Il fut donc décidé de convier les fées de l'endroit autour du berceau de cette enfant tant attendue. Au fait quel est son nom ?

Eve, Marie, Ecclésia ? En réalité l'important n'est pas, pour nous, son nom de baptême, ce qui importe réellement c'est que nous sachions qu'elle évoque l'Humanité à sa naissance ou à chaque éclosion d'une nouvelle ère, d'un nouveau cycle.

Regardez! Elle est là la petite princesse tant désirée, tant attendue, tant espérée, tant aimée, prête à recevoir les sept dons du royaume invisible en ses sept centres spirituels ou kentras... Ce sont les sept courants vivifiants que l'évêque indique quand il confirme en appelant sur celui à qui il impose les mains la venue du Paraclet.

Occasion de rappeler que pour nous êtres humains tout se déroule en ce monde dans l'unique septaine de la Création: six plus un.
Comme les jours de la semaine et le dimanche.
Comme les six urnes de Cana qui furent changées en vin et le vin de la Cène qui fut changé en Sang du Christ.

"Il s'en trouva sept" nous dit Perrault, et pour que l'Humanité naissante ne puisse oublier ce chiffre, nous dit la Bible - au livre de la Genèse - l'Eternel plaça son Arc dans les nues. L'arc en ciel aux sept couleurs fondamentales dont chacune correspond à un kentra, comme chacune des notes de musique complète dans le domaine de l'ouïe cette correspondance.

Plus tard - sur Ordre de l'Eternel - et toujours afin que nul n'oublie - la liturgie mit au milieu des fidèles le chandelier à sept branches, qui passa du temple de Jérusalem au culte gallican où il sert de nos jours à présenter l'Evangile.

Ainsi - Perrault nous le fait bien comprendre - se dessinaient les origines où tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes à venir: sept kentras, sept fées. "Et l'Eternel vit que cela était bon" dit la Genèse.

Hélas ! Nous savons tous qu'un être bien désagréable apparaît à ce moment pour brouiller les cartes, semer l'ivraie, jeter les maléfices: le Sathan, pour lui donner le nom utilisé par les rédacteurs de la Bible, le Sathan va nous être présenté par Perrault sous les traits forts revêches d'une horrible vieille fée surgie d'une tour où elle vivait en recluse.

- "Il y avait plus de cinquante ans qu'elle n'était sortie d'une tour" écrit Perrault - certains traduiront cinquante mille ans - et nous comprenons vite ce qu'une telle phrase explique de refus des autres, d'incompréhension, de sclérose de l'esprit. Nous avons expliqué dans les commentaires des précédents contes ce que la tour représente dans la symbolique universelle, mais ici la tour a cessé d'être un moyen de projection sur les région supérieures de contemplation, elle n'est plus moyen de montée, d'épanouissement, de progression du Moi spirituel. Non! Non! et Non! Cette tour est, au contraire, celle des préjugés, des systèmes tout faits, des philosophies étriquées, des racismes et des ostracismes, des sectarismes et des excommunications... Si nous devions peindre cette tour sous quelque toile, nous la représenterions couverte et sans créneau, fermée de lourdes poternes et quadrillée de lourds barreaux noirs et rouillés.

Cette tour est le refuge de la mesquinerie et de la haine, de l'égoïsme, de tout ce qui freine l'évolution de l'Homme et dont le prototype en ce monde nous est présenté par Babel.

Tiens, prenons donc un jeu de tarot et effeuillons-en les lames, ces cartes initiatiques vieilles comme l'univers... Nos doigts rencontrent alors l'image qui représente la Maison-Dieu; sous la colère des éléments cette tour de l'anti-prière finira par s'écrouler... Nous avons déjà expliqué que maison signifie doctrine en symbolisme, alors Maison-Dieu se traduit par Bible.

Mais revenons à Perrault:

- "On vit entrer une fée qu'on avait point priée" écrit-il.

Et nous vous laissons à deviner si cette présence doit jeter la consternation dans cette assemblée angélique qui veille au destin de l'Humanité. Nous en avons une excellente illustration dans la Bible quand le Sathan intervient au livre de Job en l'assemblée des Eloïms... Nous en avons une autre dans l'Evangile quand les moissonneurs (les anges) découvrent que l'adversaire a semé la mauvaise graine "pendant que le maître dormait".

Le Roi du conte de la Belle au Bois Dormant n'avait fait faire que sept étuis d'or massif pour les sept fées, la fée Sathan n'en reçut pas.

