"Elle est sûre cette parole; celui qui aspire à la charge d'épiscope désire une noble fonction. Aussi faut-il que l'épiscope soit irréprochable, mari d'une seule femme, qu'il soit sobre, pondéré, courtois, hospitalier, apte à l'enseignement, ni buveur ni batailleur, mais bienveillant, ennemi des chicanes, détaché de l'argent, sachant bien gouverner sa propre maison et tenir ses enfants dans la soumission d'une manière parfaitement digne. Car celui qui ne sait pas gouverner sa propre maison, comment pourrait-il prendre soin de l'Eglise de Dieu ? Que ce ne soit pas un converti de fraîche date, de peur que, l'orgueil lui tournant la tête, il ne vienne à encourir la même condamnation que le diable. Il faut en outre que ceux du dehors rendent de lui un bon témoignage, de peur qu'il ne tombe dans l'opprobre et les filets du diable." (1Timothée 3,1-7)
Voici donc, établi par Saint Paul, les critères de choix pour l'élection de l'évêque au sein de la communauté chrétienne. Par la suite, d'autres éléments seront pris en compte par les Eglises d'orient et d'occident. Pour l'instant, il est utile de remarquer que selon l'apôtre, le mariage n'est pas incompatible avec la charge épiscopale; au contraire, être un bon époux et un bon père de famille est une garantie d'équilibre et de stabilité pour le choix de l'évêque. A ce propos nous pouvons citer la Profession de Foi de Gazinet: "Le mariage est si honorable et si saint qu'il peut s'allier avec les plus hautes fonctions du ministère sacerdotal."
Aux premières années de l'Eglise, lorsque se multipliaient les Eglises locales sous l'impulsion des Apôtres, ceux-ci établirent à leur tête des responsables. On les appelait tantôt presbytres (du grec presbuteros = ancien), tantôt épiscopes (du grec épis-kopos = surveillant, protecteur). Les Apôtres leur imposaient ensuite les mains - comme le relatent le livre des Actes et les épîtres de Paul - pour leur transmettre le don de l'Esprit-Saint, l'Esprit aux sept dons que les Douze avaient reçu par la volonté du Christ.
A ce sujet ouvrons une petite parenthèse pour répondre à
une question communément posée dans nos assemblées chrétiennes,
en particulier lorsque le prêtre, dans
le rite gallican de la
messe, élève le livre des Evangiles devant le chandelier à
sept branches. Quels sont les sept dons de l'Esprit-Saint ? Le
catéchisme répond:
1) Sagesse 2) Intelligence 3) Conseil 4)
Force 5) Science 6) Piété 7) Crainte de Dieu.
Comme "L'amour
parfait bannit la crainte" (1Jean 4,18), il serait peut-être
plus juste d'interpréter le septième don comme le sentiment
affectueux de ne pas blesser l'amour que le Seigneur nous porte, ne pas
l'attrister. "N'attristez pas l'Esprit de Dieu" (Ephésiens
4,30) - "Demeurez dans mon amour" (Jean 15,9). "Je
t'invite à raviver le don spirituel que Dieu a déposé en
toi par l'imposition de mes mains. Car ce n'est pas un esprit de crainte que
Dieu nous a donné, mais un Esprit de force, d'amour et de maîtrise
de soi" (2 Timothée 1,6-7).
Nous avons écrit plus haut que les Apôtres imposaient les mains aux presbytres et aux épiscopes pour leur transmettre le don de l'Esprit-Saint. Il faut savoir que vers la fin du 1er siècle la fonction épiscopale s'est nettement dégagée de la fonction presbytérale et diaconale. Seul subsista le titre d'évêque pour désigner le responsable de l'Eglise locale. Il était entouré du collège des anciens, les presbytres, qui vont devenir les prêtres dans la langue française. L'évêque ordonnait prêtres et diacres pour l'assister dans sa tâche, et subvenir avec lui aux besoins des communautés chrétiennes qui devenaient chaque jour plus nombreuses.
