A partir de 406 ap. J.-C. la Gaule romaine est envahie et traversée par les tribus germaniques (grandes invasions) qui franchissent le Rhin: Vandales, Alains, Burgondes, Quades, Wisigoths. Les tribus franques ne franchiront le Rhin qu'à partir de 410, puis 423, 430, 440.
En 423, le général romain Aetius devient gouverneur de la Gaule, en 448 le roi Franc Mérovée fait la paix avec Aetius. Ce dernier défait Attila et ses hordes de huns en 451. Les tribus franques occupent la vallée de la Moselle en 454. Aetius est assassiné par l'empereur Valentinien III la même année. Aegidius lui succède en 457, puis son fils Syagrius en 476. Il gouverne la Gaule entre la Loire et la Somme (capitale Soissons) après la chute du dernier empereur romain Romulus Augustule.
Clovis (465-511) devient roi des francs en 481, à la mort de son père Hildéric. Il commande une armée de cinq mille guerriers avec lesquels il bat successivement Syagrius (Soissons 486), puis les Alamans, rejetés sur la rive droite du Rhin (Tolbiac 496); les Burgondes, qui deviennent tributaires (L'Ouche 500); les Wisigoths, rejetés au Sud des Pyrénées (Vouillé 507).
Clovis mourra en 511 après s'être rendu maître de la majeure partie de la Gaule qui sera partagée entre ses trois fils: Austrasie, Neustrie et Bourgogne.
Ces trois royaumes se combattront par la suite et ne retrouveront un semblant d'unité que de façon éphémère; six partages et six réunifications par la suite, jusqu'au huitième siècle.
Le grand mérite de Clovis, fin stratège et vaillant guerrier, est d'avoir créé une certaine unité politique et spirituelle durant son règne. Ses successeurs n'auront pas son génie ni son courage, tout le monde connaît l'histoire des rois fainéants.
Il faudra attendre la dynastie des carolingiens pour voir revenir une unité stable et assister à une considérable expansion avec l'Empire de Charlemagne.
Mais au traité de Verdun (843), l'Empire carolingien est partagé en trois royaumes: Lotharingie (de la mer du Nord aux Etats de l'Eglise), Francie orientale (Allemagne), Francie occidentale (France).
Mais Charles II le Chauve - premier roi de France - et ses successeurs ne sauront pas faire obstacle aux prétentions de l'aristocratie féodale, ni résister aux invasions vikings en Normandie.
Avec l'avènement d'Hugues Capet et la dynastie des capétiens, les nouveaux rois de France ne domineront réellement qu'un petit domaine autour de Paris. L'unité de la France se fera par étapes, au cours des siècles. Rappelons-nous la guerre de cents ans, l'épisode Jeanne d'Arc, l'occupation de l'Aquitaine par les anglais, les luttes fratricides au XVème siècle entre Louis XI et son cousin Charles le Téméraire, Duc de Bourgogne.
Une unité spirituelle existe cependant dans notre pays, l'Eglise Gallicane sera longtemps la seule réalité unitaire au milieu des balbutiements du Royaume de France. Il est donc juste de préférer l'expression Eglise Gallicane à celle d'Eglise de France pour désigner l'Eglise de notre terre, et rester fidèle à son message, à son héritage.
Du temps de Clovis, un homme d'une exceptionnelle valeur a déjà compris la valeur prophétiquement unitaire de l'Eglise Gallicane, c'est l'évêque Rémi. Aux moments cruciaux de l'Histoire, la Providence est là qui veille et guide la vie des peuples. Mais elle a besoin d'hommes et de femmes qui comprennent sa Volonté, et qui, à défaut d'avoir l'intuition du sens de l'Histoire, ou la claire vision des réalités de l'avenir, agissent en conscience et accomplissent des actes qu'ils croient justes et riches de promesses.
Le baptême de Clovis par Rémi fait partie de ces actes fondateurs qui, mille cinq cents ans après, impressionnent encore la mémoire collective des français parce que riches de significations.
Saint Rémi est né à Laon en 437, dans une riche famille chrétienne. Il reçoit une solide instruction. Orateur brillant et proche du peuple, il possède au plus haut degré, par sa culture et sa vertu naturelle les qualités de pasteur, de diplomate et d'administrateur exigées à une époque de mutation politique et de troubles.
Les Francs pénètrent en Gaule. L'empire romain s'effrite. Que va devenir la civilisation ? A l'âge de 22 ans Rémi est appelé par acclamation unanime du clergé et du peuple sur le siège épiscopal de Reims. C'est donc un très jeune évêque qui est élu, mais un extraordinaire chef spirituel qui saura défendre les siens.
