Nous pensons qu'à peu près toutes les écoles initiatiques sérieuses, qu'elles soient d'orient ou d'occident sont d'accord sur la présence dans le corps humain des sept centres d'influences que nous nommons kentras.

Six de ces kentras sont dits complémentaires, c'est-à-dire liés deux par deux. Par exemple le kentra Tsi, situé à l'emplacement du plexus solaire et qui donne quand il est épanoui du courage, de l'audace, de la sûreté de soi, de la maîrise sur les autres, le kentra Tsi - disons-nous - a pour son complémentaire le kentra Mam qui est situé à l'emplacement du nombril et qui permet le repli sur soi-même.

Voici que dans le Petit Poucet Perrault nous parle du seul de ces kentras qui n'a pas de complément: le kentra Pfou, qui se situe entre les deux yeux, au milieu du front, là où est la glande pinéale, le "troisième oeil", celui dont Jésus a dit: "Ton oeil est la lampe de ton corps" (Luc 1,34) - oeil lumineux du corps astral.

Ce kentra Pfou va être nommé par Perrault: le Petit Poucet.

Pourquoi ce nom ? Sans doute le conteur initié se souvient-il qu'à plusieurs reprises dans la vie sacramentelle du chrétien ce kentra se trouve en contact avec le pouce du prêtre ou de l'évêque pour les onctions (baptême, confirmation). Ces onctions qui tiennent une importance si considérable dans la religion fondée par Jésus-Christ que ses disciples furent très tôt dans l'Histoire nommés chrétiens (de chrestos qui veut dire oint, marqué de l'huile sainte).

Lisons bien le début du conte initiatique:

- "Sa femme allait vite en besogne et n'en faisait pas moins de deux à la fois." Cela confirme bien ce que nous venons de dire sur les kentras qui vont par paire: Tsi et Mam, Koun et Golgo, Kra et Ohé, Aoum et El... Ce sont les six premiers fils... Perrault va mainteant nous présenter Pfou.

Le kentra Pfou, autrement dit le Petit Poucet est donc le dernier venu, il est fort petit et nous pouvons préciser que c'est la dernière conquête de l'homo sapiens. Ouvert à la vue d'une autre dimension, cet oeil de cyclope va nous permettre de nous diriger dans l'inconnu que symbolise cette forêt que les précédents contes nous ont déjà fait ressentir... Forêt, immense et merveilleux domaine de l'astral dans les contes de Perrault: là, pour se diriger et se reconnaître, il nous est indispensable de tenir allumée cette lampe christique qu'est le kentra Pfou, l'oeil unique cité dans le passage de l'Evangile dont nous parlions tout à l'heure; à ce sujet remarquons bien que si Jésus avait voulu parler des yeux du corps de chair, il aurait dit: "tes yeux".

Les cailloux blancs vont être une première arme pour le petit poucet. Là encore nous ne nous éloignons pas des Ecritures: "A celui qui vaincra, dit l'Apocalypse, je donnerai un caillou blanc et sur ce caillou est inscrit un nom nouveau que nul ne connaît si ce n'est celui qui le reçoit" (Apoc. 2,17).

Dans l'Ancien Testament rappelez-vous il existe un Petit Poucet qui ramasse un caillou sur le bord d'un torrent, ce Petit Poucet a pour nom Daoud: David en Français.

Suivons la trajectoire du blanc caillou lancé par la fronde de David elle va frapper le géant Goliath juste entre les deux yeux, en plein centre du front... Exactement à l'emplacement du kantra Pfou.

La seconde fois que les enfants sont perdus dans l'immense forêt, ils ne peuvent plus utiliser l'aide des cailloux blancs, mais celle du pain. Qui osera nous dire que Perrault n'aurait pas pensé au symbole eucharistique ? Là encore nous ne nous éloignons pas des Ecritures puisque nous trouvons dans l'Evangile l'histoire des oiseaux pilleurs: la Parabole du Semeur d'abord contée par Jésus, puis expliquée par lui: les oiseaux sont les puissances diaboliques qui enlevèrent du coeur la Parole semée (Mathieu 13,4-23).

La suite du conte va nous mener jusqu'à la maison de l'Ogre.

