Du feu... Du feu jaillissait de son regard" disait de lui Monsieur Berthelon et La Varende écrit qu'il avait des yeux qui "brillaient magnétiquement".

Les écoles traditionnelles d'iconographie enseignent que l'on doit toujours commencer le portrait d'un saint, le tracé d'une icône, par le tracé des yeux... Laissez-moi au début de ce chapitre tremper mon pinceau dans une liquide et translucide lumière violette, pour évoquer en premier son regard.

Celui qui rentrait dans l'église d'Ars n'y voyait rien que de très classique, ses yeux allaient de l'autel de Sainte Philomène à celui de la chapelle Saint Jean-Baptiste, et tout était calme et simplicité. Et puis soudain, le visiteur avait en face de lui ce regard de myosotis dont l'auteur de Man d'Arc nous dit qu'on ne pouvait en dériver son propre regard, et qu'ils possédaient, ces yeux, ce qu'il appelle: "l'hypnose de la bonté".

Je voudrais que tout au long des lignes que je vous invite à parcourir avec ce saint surprenant, nous ne quittions pas l'intensité de ce regard, il voit des choses que nous ne voyons pas, dans la mesure où nous sommes encore, vis à vis du monde spirituel, de ces aveugles qui ne savent pas voir... "ils ont des yeux" dit l'Ecriture (Jé 5,21), "et ils ne voient point."

Le Curé d'Ars lui, voyait.

Et la première chose que nous devons savoir c'est que toute sa puissance sur les choses de ce monde, lui vint de ce que nous pouvons appeler l'art ou le don de prier.

Il existe toute une littérature sur Saint Jean-Marie Vianney! Des livres anciens écrits juste après sa mort, des livres modernes édités encore aujourd'hui.

Les premiers sont une jungle touffue dans laquelle on a bien du mal à se retrouver, ce sont les ouvrages de Trochu, Vianey (avec un seul N), Monnin, Sevin, Renoud.

Il faut avoir le courage de les parcourir avec un certain esprit critique, d'en comparer et valoriser les témoignages. Avec ces précautions ils sont extrêmement précieux.

Les seconds sont inquiétants, une inquisition consciente ou inconsciente en a retranché tout un tas de choses... En des styles différents, avec des illustrations diverses, c'est un portrait expurgé que l'on nous présente: Pezeril, André Ravier, Marc Joulin, Christiane Avril, tout ce qui est paru ces dernières années semble copié les uns sur les autres.

Il y a des choses bien difficiles à comprendre dans les quelques deux cents dossiers rassemblés - par exemple - par le Chanoine Marc, ces choses dont je vais parfois parler sans donner forcément de bonnes explications, on les a supprimées tout simplement.

Alors - vous allez le constater - il y a au moins deux visions du Curé d'Ars.

Que penseriez-vous d'un prêtre qui dirait à une jeune fille en prière dans son église, adorant le Saint Sacrement sur un des prie-Dieu:
- "A genoux par terre c'est bien bon pour vous."

La chose est advenue en 1852... Evidemment, il y a un contexte et un but probable, mais ce que je veux souligner c'est que ce fait là, comme beaucoup d'autres ont été censurés... Dans un but sans doute d'édification, mais surtout dans un choix délibéré de la solution de facilité.

Alors ceux qui me connaissent bien ne seront pas trop étonnés si je braque parfois un peu brutalement les projecteurs de l'Histoire sur tel ou tel passage de la vie de ce saint.

Retrouver le vrai Curé d'Ars, ce n'est pas lui enlever son auréole, c'est détruire une idole de cire parfumée pour découvrir un être vivant et enrichissant.

Chapitre 3
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