Aux origines, l'évêque seul célébrait la messe entouré du collège des prêtres, puis, avec l'extension des communautés, les prêtres se déplacèrent pour célébrer l'eucharistie là où leur évêque ne pouvait venir suite au développement de l'Eglise. D'où l'antique formule qui regarde le prêtre et le diacre comme: "l'oeil et le bras de l'évêque". Le prêtre représente donc l'évêque dans la paroisse et agit par délégation du pasteur suprême du diocèse. L'usage liturgique qui préconise que le prêtre croise l'étole pour célébrer la messe signifie que ses pouvoirs sacerdotaux sont liés à ceux de son évêque; l'évêque célèbre la messe l'étole droite en tant qu'ayant reçu la plénitude du sacerdoce par sa consécration épiscopale. Le diacre et la diaconesse la portent en sautoir sur l'épaule gauche pour symboliser qu'ils n'ont reçu qu'une partie du fardeau du Christ.
La mission royale et première de l'évêque est l'annonce de l'Evangile: "Allez dans le monde entier et prêchez l'Evangile à toute la Création" (Marc 16,15); c'est là le fondement de la mission épiscopale, l'épiscope l'achève ensuite par le baptême, l'eucharistie, le gouvernement.
Par son ordination l'évêque reçoit donc mandat
et charge de l'Eglise pour:
1) enseigner (annonce
de la parole de Dieu, doctrine).
2) sanctifier, c'est à
dire rendre saint le peuple qui lui a été confié (par la
prière, la vie sacramentelle et liturgique, principalement
l'eucharistie).
3) gouverner (charge pastorale) au nom du
Christ.
A l'évêque revient le soin d'administrer les sept sacrements de la vie chrétienne. Le prêtre est limité à l'administration de cinq sacrements: baptême, mariage, eucharistie, onction des malades et réconciliation. Les sacrements de l'ordre (ordination) et de confirmation sont réservés au charisme épiscopal.
Un autre aspect de la fonction épiscopale est l'ordination de nouveaux évêques, pour assurer la continuité de la mission confiée par le Christ aux Apôtres. Ainsi la théologie définit l'évêque comme le "successeur des apôtres". Cette continuité fonde aux yeux des Eglises Catholiques, Orthodoxes et Anglicanes l'authenticité et la légitimité des pouvoirs assumés par le prêtre établi dans la plénitude du sacerdoce. On parle alors de "succession apostolique", terme technique définissant en théologie qu'un évêque est réellement "successeur des apôtres", critère de "validité".
Pour qu'il y ait succession apostolique - il faut et il suffit - au moins
pour la plupart des théologiens:
1) Que l'évêque
accomplisse la tâche des apôtres, car on ne peut réduire
la transmission du caractère épiscopal au seul acte mécanique
d'imposition des mains.
2) Qu'il y ait une succession ininterrompue
entre lui et les apôtres, succession marquée par
l'imposition des mains de l'évêque précédent, en
remontant jusqu'aux apôtres et au Christ. ("Déroulez vos
rouleaux" - Tertullien IIIème siècle).
Ainsi dans notre Eglise Gallicane, depuis le Christ imposant les mains à ses apôtres jusqu'à Mgr Thierry, Mgr Jean, Mgr Théophile et Mgr Eduardo, existe une chaîne de succession ininterrompue: la succession apostolique.
Hasard ou volonté de la providence, cette chaîne de succession passe par Mgr Bossuet, l'immortel défenseur des libertés gallicanes au XVIIème siècle.
Aux premiers âges de l'Eglise, quand celle-ci eut pris de l'extension, certains évêques, précisément ceux des capitales régionales et provinciales accédèrent insensiblement à une situation "incontournable". Leur charge était toujours celle d'un évêque, mais à cause de leur responsabilité plus importante elle entraînait une dignité particulière. Leurs frères dans l'épiscopat les désignèrent du nom d'archevêques, de métropolites ou de primats.
Il serait dommage de terminer cette présentation de la fonction épiscopale sans mentionner la célèbre citation de Saint Ignace d'Antioche: "Là où est l'évêque là est l'Eglise, et là où est l'Eglise là est l'évêque". Les deux sont indissolublement liés! Il ne peut y avoir l'un sans l'autre devant Dieu et les hommes, c'est ce que symbolise l'anneau épiscopal: le mariage de l'évêque avec l'Eglise pour la vie éternelle.