Qui serait assez aveugle pour ne pas comprendre que ces sept étuis d'or sont les canaux indispensables pour alimenter les kentras humains, d'où la fureur de la huitième fée qui ne peut toucher directement l'être humain par un canal atteignant son corps lumineux. Elle est furieuse car elle pensait, elle aussi, avoir part à l'informatique humaine (pardonnez-nous, lecteurs, d'employer ce mot moderne que Perrault n'a point connu; il nous semble utile à bien préciser notre pensée).

Rage satanique de la vieille fée: il n'y aura pas de huitième étui, de huitième sacrement, de huitième jour, de huitième kentra, de huitième couleur, de huitième note de musique; la septaine sacrée ne permet pas en ce monde de sur ajout qui détruirait l'harmonie créatrice.

Alors le sathan fait un don venimeux: la mort.

- "La princesse se percera la main d'un fuseau et elle en mourra".

Un fuseau ! Nous connaissons bien ce symbole et son sens de toute antiquité. Il nous ramène à Chronos dont il est l'emblème: le temps est filé par les Parques. Par cette malédiction satanique la dure loi de la mort est édictée. Que faire ?

C'est alors que la septième fée intervient; elle ne peut tout défaire, certes, mais elle peut commuer la mort en sommeil.

L'on croit entendre la voix de Jésus:

- "Elle n'est pas morte, elle dort" (Luc 8,52).

Remarquons que tout est logique dans la Bible, comme dans Perrault:
Il y a les six jours de la Création, les six dons des fées.
Puis l'Eternel se reposa dit la Genèse.
Et "pendant que le Maître (L'Eternel) dormait, dit Jésus dans la parabole du semeur, l'adversaire (le Sathan, la mauvaise fée) vint et sema de l'ivraie..." "Par le péché (ivraie, mauvais don) la mort est entrée dans le monde" nous dit Saint Paul (Romains 5,12).
Mais cette mort ne peut se réaliser en ce monde que par la violation d'un interdit: défense de toucher à un fuseau dans le conte de Perrault ou bien défense de toucher au fruit défendu dans la Genèse.

Comprenez-nous bien, il faudrait pouvoir suivre la jolie princesse de chambre en chambre dans le château, puis dans le donjon, il faudrait à sa suite passer dans le dédale infini des pièces pour trouver avec elle ce minuscule galetas où travaille la vieille fileuse ignorante des décrets royaux.

Quel nom doit-on donner à ce réduit: "instinct ou fatalité ?"

En continuant de feuilleter notre jeu de tarot, nous allons tomber ici sur la lame qui ne porte pas de nombre: le fou, le mat... La plus inquiétante des lames tarotiques.

Et voilà la princesse endormie pour un siècle.

Regardez-bien !
Une inextricable barrière de buissons, d'arbres, d'épines se construit tout autour du château, ce rempart infranchissable se dresse désormais entre la jeune dormeuse et la réalité.

Perrault pense - et il pense juste - et il écrit que la Belle au Bois Dormant est visitée par de nombreux rêves: le songe est un moyen précieux d'initiation.

Et - continuez à bien regarder - que voyez-vous tandis que la princesse est ainsi endormie ? Que voyez-vous surgir au-dessus de cette épaisse muraille de végétation ? Qu'est-ce qui empêche le château d'être totalement noyé dans les épines de l'oubli ? Regardez-bien !

Oui, bien sur, ce sont les tours dont nous continuons de voir les sommets: c'est à dire que la Contemplation, le contact avec le divin est toujours possible. Ce sont ces tours, nous indique Perrault, qui vont attirer l'attention du Fils du Roi.

Tours de la prière, héritières de ces ziggurats semblables à celui qui se dressait en Ur la chaldéenne, ville d'Abraham; tours d'intercession, de médiation, tours avocates que la liturgie catholique indique comme emblême de Marie: la Tour de David, la Tour d'Ivoire, tours qui à jamais symbolisez l'entretrien perpétuel entre la divinité et l'humanité, combien le grand Charles Perrault comprenait votre rôle.

Permettez-nous d'ouvrir un auteur cistercien qui en sait long sur le sujet, il s'agit d'Aelred de Rievaulx qui nous dit, parlant de son ordre:
- "L'ordre cistercien est comparable à une cité fortifiée, entourée de murs et de tours qui mettent à l'abri des surprises de l'ennemi. La pauvreté forme les murs, le silence une tour qui élève l'âme jusqu'à Dieu".

Le Fils du Roi va donc voir les tours et il sera sensible à ce premier appel.

Par dessus les arbres (symbole du plan astral dans les contes de Perrault) la prière des tours va être entendue.

