Dans son livre: "Le Curé d'Ars" paru en 1981 aux éditions "Le Centurion" André Ravier affirme que Dieu s'est servi comme instrument de ses desseins et de sa grâce d'un prêtre admirable: Monsieur Balley.

Et il ajoute: "Monsieur Balley joua auprès de Jean-Marie Vianney le rôle que Saint Augustin attribue au "Maître parfait" dans la formation d'un disciple".

Un numéro spécial du journal "La Croix", édité pour la venue du Pape Jean-Paul II à Ars en 1986 a employé les deux termes de gallican et de janséniste en parlant de l'Abbé Balley. Il est certain que l'Abbé Charles Balley eut une profonde influence sur le Curé d'Ars... Que lui légua-t-il de son gallicanisme et de son jansénisme ?

Qu'était-ce d'abord que le jansénisme de l'Abbé Balley ? Ce prêtre venait d'un Ordre religieux réputé pour sa fidélité aux principes de Bossuet et pour son observance très stricte de Saint Augustin.

Il était comme une bonne partie du clergé de son époque opposé au courant des jésuites de l'Ancien Régime; pour le reste il était surtout attaché au très haut idéal monastique et apostolique de son Ordre.

Il en avait été chassé par la Révolution, s'était caché durant la Terreur, avait fini par devenir en 1803 Curé d'Ecully.

Au jeune Vianney qui ne sait rien, il apprendra tout.

Son jeune élève qui a vingt et un ans vient d'être confirmé, mais le don de science ne semble pas vouloir éclore et le futur Curé d'Ars désespère.

Savez-vous ce que va conseiller le maître pour que s'ouvre enfin ce centre de la science en son élève ?
- "Pars, lui dit-il, va-t'en à pied demander l'intelligence des lettres à Saint François-Régis, à Lalouvesc, en Vivarais, et va là-bas en mendiant ton pain."

L'idée même de ce pèlerinage à l'aventure est bien dans la ligne des écoles initiatiques du Moyen-Age et le choix de Saint François-Régis a sa valeur symbolique. Ce jeune homme qui faisait ses études de médecine et qui y renonce pour se faire missionnaire, qui est par la suite accusé de compromettre la dignité du sacerdoce parce qu'il va vers tous et est ouvert à tous, ce prédicateur infatigable qui résiste à tous les quolibets... Que ne fera-t-il pas pour le futur prêtre ?

Simplement celui-ci arrive au tombeau à demi-mort, il a bien sur mendié aux portes, mais les honnêtes gens n'aiment guère ouvrir aux vagabonds.

Si je raconte cela c'est afin de faire comprendre combien dès son début la carrière sacerdotale du Curé d'Ars sera marquée par une imprudente générosité.

En ce qui concerne le gallicanisme, les livres de la nouvelle vague ne savent comment expliquer certaines attitudes et certains sujets de sermon du Curé d'Ars.

La thèse est: oui, il a été élevé dans l'esprit gallican, mais il s'est, peu à peu, ouvert aux idées de son évêque et quant aux sermons il les a faits à partir de textes qu'il avait sous la main. Cela ne tient guère quand on sait que le Curé d'Ars devenait prodigue quand il s'agissait des choses de Dieu.

S'il a continué à puiser dans la "Défense de l'Eglise Gallicane" de Bossuet, dans les textes de sermon de l'Ancien Régime ce n'est ni par avarice pour se procurer des livres, ni par ignorance de la question... S'il s'est entêté à porter le rabat - insigne du clergé gallican - de préférence au col romain qui s'introduisait, ce n'est pas par confusion.

Et s'il refuse la croix de la légion d'honneur de l'épiscopat ultramontain et le camail de son évêque... Je pense comme La Varende qu'il eut accepté la croix de Saint Louis.

Je pense aussi qu'il eut accepté avec vénération un camail venant d'ailleurs que d'un évêque compromis dans un système qui allait aboutir à la destruction de l'Ecclesia Francorum.

Quand il écrit à son évêque qu'il a revendu le camail et que cela lui a rapporté quelques francs... Croyez-vous que c'est par bêtise ou par malice ? Et quand il écrit le camaille pour le camail, croyez-vous que le lapsus est involontaire ?

Cette pointe acérée de l'esprit, le Curé d'Ars la possède au plus haut point.

Chapitre 7
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