Nous avons déjà tenté d'expliquer le symbolisme de l'Ogre.

Il nous rappelle d'abord les Géants qui peuplèrent la terre primitive et qui vinrent de l'union interdire entre les filles des hommes et des anges... Ces Géants dont parle la Bible au livre de la Genèse (Gen. 6,4) et dont Goliath est un spécialiste bien dégénéré; il nous rapelle ensuite les Titans; il nous rapelle enfin ce Chronos dont nous avons déja parlé dans le Petit Chaperon Rouge.

Chronos, dieu du Temps, symbolise le Sathan: le tentateur qui veut faire oublier l'Eternité, le Temps s'engendre et se dévore lui-même aveuglément comme l'Ogre du Petit Poucet va engendrer puis dévorer lui-même ses propres filles.

La maison de l'Ogre c'est le matérialisme, l'esprit d'attachement aux choses de ce monde. Dans la symbolique des contes, la maison marque une construction de l'esprit, un système philosophique. Le philosophe Emmerson emploie, par exemple ce mot dans ce sens quand il écrit: "si l'esprit construit sa maison, la maison enferme l'esprit."

Dans la maison de l'Ogre nous allons trouver ses sept filles: les sept péchés capitaux recensés par l'Eglise... Nous comprenons facilement qu'à chaque kentra correspond l'une des sept vertus théologales, l'un des sept dons de l'Esprit-Saint, mais aussi l'un des sept péchés capitaux qui dans l'approche de l'Eglise portent des noms féminins; ce sont ces sept fillettes que l'Ogre va tuer dans son ivresse et sa brutalité bestiale. La leçon est d'importance: inconsciemment la fausse science va vers sa propre destruction. L'absurdité d'un monde livré à ses bas instincts est évidente pour Perrault.

Et les couronnes d'or qui revêtaient les têtes des sept filles vont passer sur la tête des sept frères. Il y a - là aussi - beaucoup à apprendre, beaucoup à méditer: la couronne en langage initiatique c'est l'aura... La mitre des évêques était jadis simplement composée d'une couronne qui est - même de nos jours - obligatoirement maintenue par le "circulum" (ruban symbolique entourant la mitre ou cercle de métal). Dans les Eglises Orthodoxes Orientales l'on donne d'ailleurs le nom de couronnes aux coiffures des évêques.

Voici donc les sept kentras auréolés, couronnés, épanouis.

Le petit Poucet a donc - pour résumer - été chassé de la maison paternelle: l'ensemble de systèmes philosophiques et religieux qui ne suffisaient plus à nourrir son esprit.

Puis il a été un temps séduit par les doctrines matérialistes; ayant fait un peu trop vite table rase des anciennes croyances, beaucoup d'êtres se réfugient dans l'athéisme ou dans des systèmes faussés, là ils rencontrent la famille de l'Ogre. S'ils ne fuient pas à temps ils sont dévorés.

Mais - dans le présent conte - le Petit Poucet va fuir à temps la séduction. Il ne s'endort pas, il réveille ses frères, il emporte les couronnes, il fuit le système de pensée de l'Ogre (la maison)... Regardons-le avec ses six frères: "Les Sept Couronnés" (vieille dévotion populaire...) Ce sont les sept kentras d'un être en plein rayonnement.

Cela ne suffit pas. Le Petit Poucet va être bien entendu poursuivi par l'Ogre et il serait repris s'il ne se réfugiait pas dans une grotte initiatique. Perrault ne risquait pas d'oublier de nous indiquer cette étape importante: La Retraite.

C'est là que le Petit Poucet va pouvoir chausser les bottes de sept lieues, (c'est à dire faire vibrer simultanément les sept kentras du corps astral...) Il va pour employer une expression évangélique "frémir en esprit", il va sortir un moment du continuum spatio temporel, il va passer en astral par sa propre volonté, pas comme Cendrillon qui s'y laissait porter, mais librement.

L'Ogre a essayé sans y être spirituellement et ce fut un échec.

Mais le Petit Poucet qui sort de la Grotte Initiatique (contrairement à la Maison, la grotte n'est pas bâtie de mains d'hommes) le Petit Poucet va employer au mieux ses bottes magiques et revenir à la Maison du Père

Cendrillon


Sommaire