Le docte initié que fut Charles Perrault a du prendre grand plaisir à décrire dans le Petit Chaperon Rouge une de ces remontées dans le passé que certains occultistes appellent: lecture du livre de l'Akasha. Dans la Bible nous voyons que le Grand Prêtre des Hébreux se sert de deux objets ou instruments pour descendre ou remonter le fil du temps: l'Urim et le Tumim.

Ainsi dans le Livre de Jérémie les gens de Tel-Mélah et d'autres localités ayant perdu leurs livres généalogiques vont les voir reconstituer par ce moyen (Néhemie VII-65). Ce conte est donc le récit d'un voyage depuis la mesnie du temps présent jusqu'à la mesnie du temps passé. Pour cela il va nous être nécessaire de nous enfoncer dans les sentiers couverts de la forêt, c'est à dire - nous retrouverons souvent ce symbole dans les contes suivants - dans le domaine de l'astral.

Et c'est un domaine - cela nous sera confirmé tout au long de l'oeuvre de Perrault - où l'on ne s'aventure pas impunément si l'on manque de savoir et de prudence. Des forces mauvaises (loups, ogres, etc) représentent les puissances du mal. Les entités pernicieuses elles, y sont heureusement contrebalancées et combattues par d'autres forces (bûcherons, nains, bonne fées, etc).


Avant de suivre cette petite fille bien joliette, bien attendrissante et bien naïve, essayons de réaliser pourquoi sa Mère-Grand l'a équipée de cette si voyante coiffure rouge... Ne serait-elle pas un héritage du bonnet de Mithra ?

Si nous ouvrons le livre: "Châteaux Forts Magiques de France" écrit par Roger Facon et Jean-Marie Parent nous y lisons page 32 qu'il y est question du bonnet phrygien présidant aux cérémonies initiatiques et, page 35, nous trouvons ces lignes qui vont nous éclairer sur la pensée de Perrault:

- "Se jeter dans la gueule du loup, c'est avant tout entrer dans la caverne initiatique, se soumettre aux rites, aux épreuves implacables. Car le loup est celui qui dévore. Comme le feu des adeptes, comme la lumière de Lug. Et il n'y a guère que le sage ayant réalisé l'oeuvre au rouge (le Petit Chaperon Rouge) pour triompher du loup, pour maîtriser l'ensemble des lois magiques."

Nimbée d'ignorance et d'innocence comme notre mère Eve au jardin d'Eden la fillette au chaperon rouge ne sait pas qu'il est dangereux de s'arrêter à écouter les entités morbides qui encombrent son chemin; elle cède à l'attrait de ce qui est nouveau pour elle... Elle est semblable à ces débutant qui veulent à tout prix avoir un contact avec l'Au-delà Heureusement pour elle la présence des bûcherons va la sauver des premiers risques.

La Grand-Mère - prenons y garde - demeure par delà le moulin, c'est à dire à une époque pré-chrétienne. Le moulin c'est, dans le symbolisme de Perrault, la Croix représentée par ses ailes et dont la force venue de Jésus-Christ va se transmuer en froment moulu eucharistiquement. Qu'envoyer à des êtres qui ne connaissent ni le Christ, ni la Croix ? Ce dont ils ont le plus besoin, bien sur, c'est-à-dire les sacrements et Perrault les symbolise par une galette et un pot de beurre, autrement dit les hosties et les onctions de l'Eglise, le Petit Chaperon Rouge tient en mains la nouvelle initiation.

Mais ce missionnaire risque fort d'être pris au piège des vieux rites. Il ignore que les formes périmées des cultes antiques ont été mangées par le loup, ne contiennent plus qu'un principe morbide. Comprenons bien que le Petit Chaperon Rouge va être invité à revenir vers des formes religieuses qui sont depuis la venue du Christ vidées de leur contexte et ceci au nom d'un traditionalisme mal compris.

Déjà Jésus avait mis en garde ses disciples contre le retour en arrière et ceci en maudissant le figuier symbolisant le Bouddhisme. L'arbre n'était pas mauvais en soi, ni la doctrine, mais l'un et l'autre ne donnaient plus de fruit car, nous dit l'Evangile, "ce n'était pas la saison". Méfie-toi, petit Chaperon Rouge, ce n'est plus la saison de la Mère Grand, il est dangereux d'aller dans son lit, de regarder derrière toi.

Le loup qui s'est très habilement caché sous les habits du culte antique redoute fort les sacrements christiques. Il va conseiller à l'enfant de les déposer avant de venir le trouver dans son lit:

- "Mets la galette et le petit pot de beurre sur la huche et viens te coucher avec moi."

Et le Petit Chaperon Rouge obéit sans réaliser qu'il se prive de ce qui est sa seule protection.

