Vous avez peut-être regardé Avatar au cinéma, le dernier film de science-fiction du réalisateur américain James Cameron. Véritable phénomène de société rencontrant un succès populaire sans précédent, il suscite de nombreuses réactions, même de la part du Vatican qui vient de publier un communiqué sur le sujet. La rédaction du Gallican a souhaité réagir. Nous avons été voir le film évènement.

Equipé de lunettes 3D permettant de voir les scènes "en relief" le spectateur assiste à une représentation à couper le souffle, véritable immersion dans un monde enchanteur et haut en couleur. N’est-ce pas le but du cinéma, divertir et en mettre "plein la vue" ? La planète "Pandora" avec ces habitants sympathiques et respectueux du monde dans lequel ils évoluent ne manque pas d’émouvoir le spectateur. Le processus d’identification au combat des "gentils autochtones" qui défendent leur monde contre les "méchants terriens" envahisseurs et profiteurs fonctionne à plein. Il est impossible d’y être indifférent.

En dehors des effets spéciaux, de l’histoire bien ficelée et des personnages attachants, le film est une sorte de parabole sur les nombreux excès de la société de consommation. L’histoire se déroule dans le futur, avec des hommes dont le but est de coloniser et de piller une planète pour faire des profits. C’est un scénario dans "l’air du temps", en phase avec le cynisme affiché par de nombreux opérateurs économiques aujourd’hui. Le film défend des valeurs de respect de la vie, il dénonce la caricature outrancière de ceux qui veulent avoir toujours plus au détriment des autres et de l’environnement. Mais il y a sans doute plus à dire sur le sujet.

Le Vatican a déclaré : "La planète Pandora flirte intelligemment avec toutes ces pseudo-doctrines qui tournent l' écologie en religion du millénaire. La nature n'est plus une création à défendre mais une divinité à adorer". Faut-il partir en croisade contre ce film et le mettre à "l’Index" ? Nous ne le pensons pas. Les spectateurs sont assez grands pour se faire eux-même leur opinion. Un reflet de Dieu se découvre forcément pour le chrétien dans la contemplation de la Nature. Chacun peut ensuite aller plus loin par la prière et la foi. Mais l'homme renfermé, replié, centré sur lui-même ne peut s'ouvrir à cette vérité spirituelle; il doit d'abord vaincre son égoïsme. L'amour du prochain permet la véritable connaissance de Dieu (1 Jean 2,10) - (1 Cor 8,3) - (1 Jean 4,20-21).

C’est peut-être parce qu’il pose de bonnes questions que ce film dérange certains… La vie existe-t-elle ailleurs que sur notre belle planète bleue ? Si oui, pour le chrétien, le Christ est-il venu aussi visiter ces mondes ? Peut-il s’incarner ailleurs, pour des humanoïdes capables comme nous de penser, d’aimer, de vivre et de construire ? Vous vous laissez emporter par le rêve me direz-vous. Qui sait ? En l’état actuel de nos connaissances nous ne pouvons répondre à cette question.

Il est prouvé aujourd’hui par la science que l’eau a coulé sur la planète Mars, qu’il y en aurait encore dans les profondeurs du sous-sol. Dernièrement une sonde américaine a découvert la même chose sur un satellite de Saturne. Hors l’on sait que l’eau est indispensable à la vie. Si elle existe aussi fréquemment dans notre système solaire il est facile d’imaginer qu’ailleurs la vie soit possible, et même fréquente, les mêmes causes produisant les mêmes effets… C’est peut-être la règle dans les milliards de systèmes solaires de notre galaxie. Pourquoi serions-nous seuls dans l’univers ? Pourquoi tant d’espace et de mondes inconnus sans personne pour les peupler, y vivre, y respirer, aimer, sans créatures vivantes ?

Le sujet a déjà été abordé par de nombreux auteurs de science-fiction, livres ou bandes dessinées. Le célèbre Léo par exemple, avec sa bd à succès "Les mondes d’Aldébaran" imagine un futur où la technologie permet le "dépassement de la vitesse lumière" avec la colonisation de planètes semblables à la Terre. Ces pionniers rappellent l’histoire de la découverte des Amériques avec ses espoirs et ses drames. Conquistadores ou humanistes, il y a toujours eu deux courants : l’un capable de vivre en symbiose avec la nature et les indigènes, l’autre oeuvrant en vil profiteur, sans respect ni scrupules. La question d’éthique posée par le film Avatar n’est pas nouvelle.

Dans le numéro d’octobre 1995 du Gallican nous avions publié un texte reproduisant le discours prononcé par le chef indien Seattle devant l'Assemblée des tribus d'Amérique du Nord en 1854. L'auteur nous avait ému par son âme de croyant, sa dignité, son respect de la Création en tant que don de Dieu fait à l'être humain. L’extrait publié dans le paragraphe suivant rejoint la philosophie du film Avatar :

- "Mais peut-on acheter ou vendre le ciel, la chaleur de la terre ? Etrange idée pour nous ! Si nous ne sommes pas propriétaires de la fraîcheur de l’air, ni du miroitement de l’eau, comment pouvez-vous nous l’acheter ? Le moindre recoin de cette terre est sacré pour mon peuple. Chaque aiguille de pin luisante, chaque grève sablonneuse, chaque écharpe de brume dans le bois noir, chaque clairière, le bourdonnement des insectes, tout cela est sacré dans la mémoire et la vie de mon peuple. La sève qui coule dans les arbres porte les souvenirs de l’homme rouge."

Cette sagesse venue d’une autre culture est à méditer. On se souviendra aussi que dans les Evangiles, après l’épisode de la multiplication des pains, Jésus fait ramasser par ses apôtres les morceaux qui restent. Il ne veut pas qu’ils soient perdus, qu’on les jette… Le respect de la Création fait partie intégrante de l’Evangile pour le chrétien. Plus proche de nous Saint François d’Assise avait cette attitude de respect pour tout ce qui vit. Le chrétien ne peut l’oublier. La société de consommation a ses limites. Jusqu’où peut-on aller dans la transformation en produit et marchandise de tout ce qui existe ? C’est une bonne question posée par le film Avatar.

Mgr Thierry


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