit élevée «par lui, avec lui et en lui» dans cette nouvelle dimension.

En effet, c’est à une nouvelle vie dans l’Esprit que le Christ nous appelle. Il nous invite à nous ouvrir à cette source vive qui étanche éternellement les soifs de l’homme. Le chemin qui conduit à cette source est marqué d’autant d’étapes particulières que sont les liturgies des dimanches d’après Pentecôte. Chacune porte une attention spécifique pour développer en nos âmes les dons de l’Esprit-Saint. Ces messages, portés par les épitres et les évangiles, sont autant de «leçons de vie». Ils sont des sujets de méditation, de questionnement, sur le sens de nos vies et sur les moyens de progresser vers la cité céleste. Ce cheminement qui nous est proposé est à l’échelle de notre vie toute entière.

Le cycle liturgique

Le cycle liturgique est le cycle de nos vies, il nous enseigne les valeurs fondamentales et essentielles. Notre Eglise Gallicane a fait le choix de conserver une liturgie traditionnelle annuelle au risque de se répéter mais, dans cette perspective, la répétition d’année en année, n’est pas un problème car la liturgie s’inscrit dans le cycle cosmique qui nous unit à l’éternité.

Certaines Eglises ont fait des choix différents en renouvelant les textes sur un cycle de trois ans. Ainsi un choix plus important de textes bibliques sont proposés, nourrissant l’âme par la réflexion intellectuelle et la construction théologique. D’autres Eglises sont restées dans une liturgie traditionnelle où la lettre prime et peut conduire à un rigorisme froid.

Particularités du rite de Gazinet

La liturgie de Gazinet propose un autre choix, celui d’une liturgie qui s’adresse directement à l’âme dans sa dimension la plus haute et la plus globale; dans cette dimension qui la met en contact avec cette part de nous-même, à la fois secrète et mystérieuse, que les Pères de l’Eglise appelait l’Esprit. C’est pour cela que l’envoi final de la messe de Gazinet nous dit : «Que l’Eternel renouvelé (par l’Eucharistie) demeure en votre corps en votre âme et en votre esprit. Allez en Paix (sur ce chemin de la Jérusalem Céleste) car le Seigneur (Père Fils et Saint Esprit) est avec vous!».

La liturgie de Gazinet représente l’âme de l’Eglise Gallicane selon les paroles de Mgr Thierry. Elle demande à être abordée avec une ouverture, une liberté, et une disposition particulières qui passent plus par le coeur que par l’intellect. Cette disposition c’est celle que le Christ nomme dans les Béatitudes, la pauvreté d’esprit. Un célèbre liturgiste du 13è siècle, Mgr Guillaume Durand, évêque de Mende, décrit cette orientation générale de la messe comme «le sens spirituel de la liturgie». Au delà des analyses critiques et historiques, les textes de la liturgie nous transportent vers cette dimension d’élévation spirituelle, là où les réalités terrestres et célestes se rejoignent.

Laissons nous porter par les émotions, vivons ce que vivent les personnages des évangiles. Mettons nous à leur place, soyons tristes avec eux, soyons enthousiastes ou dans le doute, soyons dans la joie avec eux. Mettons nous au contact de la Parole avec la simplicité du petit enfant, comme celui que le Christ place en exemple au milieu de ces apôtres (messe de la saint michel Archange)

Une liturgie céleste

La liturgie de Gazinet nous met en contact avec l’Esprit, elle nous fait cheminer vers cette gloire du Christ Réssuscité. Le sens de la liturgie de Gazinet c’est de nous faire goûter, dès ici et maintenant, aux délices de la Jérusalem Céleste. Le sens de cette liturgie c’est de nous faire entrevoir le mystère de la joie céleste et éternelle dès notre vie terrestre.

Par la poésie et le rythme de la liturgie nous sommes appelés à rejoindre le Christ sur son trône de gloire avec tous les personnages représentés sur le tryptique de Gazinet, dans la primatiale Saint Jean Baptiste à Bordeaux. Cette vision vers laquelle notre évêque porte si souvent son regard lorsqu’il célèbre, c’est le souhait et la promesse de l’humanité toute entière réconciliée en Dieu. La présence sur les autels gallicans, du Christ en Gloire et du chandelier à sept branches, n’est pas un hasard, ils sont intimement liés à l’axe central de notre messe.

L’Eucharistie, c’est le pain et le vin «pour le repas et pour la route».

Le chandelier à sept branches, c’est les dons divins reçus pour aller au delà de notre condition humaine

Le Christ en Gloire, c’est la vision de l’accomplissement du cheminement de notre âme.

La liturgie de Gazinet, c’est notre chemin de réconciliation, corps âme et esprit.

Pour nous, gallicans, la liturgie de Gazinet, c’est la liturgie qui nous nourrit, qui nous unit et qui nous construit . L’aventure de l’humanité est sans doute encore dans «les douleurs de l’enfantement» comme le dit Saint Paul et il reste encore beaucoup à faire pour l’accomplissement du royaume des cieux. La liturgie de Gazinet s’inscrit dans cet accomplissement et les acclamations célestes de la Préface et du Sanctus nous disent qu’il est déjà en oeuvre :

- «Tous acclament, en se répondant les uns aux autres, sans jamais cesser, en louant Dieu sans fin, ils entonnent l'hymne triomphal de ta gloire merveilleuse, d'une voix claire, ils chantent, ils crient, ils célèbrent, ils proclament et disent: Saint, Saint, Saint, le Seigneur le Dieu Tout-Puissant. Les cieux et la terre sont remplis de Ta gloire. Hosanna au plus haut des cieux. Béni + soit celui qui vient au nom du Seigneur. Hosanna au plus haut des cieux.»

Ouvrons nos âmes et vivons pleinement chacun de ces mots.

Père Robert Mure


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