Bien plus, une fois que la petite fille a ainsi déposé sur la huche tout ce qu'elle avait reçu de sa mère, voici qu'elle se met toute nue, elle ne se contente pas doter son chaperon d'initiée, elle ôte aussi tous ses habits, c'est à dire le revêtement ecclésial de son époque. Ainsi elle va se retrouver privée de toute protection, affrontée au mélange des rites mal compris, des invraisemblables exigences des mystères d'autrefois, de tout ce que Saint Paul appelle du nom de religion de l'esclave... Elle sera de plus en plus interloquée par l'insolite de ce qui s'étale sous ses yeux et se réfugiera dans l'énoncé d'une série de questions: Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Le loup ne peut répondre que des lieux communs, des fadaises... Voici longtemps que le sens initiatique des cérémonies cultuelles qu'il singe mécaniquement est oublié ou encore ne correspond plus à l'époque. Incapable de renseigner sur la signification des liturgies dépassées il se dépêche de dévorer sa victime.


D'où vient le Petit Chaperon Rouge ? De siècle en siècle son histoire a dû être enseignée aux novices en voie d'initiation. Citons "Fecunda Ratis" où Egbert le Liégeois nous parle en 1023 d'une petite fille coiffée de rouge et vivant au milieu des loups. Mais cette histoire remonte bien plus loin dans le temps et nous la voyons se ramifier en de nombreuses versions où nous trouvons les éléments suivants:

Version des deux chemins: la fillette a le choix entre deux sentiers... La voies des aiguilles et la voie des épingles.

Version du loup éventré: un chasseur entend les cris du Petit Chaperon Rouge, il éventre le loup qui n'a fait qu'avaler entière la petite fille sans la digérer. L'enfant est donc libérée.

Version des pierres: dans le ventre ouvert du loup on remplace le Petit Chaperon Rouge par des pierres.

Version du loup piégé: le Petit Chaperon Rouge arrive en premier, avant le loup, elle parle de lui à sa Grand-Mère qui lui fait préparer un piège pour lui. L'on met sur une auge remplie d'eau des résidus de cuisson de saucisses ou bien l'on place sur la margelle d'un puits des saucisses pour que le loup attiré par l'odeur se mette en position périlleuse. Après quoi il n'y a plus qu'à donner une énergique poussée.

Version du père intervenant: il arrive à temps pour sauver l'enfant et sa grand-mère en décapitant le loup d'un coup de hache.

Les composantes de ces principales variantes donnent une infinité de Contes. Il est évident que ce ne sont que des rajouts hérités d'autres récits symboliques et le mérite de Perrault est d'avoir su trier l'essentiel du récit, ce qui se rapportait à la remontée en astral... Le voyage dans le temps.


Examinons pourtant ces versions:

Celle qui concerne les aiguilles et les épingles ou tout au moins leurs deux chemins nous place entre le chemin du labeur où l'on coud (aiguilles) et le chemin du plaisir et de la coquetterie où l'on se pare (épingles)... Si le Petit Chaperon Rouge s'attarde à une toilette "tirée à quatre épingles", elle se fera... "épingler"... Erreur d'aiguillage qui la mettra sur le chemin le plus long et permettra au loup de la distancer.

Celle qui se rapporte au loup éventré nous même tout droit à l'histoire de Jonas dans le ventre du poisson, c'est le symbole de la mort réelle ou initiatique.

La version des pierres se rattache au mythe de Chronos: le dieu du Temps.

Chronos avale ses enfants qui ressortent miraculeusement de son ventre. Ils sont remplacés par des pierres. Là encore l'histoire est présentée de façon différente selon que le Dieu du temps soit le Saturne romain ou le Chronos grec.

Les versions du loup piégé ou du père intervenant nous semblent encore plus loin du conte primitif, de même qu'une autre encore que nous allions oublier de citer où le Petit Chaperon Rouge est en face d'un loup qui veut lui faire manger un morceau de la morceau de la chair de sa grand-mère et lui faire boire un verre de son sang.


Mais revenons au conte essentiel.

La coiffure rouge de l'enfant recouvre un kentra important nommé Golgo. Marqué par la tonsure, la calotte d'étude des rabbins, les diverses coiffes initiatiques, les multiples calottes ecclésiastiques ce kentra est indiqué dans l'iconographie occidentale par l'auréole, cercle lumineux coiffant le sommet du crâne des Saints.

Retenons le signal donné par ce kentra, il est celui du contact avec les forces spirituelles les plus hautes. Dans les péripéties du récit de Perrault ce contact va être mis en danger par les tentations que la fillette rencontre sur le chemin le plus long sur lequel elle s'est stupidement engagée sur les conseils du loup.

Le conteur ne manque pas de nous énumérer ces pièges qui ont pour but de retarder son héroïne: "... S'amusant à cueillir des noisettes, à courir après des papillons, et à faire des bouquets des petites fleurs qu'elle rencontrait."

