Brouage, ville de Charente-Maritime, ancienne place forte classée monument historique en 1885 est mise à l'honneur cette année à travers les célébrations du 400ème anniversaire de la fondation de la "Nouvelle France" (Canada).

Samuel de Champlain, fondateur de Québec et père de la Nouvelle France est né à Brouage vers 1567. Le 26 juin 1604 il fonde, avec quelques compagnons, le premier établissement français durable en Acadie: Port-Royal. Nombre de canadiens francophones révèrent Brouage, qui a vu naître leur héros national, comme une sorte de "mère patrie".

Une visite au sanctuaire gallican du Sacré-Coeur de Clérac cet été - lui aussi situé en Charente-Maritime - sera l'occasion de découvrir Brouage. La belle saison est propice aux balades et découvertes. Faites le plein de spiritualité en venant participer à la messe du dimanche matin 10h30 ou lundi 11h00 à Clérac puis, transportez-vous l'après-midi vers Brouage. Le voyage de retour vers Bordeaux peut être agrémenté en suivant la splendide route qui borde l'estuaire de la Gironde.

Petite Histoire de Brouage

La cité de Brouage est née avec le commerce du sel, dès le VIIème siècle. Des marais salants ont très tôt été aménagés dans la zone marécageuse entourant le site de la future place forte. Pendant très longtemps, jusqu'à l'arrivée du confort moderne, le sel fut le seul moyen de conserver les aliments (en particulier le poisson).

A partir du XIème siècle les moines de l'Abbaye Sainte Marie de Saintes y créent une véritable "industrie du sel". L'essor économique de Brouage au Moyen-Age devient très important. Les navires anglais, flamands et hollandais viennent y chercher par bateaux "l'or blanc" qui fait la fortune de Brouage.

Jusqu'au XVIIème siècle la renommée de Brouage ne fait que grandir, intéressant d'abord la noblesse, puis le roi. Tous tirent de l'exploitation du sel de substantiels revenus: n'oublions pas la gabelle. La richesse dégagée par Brouage suscite de nombreuses convoitises. La ville se dote de fortifications pour faire face aux multiples conflits qui accompagnent son histoire: guerres de religions, guerres contre les anglais, soulèvement de la Fronde.

L'apogée de Brouage se situe au XVIIème siècle. Environ 300000 tonnes de sel sont extraites de l'exploitation des salines dont 150000 partent en exportation. En 1626 appareillent 200 navires. En 1649, 1703 bateaux emportent "l'or blanc" du port très actif et bien protégé de Brouage.

Brouage aujourd'hui - vue sur les fortifications
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La décadence intervient à partir de la fin du XVIIème siècle, du fait de l'envasement progressif du site et de la construction d'un nouveau port de guerre à Rochefort. Au XVIIIème siècle le commerce du sel périclite et le paludisme décime la population. La place forte sert de prison à l'époque de la Révolution. Elle accueille les prêtres gallicans destinés à la déportation, les réfractaires qui refusent de prêter serment à la Constitution civile du clergé. Trente-six d'entre eux vont mourir à Brouage.

Au XIXème siècle Brouage n'intéresse plus personne. La ville ne joue plus aucun rôle stratégique et l'administration des Domaines envisage même de vendre les remparts à des entrepreneurs souhaitant récupérer les pierres. Les fortifications seront sauvées par quelques personnalités qui obtiennent en 1885 la classification du site comme "monument historique". A fin du XIXème siècle les marais salants sont abandonnés par ce qui reste de la population au profit de l'ostréiculture. C'est aujourd'hui l'activité unique avec le tourisme.

D'immenses travaux de restauration ont été entrepris depuis 1989 à Brouage. La ville est devenue un haut-lieu touristique et accueille désormais 350000 visiteurs par an. En plus des célébrations liées au 400ème anniversaire de la fondation de la Nouvelle France, Brouage connaîtra cette année l'inauguration de la Maison Champlain.

