Le Jeudi Saint représente un moment très particulier dans le Nouveau Testament et dans l’année liturgique. La description du déroulement de cette journée est une part importante des Evangiles à elle seule, et l’enseignement du Christ constitue la conclusion de son enseignement terrestre. A la fin de cette journée, Jésus et ses disciples sont rassemblés autour d’un repas pour célébrer la «Pâque» qui est une fête essentielle dans la religion juive. Au cours de cette soirée, le Christ va tout d’abord proposer à ses disciples de leur laver les pieds. Par ce geste énigmatique, le Christ place la dimension du service au cœur de son enseignement. Par son attitude, agenouillé devant chacun de ses disciples, Jésus renverse les rôles. Lui, le Fils du Dieu Vivant, qui a déjà révélé en plusieurs fois sa divinité, s’abaisse et se présente comme un serviteur.

«Vous m’appelez «Maître» et «Seigneur» et vous avez raison, car je le suis » (Jean 13, 13)

Les apôtres sont stupéfaits et ne comprennent pas ce qui se passe. Comment le pourraient-ils ? Comment est-ce possible qu’un «rabbi» se transforme en serviteur. Dans une époque où les codes culturels et sociaux sont le fondement de la société, la transgression de ces codes et de ces règles conduit à la mise à l’écart de la société, voir dans certains cas à la mort. Jésus pose pourtant ces gestes dans le but de marquer les esprits de ceux qui le suivent depuis trois ans environ.

« Jésus savait que l’heure était venue pour lui de quitter ce monde pour aller auprès du Père» (Jean 13, 1)

Ensuite après le repas, Jésus institua l’Eucharistie et ouvrit ainsi l’histoire de l’Eglise Universelle.

«Pendant le repas, Jésus prit du pain et, après avoir remercié Dieu, il le rompit et le donna à ses disciples; il leur dit: «Prenez et mangez ceci, c’est mon corps.» (Mt 26 26 Voir aussi Marc 14.22-26; Luc 22.14-20; 1 Cor 11.23-25).

Le christ, arrive au terme de sa vie terrestre et on peut supposer qu’il lui tient à cœur d’insister sur l’essentiel de ce qu’il veut transmettre. Avec l’institution de ce rituel, le Christ pose des gestes qui sont encore réalisés «en mémoire de lui», 2000 ans après. Avec ces gestes, Jésus achève son enseignement sur cette terre. Quelques heures plus tard, il sera arrêté et s’ouvrira pour lui le temps de sa passion, de sa mort, de sa resurrection puis de son retour sur les plans célestes.

Il existe pourtant dans l’Evangile de Jean, un autre moment qui est trop souvent oublié. Plus particulièrement, c’est une des dernières paroles de Jésus que je voudrai mettre en évidence dans ces quelques lignes. Alors qu’il va vers le sacrifice de sa vie, il s’adresse à ses apôtres en ces termes :

« Je vous ai dit cela afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète. Voici mon commandement: aimez-vous les uns les autres comme je vous aime. »

« Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître. Je vous appelle amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j’ai appris de mon Père. » (Jean 15, 11-12 et 15)

Jésus en cet instant, ne leur dit pas, qu’ils sont des fidèles ou des disciples. Jésus ne se pose pas en chef spirituel qui met en place une Eglise. Au bout de cette soirée, Jésus leur déclare :

« VOUS ÊTES MES AMIS »

Ainsi le Christ place la dimension de l’Amour comme valeur essentielle de son enseignement. Cet amour est l’accomplissement des écritures. Par ces mots, c’est comme si le Christ nous prenait dans ses bras, pour nous dire ces mots au plus près de nous. « VOUS ÊTES MES AMIS » ainsi le Christ fonde son Eglise non pas sur la hiérarchie et l’obéissance. Il fonde son Eglise, l’Eglise Universelle, sur l’Amour, la confiance. « Ce que je vous commande, donc, c’est de vous aimer les uns les autres. » (Jean 15, 17)

Il ne fonde pas une troupe qui devra répandre son message. Il n’institue pas un ordre initiatique nouveau comme le laissent entendre certains romans récents. Non rien de cela, le Christ transmet son amour à ses amis.

Le mot « ami » recouvre une réalité très particulière. Un ami n’est pas parfait loin de là, il n’est pas non plus infaillible. Un ami est rarement héroïque ou exceptionnel. Non, un ami est un proche. Un ami, c’est quelqu’un sur qui on peut compter dans les joies et dans les difficultés. Un ami c’est quelqu’un qui peut chanter avec nous si on est dans la joie. C’est aussi quelqu’un qui pleure avec nous et qui nous console dans le malheur. Un ami c’est quelqu’un qui nous comprend sans qu’on ait besoin de parler. C’est celui aussi qui pardonne après une « brouille ». Un ami c’est celui qui est dans notre intimité, qui a notre tendresse. Il n’est pas besoin d’en dire plus, car nous avons chacun quelques personnes dans nos cœurs qui correspondent à cette définition.

Nous sommes très loin de la complexité théologique. L’enseignement du Christ est à la fois simplicité et profondeur. Mais cet enseignement est aussi d’une exigence incroyable. Par cette parole nous sommes invités à déposer ce que nous croyons savoir et nous sommes invités à ÊTRE.

« VOUS ÊTES MES AMIS » nous dit le Christ et cette amitié, cette proximité nous donne l’accès à la connaissance du Père. Comment est-il possible de passer à côté de ces mots ? Comment est-il possible de ne pas en être bouleversé ? Dans la Liturgie de Gazinet, le baiser de Paix correspond tout à fait à cette dimension de l’enseignement de Jésus. Avec l’accolade fraternelle qui accompagne ce geste, c’est comme si le Christ lui-même venait nous dire à l’oreille « Je vous donne ma Paix » car vous êtes mes amis.

Donne nous Seigneur d’écouter Ta parole comme on écoute un ami.

Donne nous la Grâce d’Etre en Ta Présence dans la liturgie de chaque jour.

Donne nous la simplicité du cœur pour comprendre ton enseignement et pour le réaliser dans le quotidien de nos jours ! Amen

Père Robert Mure


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