C’est une question que croyants et non croyants peuvent tous se poser. Mais elle en appelle immédiatement une autre : qu’est-ce que la Foi ? La réponse la plus simple, la plus évidente est celle-ci : croire. Mais pour croire il faut avoir confiance, cela suppose donc des valeurs, comme le respect et l’amour par exemple.

La Foi permet de se construire, de se structurer. Elle fait appel à un système de valeurs sur lesquelles repose notre vie. Elle permet d’avancer, d’imaginer, créer, agir avec les autres. C’est aussi un moteur, une énergie qui nous pousse et nous permet de dépasser nos limites. Elle se révèle sous de multiples facettes : foi religieuse, foi dans la vie, foi dans les autres, foi dans ses rêves, etc.

Essayons de comprendre.

Les Textes Fondamentaux

En matière de religion, la Foi du chrétien repose sur un texte fondamental appelé Credo (en latin), ou Symbole de la Foi (en français). Il en existe plusieurs versions dont les plus connues sont :

1) Le Symbole des Apôtres ; texte souvent appris dans l’enfance au catéchisme, et qui contient un résumé des vérités essentielles transmises par les Apôtres de Jésus à l’Eglise. C’est en quelque sorte la première « profession de foi » du chrétien. Dans l’Eglise Gallicane de Gazinet, lors de la célébration du baptême, il est lu devant l’assemblée par le prêtre, avec le parrain et la marraine de l’enfant qui va être baptisé.

2) Le Symbole de Nicée-Constantinople ; texte du Credo récité lors de la célébration de l’eucharistie dans la plupart des Eglises chrétiennes (catholiques, orthodoxes et protestantes). Dans le rite gallican de la messe en usage dans nos paroisses, c’est à dire le rite de Gazinet, il est toujours récité par l’assemblée durant l’office. On se met debout, par respect pour le texte qui va être proclamé. Il est lu d’une voix ferme, car il exprime une adhésion aux valeurs qu’il porte.

Le Symbole de Nicée-Constantinople tient son nom des deux grands premiers conciles oecuméniques (c’est à dire réunissant tous les évêques de la terre habitée). Les Pères conciliaires composèrent la première partie en 325, dans la ville orientale de Nicée (province de Marmara dans la Turquie actuelle), puis la seconde en 381 dans la ville de Constantinople (anciennement Bysance, aujourd’hui Istambul en Turquie). Le symbole de Nicée-Constantinople est aux Eglises chrétiennes ce que la Constitution est à un pays : le texte de référence qui porte nos valeurs fondamentales.

Ces écrits dont nous avons reçu le dépôt à travers les âges, dans la succession des générations, sont une composante de notre patrimoine spirituel. Ils appellent notre respect. Chacune des phrases qui les composent ont une signification particulière. Elles peuvent être développées et approfondies ensuite par la réflexion et la méditation. Elles renseignent le chrétien sur la nature de Dieu, la vie de Jésus, l’importance de l’Eglise, du baptême, etc.

N’oublions pas l’Evangile

Le Symbole des Apôtres et celui de Nicée-Constantinople ont leur importance, nous l’avons vu, dans la Foi du chrétien, mais les textes des quatre Evangiles (Mathieu, Luc, Marc et Jean) sont aussi de nature vitale pour l’intelligence de la Foi.

Dans l’Eglise Gallicane de Gazinet, un texte des Evangiles est toujours lu et commenté lors de chaque office religieux. Il donne la vie, si je puis m’exprimer ainsi, car il exprime la pensée de Jésus. Il est aussi témoignage de ses actions, de ses miracles, de son enseignement. Il rend le Christ présent. Le prêtre qui le commente durant la messe a le devoir d’en extraire la « substantifique moelle », c’est à dire ce qui va nourrir, alimenter la foi de ses paroissiens. C’est une grande responsabilité, car il est évident qu’il ne s’agit pas de raconter n’importe quoi. L’Evangile porte des valeurs fondamentales sur lesquelles reposent l’essentiel de la Foi chrétienne : l’amour de la vie, des autres, l’ouverture d’esprit, la compassion, la tolérance, l’indulgence, la bonté, le courage, le dépassement de soi.