En 486, Reims fait partie du royaume Franc. Clovis, bien que païen, est impressionné par l'autorité spirituelle de l'évêque gallican. Une sorte de retenue, mêlée de respect, l'empêche de se montrer hostile au prélat, au contraire, il lui témoigne de l'admiration. Ailleurs sur les terres du royaume franc, les guerriers se comportent en barbares, pillent les églises, tuent les religieux.
En 491, Clovis épouse la nièce des deux rois burgondes, Clotilde, dont les parents et les frères ont été massacrés par des proches. Elle est chrétienne, elle fera tout pour amener son époux à la conversion et à la Foi au Christ.
L'Eglise en a fait une sainte, mais méfions-nous des images
toutes faites. Au moment de rentrer dans le royaume des francs, elle
obtient de son royal époux qu'il fasse brûler et piller par ses
guerriers deux lieues du pays burgondien de chaque côté de la
route.
- "Et les francs se mettent à l'oeuvre:
"Dieu
tout-puissant, je te rends grâces! s'écrie alors Clotilde; je vois
enfin commencer la vengeance de mes parents et de mes frères!"
Ce
dernier trait si profondément germanique - nous dit Henri Martin -
"ce cri de l'âme, n'a certes pas été inventé
par le chroniqueur. Clotilde, toute sainte que l'ait fait l'Eglise, manifesta
longtemps après, par de plus terribles marques, cet esprit de vengeance
aveugle et implacable. Chez les barbares les plus zélés pour la
foi chrétienne, l'Evangile ne modifiait que bien lentement le fond du
coeur; le christianisme n'existait guère qu'à la surface, et le génie
de la barbarie reprenait sans cesse le dessus sur les nouvelles croyances."
Histoire de France d'Henri Martin - tome I page 417.
En 496, Clovis et son armée se battent contre les alamans à
Tolbiac. La bataille est longue, terrible, les deux peuples sont braves au
combat, ils ont le même courage. Des milliers de braves tombent de part et
d'autre. Soudain le roi franc s'écrie:
- "J'ai appelé
mes dieux, et ils ne m'assistent point dans la détresse: ils ne peuvent
donc rien, puisqu'ils ne secourent pas ceux qui les servent ? Christ, que
Clotilde assure être le fils du Dieu vivant, j'invoque avec foi ton
assistance: si tu m'accordes la victoire sur mes ennemis et que je fasse l'épreuve
de cette vertu que t'attribue le peuple qui t'est consacré, je croirai en
toi et je me ferai baptiser en ton nom !"
- " Comme il
parlait de la sorte, voici que les alamans tournèrent le dos et commencèrent
à prendre la fuite, et, quand ils virent leur roi tué, ils se
soumirent au pouvoir de Clovis." Récit de Grégoire de
Tours 1. II, c.50.
Sans doute l'histoire est-elle un peu romancée. Un autre chroniqueur, Frédegher, rapporte les faits de façon moins romanesque. Peu importe. Le vainqueur de Tolbiac décide de se faire chrétien, et c'est à Rémi dont l'autorité spirituelle couvre à présent tout le royaume que Clotilde fait appel pour baptiser son mari.
Le 25 décembre 496, tout est prêt:
- "L'évêque, cependant, transporté d'allégresse,
ordonne qu'on prépare la piscine sacrée. On tend, d'un toit à
l'autre, dans les rues et sur les parvis de l'Eglise, des voiles aux brillantes
couleurs; on orne les murailles de blanches draperies; on dispose le baptistère;
l'encens fume, les cierges brillent, et le baptistère et le temple tout
entier sont remplis d'un parfum divin. Le cortège se met en marche, précédé
par les crucifix et les saints Evangiles, au chant des hymnes, des cantiques et
des litanies, et aux acclamations poussées en l'honneur des saints... Rémi
menait le roi par la main du logis royal au baptistère...
"Patron,
s'écriait Clovis émerveillé par tant de splendeur, n'est-ce
pas là le royaume de Dieu que tu m'as promis ? Non, répliqua l'évêque,
ce n'est pas le royaume de Dieu, mais la route qui y conduit."
-
" Le nouveau Constantin descendit dans la cuve, où les catéchumènes,
à cette époque, se plongeaient encore presque nus; ce fut alors
que Saint Rémi prononça ces paroles célèbres: "Adoucis-toi,
fier Sicambre, et courbe la tête; adore ce que tu as brûlé,
et brûle ce que tu as adoré!"