Orphée cherchant son Eurydice ou le Christ-Jésus en queste de son Ecclésia:
Eternelle histoire de la plongée vers l'aimée.
- "Je dors, mais mon coeur veille
J'entends mon bien-aimé qui frappe"

(Cantique des Cantiques 5,2)

Et voici ce qui pourrait être la fin du conte. Tout pourrait se terminer au moment où les lèvres du prince joignent celle de la princesse pour la tirer de l'enchantement pernicieux. Ce tableau c'est celui de la victoire des forces de l'amour sur celles de la mort, c'est l'éveil de l'Eglise sous le chaud baiser de paix des forces christiques, ce baiser de paix - échangé durant la messe - et qui est le symbole même de la transmission de la puissance vitale.

Oui, le conte de la Belle au Bois Dormant pourrait se clore en baissant son rideau de légende sur ce réveil de la toute belle, sur cet amour vainqueur, sur ce repas qui commence et qui est tout à la fois Cana et la Cène et - par delà l'espace et le temps: le repas décrit par l'Apocalypse, le festin de noces de l'Agneau.

Mais voici que tout continue. Perrault a écrit un second acte.

Le couple enfante par deux fois des "Enfants de Lumière".
La fillette s'appellera Aurore et le fils Jour.

Comprenez bien le conteur, il vous annonce prophétiquement après l'éveil christique l'apparition sur terre d'une nouvelle génération:

- "Il y eut un jour et il y eut une aurore" dit la Genèse.

Mais la vie de cette nouvelle progéniture va être de nouveau menacée, mise en très gros danger et il faudra ruser avec l'ogresse quand Aurore aura quatre ans et Jour trois, autrement dit quand la nouvelle septaine s'ouvrira. Et c'est là que nous réalisons bien que le récit perraultien se drape dans le manteau d'or de la prophétie: Jour et Aurore, c'est l'avenir et cet avenir semble bien ajouter un troisième panneau complétant dans l'Histoire des hommes le triptyque sacrificiel.

Récapitulons:
Ancien Testament: l'Eternel dit à Abraham de sacrifier son fils, puis il substitue un agneau à la place d'Isaac.
Nouveau Testament: l'Eternel envoie son propre Fils - l'Agneau de Dieu - à la place de l'Humanité condamnée... Puis la Cène substitue sans fin les espèces du pain et du vin à Jésus qui est présent par elles.
Futur Testament: Perrault tente de nous le décrire...

Y aura-t-il un autre Testament dans une nouvelle alliance ? Après l'Arc en Ciel et puis la Coupe y aur-t-il un autre signe ?

Un agneau à la place d'Aurore, un chevreau à la place de Jour et puis, à la place de la belle princesse: une biche.

Il nous faut rester sur des points d'interrogation.

L'on va, peut-être, nous reprocher maintenant d'avoir oublié dans le commentaire de ce conte un petit personnage d'une certaine importance...

Ce nain au bottes de sept lieues qui vient bien à point pour prévenir la fée Vous le connaissez déjà. Vous avez reconnu sans peine le Petit-Poucet et, dans ce précédent conte nous vous avons expliqué le symbole des bottes.

Mais ici nous allons avoir une indication qui a son importance, nous apprenons, en effet que ce nain botté vient d'aller prévenir la fée au royaume de Mataquin.

Ce royaume où vit la fée et dont elle est revenue comme le prophète Elie sur un char de feu, ce royaume de Mataquin (de matar qui veut dire mort) est - Perrault prend bien soin de nous le préciser - à douze mille lieues du château des songes. Retenons ce nombre de douze mille, il marque un cycle zodiacal complet.

Et l'ogresse qui voulait détruire la Belle par les reptiles va être détruite par eux.
C'est le profond enseignement du choc en retour enclos dans bien des récits. Essayons de bien le comprendre.

Pour le lecteur qui voudrait aller plus avant dans l'étude du petit personnage d'Aurore, qu'il se souvienne qu'en langue allemande le matin se dit morgen, ce qui a donné à la fée Aurore, l'autre nom de Fée Morgane... Si nous suivons le cycle de la Table Ronde, nous voyons que Morgan la Fay a bien un frère, ce Roi Arthur sur lequel elle se penche avec tendresse pour le soigner et le guérir.

C'est à cette Morgane-Aurore que revient dans la Tradition le rôle de transporter Gargantua au pays des fées. Citons:

- "Ainsi vécut Gargantua en la cour du très puissant roi Arthus l'espace de trois cents ans, quatre mois, cinq jours et demi, justement. Puis fut porté par Morgain la fée et Mélusine en Fairie" (Billon - Edition de Troyes - 1675).

- "Peu de temps après Pentagruel ouït nouvelles que son père Gargantua avait été translaté au pays des phées par Morgue, comme fut jadis Ogier et Artus".

Quelques explications de la Fée Jeunette


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