Dans nos paroisses, la prédication est toujours quelque chose de spontané. Le prêtre partage et fait rayonner auprès de ses paroissiens quelque chose qui vit et fait partie de lui. Le premier devoir de formation d’un séminariste qui aspire à la prêtrise est donc de bien s’imprégner des Evangiles. Ils doivent être comme une sorte de « seconde nature » en lui. Ils permettent d’éviter les écueils des intégrismes et fondamentalismes qui sont autant de pièges sur le chemin du sacerdoce. Le christianisme est fondamentalement un courant d’amour vivant. Comprendre cela, c’est faire un grand pas en avant sur le chemin de la spiritualité, c’est découvrir l’âme de l’Eglise.

La Foi dans la Vie

Croire en Dieu, prétendre à une spiritualité, c’est aussi croire en la vie et l’aimer, ne pas céder aux fantômes de la peur : croire que demain il fera jour, croire que l’on peut aller au bout de ses rêves. Cela conduit d’une certaine façon au dépassement de soi, de ses limites. Cela n’est possible qu’avec de l’amour, un idéal porté par l’espérance d’une vie meilleure et plus heureuse.

Nous sommes fondamentalement des êtres affectifs, c’est notre nature profonde. Nous dépendons des sentiments, du regard que portent les autres sur nous. Un enfant ne peut se développer harmonieusement qu’à condition d’être nourri et soutenu par l’amour des siens. Cela lui donne de la confiance, il sent qu’il n’est pas seul.

En parcourant les Evangiles, nous pouvons comprendre que nous ne sommes pas seuls. Le Dieu révélé par Jésus se présente comme un Père bienveillant qui ne juge pas. Il sauve, sans poser de conditions, parce que telle est sa nature. Il ne faut donc pas s’étonner si Jésus ne propose que deux commandements à suivre, pour parcourir le chemin de la foi : l’amour de Dieu et celui du prochain. Et les deux sont semblables, indissolublement liés. Il ne peut y avoir l’un sans l’autre, car selon le témoignage de Jean : « Dieu est amour ». Et toujours selon l’apôtre : « celui qui n’aime point ne connaît pas Dieu, car Dieu est amour » (1 Jean 4,8)

Aimer c’est vivre, vivre c’est aimer. Le problème de l’être humain, c’est qu’il complique toujours ce qui devrait rester simple. La part d’ombre qui est en nous, ce que les Ecritures appellent le péché ou le mal gênent l’accomplissement, ne favorisent pas l’épanouissement de cette lumière vitale appelée amour. Il semble même parfois que toute la bonne volonté du monde ne soit pas suffisante pour atteindre cet idéal.

C’est une des raisons pour lesquelles nous avons besoin de la foi. Elle est une force, elle nous permet d’abord de nous battre contre nous-même, de passer outre cette part d’ombre qui empêche d’avancer et complique les choses. « Nos vrais ennemis sont en nous-mêmes » écrivait le grand évêque gallican Bossuet.

Nous possédons tous le libre arbitre, un tempérament particulier. Cela détermine des attitudes vis à vis des autres et de la vie. Certains s’enferment dans l’égoïsme, jugent sans comprendre, sans rien connaître, sans écouter. Ils ressassent des rancunes qui se transforment en haines, créent un climat lourd et pesant qui génère le vide autour d’eux. On ne dira jamais assez combien l’ignorance est porteuse de mal. D’autres tendent des bras secourables, évitent de gaspiller leur énergie dans la critique, ne se posent pas en victimes permanentes, gardent le sourire et vont de l’avant, parce qu’ils considèrent que demain sera de toute façon meilleur qu’aujourd’hui.

Dans la vie il existe certes une part de fatalité que nous n’avons pas choisie et qui nous limite (capital santé, milieu de vie, caractère, événements extérieurs, etc), mais la foi est chemin de perfection. Il y a toujours moyen de repousser ce qui nous enferme, parfois avec de lourdes chaînes. C’est une façon de défier, de dominer et conjurer le destin.

