Bref Rappel Historique

Il est curieux de constater que les intégristes romains qui menèrent grand tapage contre la loi Veil autorisant l'avortement dans les premiers mois de la grossesse, sont les grands défenseurs du concile de Trente et de la doctrine des Papes Pie II, III, IV et V.

Ils oublient que ce concile et tous ces papes approuvèrent la théorie de Saint Thomas d'Aquin sur l'animation médiate fixant au milieu de la grossesse, la date d'animation du foetus.

Affirmée par le concile de Vienne en 1312, la doctrine de la conception hylomorphique de la nature humaine ne laissait aucune possibilité de considérer l'avortement dans les trois premiers mois comme un crime. On ne peut tuer ce qui n'a pas d'âme individuelle.

Il est non moins étrange de voir combien les doctrines des papes se sont opposées, contredites, combattues sur ce point ex-cathédra et en matière de Foi.
Par exemple en 1588, le pape Sixte-Quint publie la bulle Effraenantum affirmant que tous les avortements sont des crimes méritant l'excommunication, que tous les adultères méritent la pendaison.
Ce fut le signal d'une épouvantable tuerie, les partisans de l'animation médiate sont frappés d'anathème, Rome a parlé, la cause est jugée. La simple cessation de grossesse même involontaire est punie, et l'on pend, l'on brûle dans toute la chrétienté.
Trois ans après, le pape Grégoire XIV monte sur le trône pontifical et annule les dispositions de son prédécesseur. Ce sont les adversaires de l'animation médiate qui sont excommuniés. Rome a parlé dans l'autre sens.

Nous livrons cet exemple à nos farouches intégristes qui, pour employer une formule du Père Hyacinthe Loyson, "mettent leur Foi dans la pantoufle du pape ".

Pour en revenir à la position de l'Eglise, on peut distinguer trois courants:

l'un s'inspirant de Saint Basile pensant que l'âme est unie au corps à la conception;
le second se rattachant à Saint Augustin pensant que l'âme est unie au corps à la première respiration;
le troisième pensant que l'âme est unie au corps à la moitié de la grossesse et se référant à Saint Thomas d'Aquin.

La Bible

Devant des positions très différentes dans l'Eglise, le chrétien possède le recours à la Bible. Celle-ci ne prévoit que l'avortement accidentel, deux hommes se querellant et heurtant une femme enceinte (Exode 22,22).
Une simple amende est prévue pour indemniser le père.
Cette disposition n'est d'ailleurs qu'une redite du code d'Hammourabi (Chaldée), 2000 ans avant Jésus-Christ.

Un avortement est pourtant prévu (Nombres 5) par les "eaux amères", que sur la demande d'un mari jaloux les sacrificateurs peuvent faire boire à la femme accusée. Si elle a eu des relations sexuelles avec un autre homme les eaux amères feront "dessécher son ventre", si elle n'a eu des relations qu'avec son mari les eaux amères seront sans effet : "Elle sera quitte et aura des enfants".

Il ne semble donc pas qu'il y ait dans la pensée biblique l'idée d'un meurtre dans l'avortement.

Dans un livre paru chez Casterman, le docteur Jean Dalsace écrit:
"Dans l'Ancien Testament aucune disposition ne se rapporte à l'avortement pratiqué volontairement. Le foetus est considéré comme faisant partie de la mère; le supprimer dans le sein maternel est passible d'une simple amende" (L'Avortement p.19).

Une telle attitude pourrait surprendre ceux qui connaissent mal la société antique. Parmi tous les peuples qui entourent Israël l'individualité de l'être humain n'apparaît qu'à la naissance.
Même les sages de la Grèce antique considèrent l'avortement comme une pratique normale. Aristote conseille de limiter les naissances, Platon souhaite l'avortement obligatoire des femmes de plus de 40 ans, Socrate écrit que "le rôle des sages-femmes est de faciliter l'avortement quand la mère le souhaite".

Les Temps Modernes

Il est à noter que de 1591 à 1869 l'Eglise Romaine enseigna comme "de Foi" que la théorie de l'animation médiate était la seule valable. Puis le Pape Pie IX revint aux positions du Pape Sixte-Quint supprimant la distinction entre l'avortement dans les premiers mois de la grossesse et l'avortement dans les derniers. En devenant "infaillible" il ramenait l'origine de l'âme individuelle à la première seconde où le spermatozoïde perfore l'ovule.
D'où deux conséquences: excommunication de tout avortement et baptême du foetus dès que possible en cas de danger (code de droit canonique - canon 747 - 1917).

Cette théorie de l'animation immédiate du Pape Pie IX, opposée à ce que l'Eglise avait cru jusqu'ici, sera maintenue par l'Eglise Romaine. En 1968, Paul VI, dans l'encyclique humanae vitae affirme que tout avortement est "absolument à exclure", "même pour des raisons thérapeutiques".

Notre Position

D'abord nous tenons à dire qu'aucune position en matière du moment de l'origine de l'âme ne saurait être un dogme de foi catholique.

"Est catholique, enseigne Saint Vincent de Lérins, ce qui a été cru toujours, partout et par tous". Aucune des théories exposées avant ne répond à ce critère. "Dans les choses douteuses la liberté," disait Saint Augustin.

Mais comment définir la ligne très fluctuante de l'équilibre et du bon sens ?

Par principe et au nom du respect de la vie une Eglise ne peut encourager l'interruption volontaire de grossesse. Un chrétien ne peut banaliser ce problème et absoudre à l'avance les consciences. L'avortement ne saurait être une solution de facilité, car le foetus ne peut être considéré comme un objet encombrant dont il est facile de se débarrasser.

Ceci étant dit, certaines situations doivent nous faire réfléchir:
- femme enceinte après un viol
- certitude de mettre au monde un enfant anormal
- adolescente immature et irresponsable se trouvant enceinte
- situation sociale et professionnelle dramatique, etc.

Bien évidemment chaque cas est particulier, et l'avortement ne peut être la solution systématique.

Il appartient à la conscience de chacun, aidée des conseils du médecin, du prêtre, de l'assistante sociale, de la famille de trouver les solutions permettant d'envisager raisonnablement la venue au monde de l'enfant.

C'est là en fait le coeur du problème...

Comment accepter la naissance d'un enfant non désiré ?

Comment sensibiliser une famille réticente à épauler la future maman ?

Comment régler le problème d'une situation matérielle archi précaire ?

Autant de questions qui doivent forcer les Eglises à tenir compte de toutes ces réalités avant de jeter l'anathème avec force et véhémence.


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