Le roi confessa donc le Dieu tout-puissant dans la Trinité, et fut baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et oint du saint chrême avec le signe de la croix du Christ. Et plus de trois mille de ses guerriers furent baptisés avec lui, ainsi que sa soeur Alboflède; et son autre soeur Lanthilde, qui était tombée dans l'hérésie des ariens, confessa le Fils et l'Esprit égaux au Père, et fut ointe du chrême." Grégoire de Tours 1. II, c. 31.
- "C'est à l'instant de l'arrivée du cortège au baptistère, que les légendes racontent l'apparition d'une colombe "plus blanche que la neige, qui apporta dans son bec une fiole (ampullam) pleine d'un chrême qui répandit sur toute l'assemblée des parfums d'une suavité sans égale."
Cette fable poétique de la Sainte Ampoule fut pour la France ce qu'avaient été pour Rome le palladium et les boucliers tombés du ciel. Le premier monument écrit qui en fasse mention est la Vie de Saint Rémi, rédigée par l'archevêque Hincmar au neuvième siècle; mais la tradition remontait plus haut: les fraudes pieuses sont plus rares qu'on ne croit, et cette fameuse Ampoule, gardée si précieusement dans le trésor de Reims, pouvait bien être la vraie fiole dont s'était servi Saint Rémi; le temps et l'imagination enthousiaste des clercs de Reims avaient fait le reste, et lui avaient donné une origine miraculeuse." Henri Martin - Tome I, page 424.
Par le baptême de Reims, la Gaule appartint en puissance à
Clovis. L'Historien Henri Martin nous le confirme:
- "Dés
ce jour, on put dire que la Gaule fut à lui. Le clergé catholique
jeta un long cri de joie et de menace en apprenant que cette formidable épée
s'était mise au service de l'orthodoxie, et tous les trônes ariens
furent ébranlés sur leur base: Clovis fut proclamé le fils
unique de l'Eglise entre les rois d'Occident. De là ce titre de fils aînés
de l'Eglise, que prirent les rois de France après les rois Francs."
Henri Martin - Tome I, page 426.
Le baptême du roi Franc avait-il changé sa nature
profonde ? Le chroniqueur Frédegher nous rapporte ceci:
-
"Quelques jours après son baptême, Clovis, étant encore
dans les aubes, écoutait la lecture de l'Evangile que faisait Saint Rémi.
Quand le prélat vint à réciter comment Jésus-Christ
avait été livré aux bourreaux, Clovis entra en fureur: "Que
n'étais-je là avec mes Francs! s'écria-t-il, j'eusse
promptement vengé son injure."
On voit comment les néophytes
francs comprenaient les mystères de leur nouvelle foi." Frédegher
(c. 22).
Avant tout, pour les Francs, "le Christ leur apparut comme un puissant allié qui les appeler à le venger de ses ennemis, un chef invisible qui les menait à la victoire pour les récompenser de proclamer sa divinité. Le Christ ainsi remplaça Woden dans leur vénération. "Vive le Christ qui aime les Francs! s'écrie le préambule de la Loi Salique: qu'il garde le royaume, qu'il protège leur armée!" Henri Martin - Tome I, page 425
Le baptême de Reims sera suivi d'heureuses conséquences pour l'Eglise Gallicane. L'évêque Rémi devient le premier lien solide entre le pouvoir politique des francs et l'Eglise. L'amitié de Clovis lui permet d'envoyer des missionnaires évangéliser les francs dans toute la Gaule, et de lutter contre l'arianisme des Wisigoths.
Sans Clotilde et sans Rémi Clovis serait probablement devenu arien, comme d'autres rois barbares à cette époque. Mais l'hérésie arienne niait l'existence de la Trinité, elle enseignait que Jésus, Fils de Dieu, ne possédait qu'une divinité secondaire, subordonnée à celle du Père; qu'il était bien l'envoyé de Dieu, mais sans être Dieu lui-même.
L'arianisme fut condamné par le premier concile oecuménique dit de Nicée (325), qui promulgua la première partie du credo, toujours récité à la messe aujourd'hui et aussi appelé Symbole de la Foi.
Mais l'arianisme survivra, comme force politico-religieuse, jusqu'à la fin du VIème siècle, importé et soutenu en Italie et en Gaule par la plupart des rois barbares. Il est toujours vivace de nos jours dans certains mouvements religieux.
Derrière Clovis, vainqueur de l'arien Alaric II (Vouillé 507), roi des wisigoths installés en Aquitaine, l'Eglise Gallicane gagne le sud de la France. Saint Rémi, pivot de l'Eglise Gallicane au début des temps mérovingiens, conseiller de Clovis, ami de Sainte Geneviève de Paris (423-512), installe de nouvelles églises dans l'Est et jusqu'aux bords du Rhin. Il vivra jusqu'à un âge très avancé, quatre-vingt-seize ans disent certains hagiographes.