La Foi dans les Autres

Comme nous ne vivons pas seuls sur une île déserte, nous avons besoin des autres et les autres ont besoin de nous. La vie sociale suppose un partage, une mise en commun des talents pour avancer. Nous n’avons pas les mêmes aptitudes, capacités, potentialités. Dans certains domaines nous faisons la différence, dans d’autres nous sommes « très légers ». Depuis la nuit des temps l’humanité a compris que sa survie était liée au groupe. La mise en commun des talents est une nécessité vitale.

Cette mise en commun des qualités suppose la confiance. Pour compter sur une personne, il faut avoir confiance en elle. On en revient toujours à la foi : croire. Mais pour cela il faut se connaître mutuellement, s’apprécier. Compter sur quelqu’un, c’est d’une certaine façon croire en lui. Souvent l’espérance est nécessaire, car certains talents mettent du temps à germer, puis à se développer. Lorsqu’un jeune grandit par exemple, les parents devinent des qualités dont les enfants n’ont pas encore conscience. Et, selon le mot du poète : « l’espérance nous fait voir ce qui n’est pas encore, mais qui sera. » Arrive enfin le moment où la chenille sort de sa chrysalide pour devenir papillon. C’est encore le « vilain petit canard » du conte d’Andersen qui met longtemps avant de devenir un cygne magnifique.

La foi doit s’appuyer sur l’espérance pour exister, elle est reliée à l’amour. Et selon le texte inspiré de l’Apôtre Paul, « l’amour espère tout, croit tout, supporte tout, endure tout. » (1 Corinthiens 13,7) En introduction de sa lettre, Paul prend bien soin de préciser que la foi sans amour, c’est du néant. Croire c’est avoir confiance, avoir confiance c’est aimer. Un lien se crée entre deux personnes. Dans la confiance il y a de l’attachement et du respect.

Universalité de la Foi

Quelles que soient les cultures ou les religions, l’homme a besoin de croire. Lorsque les communautés de croyants, les groupes humains, même s’ils sont de religions différentes arrivent à se parler, à prier ensemble, cela signifie que ce qui les unit est plus grand que ce qui les divise. Par la foi en des valeurs communes, ils peuvent y arriver. Pour évoluer, l’Humanité a besoin de croire et de s’appuyer sur des valeurs communes, ou alors elle est condamnée à disparaître.

Qu’est-ce qui peut unir les hommes sur l’essentiel ? Le bonheur d’exister, de vivre ensemble, de se rencontrer pour mieux se connaître. Ajoutons une bonne dose d’ouverture d’esprit, d’attention, d’écoute, de tolérance, de respect et de fraternité, et cela peut fonctionner. Il suffit d’y croire, et d’un peu de bonne volonté.

La religion, lorsqu’elle est mal comprise, peut être la pire des choses. Elle conduit aux guerres, au règne de la barbarie, aux inquisitions et aux excommunications de toutes sortes. En revanche, lorsqu’elle fait appel au meilleur de l’homme, à ce qui le rend plus humain, plus simple, plus fraternel, elle le tire vers le haut, vers la lumière.

Croire pour exister, pour se donner du courage et de la motivation, pour avancer, n’est-ce pas là quelque chose de fondamental ? Parfois je me demande même si parmi tous les mammifères de cette planète, l’homme est la seule créature capable d’avancer par la foi et l’affectivité ? Le chien qui parcourt 800 kilomètres pour retrouver sa maison, celui qui se laisse mourir sur la tombe de son maître, ou l’éléphante qui après avoir vu mourir son petit dans le désert revient pour retrouver ses os, et passer ensuite un long moment dans une sorte de « prière silencieuse », à cet endroit, nous interpellent, nous, humains, sur l’étendue de la vie, et de la conscience.

Ce que nous savons sur la foi, l’espérance et l’amour, est sans doute bien pauvre en regard de ce qui nous reste à découvrir, dans cette vie ou dans la vie éternelle à venir.

Mgr Thierry Teyssot


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