Remarquons que, comme pour Jésus rencontrant Satan dans le désert, les tentations sont au nombre de trois: une pour le corps physique, l'autre pour le corps éthérique et bien entendu la troisième pour le corps astral.

Pour le corps physique dans l'Evangile il s'agit de pierres changées en pain, ici il s'agit de noisettes.

Pour le corps éthérique Satan propose à Jésus de se jeter du haut du toit du Temple pour faire intervenir les anges dont les ailes le porteront. Ici il ne s'agit que d'ailes de papillons.

Enfin la tentation du pouvoir sur ce monde qu'emploie Satan contre Jésus sur le plan du corps astral est symbolisée pour le Petit Chaperon Rouge par les fleurs dont elle fait des bouquets.

Jésus a résisté victorieusement sur les trois plans mais au contraire le Petit Chaperon Rouge succombe.


Mais il est un autre enseignement que nous donne Perrault. Quand le loup, puis plus tard la petite fille heurtent à la porte c'est pour entendre la réponse initiatrice:

- "Tire la chevillette, la bobinette cherra"

A la suite des deux heurtants, frappons à notre tour à la porte du conte et écoutons attentivement la réponse... Que faut-il tirer pour que tombe la bobine qui nous ferme le sens caché des récits que nous étudions ?

Etymologiquement Chevillette vient du latin populaire Cavicula, dissimulation de Clavicula (de Clavis: Clef) ... Tirons cette petite clef que nous tend Perrault et mettons là de côté, nous allons la retrouver dans le conte de Barbe Bleue tout à l'heure... Mais n'oublions pas non plus que la cheville désigne aussi une partie du corps, celle où les iconographes grecs et romains attachaient les ailes symboliques indiquant la sublimation; par exemple pour le dieu Hermès (Mercure).

Peut-être mais ce n'est qu'une hypothèse le conteur a-t-il voulu faire allusion à une vieille expression populaire: "Avoir la bobie: avoir une taie sur l'oeil, ne pas y voir clair". L'on trouve le mot bobee déjà en 1125. Le Lapidaire de Marbode nous l'apporte dès cette époque et nous pouvons penser que Perrault a pu dire en catimini à ses lecteurs initiés:

- "Tire la clé secrète de ce livre et tes yeux s'ouvriront"

Ce qui nous semble certain c'est que Perrault n'a pas mis pour rien par deux fois dans son récit ce qui semble une évidence. Pourquoi la Mère-Grand qui a du bien souvent recevoir le petit Chaperon Rouge aurait-elle besoin de lui donner de telles précision pour ouvrir la porte ?

-"Entre!" aurait été la réponse logique.

Mais peut-être y-a-t-il plus encore, comme un mantra, une formule magique opérative, une conjuration transmise pour aider la compréhension. Jouons ensemble au plaisant jeu des anagrammes, mêlons les lettres de la phrase-clé de Perrault... Une fois soufflé le vent de l'esprit nous avons:

ALTERE, CHERCHE BIBLE ET VITRIOL ATLANTE

Anagramme de: - "Tire la chevillette, la bobinette cherra"

Celui qui a soif qu'il boive à ces deux sources:

Sur la Bible est-il besoin d'un commentaire, Perrault en était imprégné.

Quant au Vitriol Atlante de quoi s'agit-il ? Rescapés de l'Atlantide disparue les initiés d'une connaissance très pure et très profonde proposent perpétuellement ce mot fondamental:

VITRIOL = Visite l'Intérieur de la Terre, Rectifie, Inventorie l'Oeuvre Léguée ou plus classiquement:

Visita Interiora Terrae Pectificando Occultum Lapidem.

Visite l'intérieur de la terre, en rectifiant tu découvriras la pierre cachée.

Je pense au sage Perrault décidant de transmettre un livre d'initiation à tous ceux qui sont altérés de connaître le sens profond des choses de la Vie, ceci en un temps où il ne faisait pas bon jeter des perles aux pourceaux. Comment confier au papier tout ce qu'il savait ? Comment échapper aux inquisitions de toutes sortes ? Comment léguer aux générations présentes et futures un guide qui ne soit pas sur le champ saisi et brûlé ?

Le langage des alchimistes existe déjà, le vitriol venu de l'ancestral contient englouti est tout prêt à accomplir l'oeuvre; il suffit de trouver un moyen de propager la doctrine secrète des kentras: l'Odos.

Alors Perrault prend une petite fille et la coiffe d'un capuchon rouge, un chat et lui chausse une paire de bottes, un petit garçon et lui donne six frères et ainsi de suite, de façon à rédiger une série de récits enfantins, en dehors de tout soupçons dont seuls ceux qui savent "tirer la chevillette" seront en mesure de tirer aussi la substantifique moelle.

Barbe Bleue


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