Samuel de Champlain et la Nouvelle-France

On connaît peu de choses sur l'enfance et l'éducation de Samuel de Champlain. On suppose qu'il a appris le métier de marin avec son père, Antoine Champlain, pilote de navire, puis de son oncle, Guillaume Allène, surnommé le "capitaine Provençal". Charles Leber, aide-major et ingénieur de la place de Brouage lui a sans doute enseigné le dessin et la cartographie.

En 1595 il sert dans l'armée de Bretagne que commande le gouverneur de Brouage, François d'Espinay Saint Luc. En 1598 il accompagne son oncle Provençal à Séville pour une mission de rapatriement de troupes espagnoles par bateaux. Si l'on en croit son récit de voyage il aurait, de Séville, entrepris un voyage en Amérique Centrale (Mexique et Antilles).

Sa "carrière canadienne" débute à partir de 1603. Elle demeure la partie de sa vie la plus connue. Il s'en est expliqué en détail dans une série d'ouvrages réunis en 1632 sous le titre: "Les Voyages de la Nouvelle France Occidentale dite Canada".

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Champlain est un homme aux talents multiples. Officier de l'armée, capitaine de marine puis explorateur, il s'enfonce dans l'intérieur du pays, dresse des cartes des lieux visités, établit d'excellents rapports avec les indiens. C'est un humaniste chez qui perce l'esprit scientifique. De toutes ses expéditions il ramène des récits copieusement détaillés. On y découvre une richesse prodigieuse: ethnologique, zoologique, géographique et botanique. La plupart de ses textes sont illustrés de dessins, de cartes et de plans. Il a le souci de la précision.

En 1608 il fonde Québec. Au départ ce seront quelques maisons entourées de potagers et de dépôts de marchandises. Vers 1609 il s'allie aux indiens algonquins et pénètre chez leurs ennemis iroquois auxquels il livre bataille près du lac qui portera son nom. C'est aussi un homme d'action qui paie de sa personne. Il est blessé à trois reprises dans des combats contre les iroquois. Dans ses rapports avec les indiens demeure toujours le respect. Il cherche à les comprendre. Durant l'hiver 1615 il séjourne chez les Hurons avant de regagner Québec à l'été 1616. Auparavant il a découvert et exploré les grands lacs (Ontario, Huron).

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En 1624 il obtient des fonds pour fortifier Québec (un village à l'époque). Henri IV qui avait protégé et encouragé Champlain n'est plus là pour le soutenir. Mais il aura plus tard l'appui de Richelieu pour lui venir en aide. Les anglais qui sont en guerre contre la France prennent Québec par la force (1629). Champlain se rend alors à Londres et obtient, par le traité de Saint Germain en Laye la restitution de Québec à la France (1632).

En 1633, Champlain reprend une dernière fois le chemin du Canada avec deux-cents hommes pour continuer sa tâche de fondateur (construction de bâtiments, ports). Il meurt le 25 décembre 1635 à Québec. Il ne revient qu'une seule fois à Brouage, vers 1630, pour liquider une succession. A partir de 1643 les brouageais émigrent régulièrement vers la Nouvelle France.

La Souffrance Acadienne

En 1604 Samuel de Champlain et Pierre du Gast, sieur de Monts fondent le premier établissement français sur le bord littoral du Canada oriental: Port-Royal. La région prend le nom d'Acadie. D'autres établissement français se concentrent ensuite le long des rives du fleuve Saint Laurent et en Acadie.

Mais le peuplement de ces territoires reste modeste par rapport à celui des colonies anglaises situées plus au sud. On évalue les émigrants français (poitevins, vendéens et angevins) à 3000 en 1660, 10000 en 1685, 37000 en 1734 et 70000 en 1765 contre plus de un million d'anglais qui peuplent déjà la Nouvelle-Angleterre (futurs Etats-Unis). Cela va vite devenir un problème.

Les conflits opposant l'Angleterre et la France en Europe vont attiser les tensions en Amérique du Nord. En 1710 le fort de Port Royal doit capituler devant les troupes anglaises. Par le traité d'Utrecht (1713), la France cède l'Acadie à l'Angleterre qui lui donne le nom de Nouvelle-Ecosse. Mais les territoires situés au nord de la baie de Fundy (appelés aujourd'hui Nouveau-Brunswick) sont toujours occupés par les colons acadiens.

En 1746, la Nouvelle-France tente en vain de reprendre les territoires perdus et les acadiens de Nouvelle-Ecosse refusent de prêter le serment d'allégeance à la Couronne britannique. Le gouverneur de Nouvelle-Ecosse Charles Lawrence et son conseil décident brusquement d'expulser toute la colonie acadienne pour s'emparer des terres.

Les anglais organisent la déportation des acadiens qui sont dispersés par la force vers les Etats de Nouvelle-Angleterre, en Louisiane (où ils prennent le nom de cajuns) et même en Grande-Bretagne pour être rapatriés en France à Belle-Île-en-Mer. C'est une tragédie qui se poursuit durant sept ans. On appelle cet exode: le "Grand Dérangement".

La totalité de la population francophone, environ 15000 personnes, subit cette torture du déracinement forcé.

Ce drame terrible reste peu connu en France. Il explique l'hostilité toujours vive ayant existé entre communautés anglophones et francophones au Canada. Certaines blessures de l'Histoire ont bien du mal à cicatriser.

Fin de la Nouvelle-France

La guerre de Sept Ans (1756-1763) oppose en Europe la France et l'Autriche à la Prusse et à l'Angleterre. Les forces britanniques saisissent l'occasion pour attaquer la Nouvelle-France qui, grâce au général Montcalm résiste d'abord vaillament (victoire du fort Carillon en 1758). Mais le général anglais Wolfe vainc Montcalm lors de la bataille des "plaines d'Abraham" en 1759 (près de Québec). Les deux généraux perdent la vie dans la bataille.

La Nouvelle-France capitule le 8 septembre 1760, à Montréal. En Europe aussi les combats sont défavorables à la France. Par le traité de Paris (1763), la France cède officiellement à l'Angleterre la Nouvelle-France et l'est de la Louisiane.

On peut épiloguer sur cette perte de l'influence française en Amérique du Nord. Nous l'avons déjà souligné dans l'article précédent. Après la disparition tragique d'Henri IV (1610) ses successeurs n'auront ni l'envergure, ni la finesse, ni l'intelligence politique du flamboyant béarnais. Les monarques se coupent du peuple, les intrigues de cour prennent le pas sur le rôle et l'influence de la France dans le monde. On gouverne en petit: "l'Etat c'est moi" (Louis XIV). Plus de vision à long terme des choses, plus d'intuition de l'action française hors des limites du royaume. On persécute le parti protestant, on confond l'unité religieuse et l'unité nationale, on affaiblit le royaume, on prépare ainsi fatalement la Révolution de 1789.

Un mot encore sur les acadiens; sur la côte est du Canada, les familles qui échappèrent à la déportation en se cachant dans les forêts et ceux qui revinrent d'exil par leurs propres moyens s'installèrent après 1763 sur les terres pauvres et inoccupées des régions littorales. Ils existent toujours aujourd'hui. Au Nouveau-Brunswick ils représentent un tiers de la population et la province est officiellement bilingue. Ils ont leur hymne (Ave Marie Stella) et leur drapeau (bleu blanc rouge avec l'étoile de la Vierge dans la partie bleue). La ville de Moncton (centre universitaire et institutions francophones), est devenue la capitale des acadiens.

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** En savoir plus:

Le site officiel du 400ème anniversaire de la Fondation de la Nouvelle-France
http://www.acadie400.ca


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