En 350 la ville de Poitiers est en émoi. Le siège épiscopal est vacant et le peuple des baptisés s'apprête à élire un évêque.

Un prêtre rappelle les qualités demandées par saint Paul pour le choix d'un évêque (1 Ti 1,1-9) Il doit être sobre, fuir les querelles, être un bon époux, un bon père de famille. S'il ne présente pas de telles qualités dans son ménage il est probable qu'il ne les présentera pas non plus dans l'administration de l'Eglise.

Et voici que les suffrages s'orientent vers un prêtre de 40 ans, marié et père d'une jeune fille. On le sait remarquable théologien et sa famille est, au coeur de Poitiers, le refuge de ceux qui sont dans l'affliction.

L'épiscopat d'Hilaire commence dans une période de grand trouble pour l'Eglise. Niant la divinité de Jésus-Christ les ariens (disciples d'Arius) font de plus en plus de prosélytisme et, à Rome, le pape Jules 1er sent sa santé décliner.

En 352 les ariens font élire Libère comme successeur de Jules 1er. Le nouveau pape a autant de défauts que son prédécesseur avait de qualités. Prenant le prénom de Léon il adhère à l'hérésie arienne, soutenu bientôt par l'empereur Constance II.

Toute l'Eglise Romaine le suit dans l'erreur. A Poitiers Hilaire se rend compte du danger, il écrit plusieurs livres, exige de son clergé une formation doctrinale plus solide.

En 355 il réunit les évêques gaulois au concile de Béziers:
l'Eglise Gallicane ne suivra pas sa soeur romaine dans l'hérésie: la divinité du Christ est affirmée publiquement.

C'est alors la persécution.

Julien, gouverneur des Gaules, exile Hilaire en Asie mineure... Des évêques sont désignés par le pape pour remplacer ceux qui ne veulent pas adhérer à l'hérésie. A Bordeaux l'évêque gallican doit céder sa cathédrale à un évêque arien désigné par Léon Libère. La tradition veut qu'il se soit retiré et caché à Cestas-Gazinet. Comme le firent certains de ses successeurs à diverses époques de l'Histoire.

D'exil Hilaire écrit son livre sur la Foi des orientaux, puis ses douze livres sur la Trinité. En 360 il revient dans les Gaules où l'Eglise lui fait un triomphe. A Poitiers on lui apporte un enfant mort sans baptême. Il se met à genoux et dit qu'il ne se relèvera qu'après l'enfant... Celui-ci revient à la vie et est baptisé au nom du Père et du Fils et de l'Esprit-Saint.

Le pape décide alors de convoquer un concile. Bien que non invité Hilaire s'y rend. Le pape interdit de se lever à son arrivée:

- "Tu es Hilaire, gaulois" lui dit-il d'un ton hautain.
- "Je ne suis pas gaulois, mais gallican" répond alors Hilaire, "c'est à dire que je ne suis pas né en Gaule, mais je suis évêque de l'Eglise des Gaules."
- "Eh bien si tu es évêque gallican, je suis moi Léon le juge et l'apostolique du saint siège de Rome."
- "Quand bien même vous seriez Léon," rétorque alors Hilaire, "vous n'êtes pas le Lion de la tribu de Juda."

Le dialogue est rapporté par Jean Beleth dans Rationale divinorum officiorum chapitre 122.

Il y dit aussi que le pape répondit:
"Attends un instant et je vais te répondre en rentrant ce que tu mérites."
- "Si tu ne rentres pas" dit Hilaire, "qui me répondra à ta place ?"

En effet le pape Libère ne rentra jamais plus. Une subite crise de dysenterie le fit mourir misérablement.

Vérité mais Charité

Contemporain de Saint Athanase et de Saint Basile, Saint Hilaire mena le même combat qu'eux pour la défense de la vraie Foi. On l'a surnommé "l'Athanase d'occident". Mais une qualité domine chez lui que nous ne devons pas passer sous silence: la tolérance.

Il s'oppose à ce que ses adversaires religieux soient persécutés... Il ne veut, au synode de Paris (361), qu'aucun des anciens évêques ariens revenus au catholicisme ne perde son siège. Il se rend dans les églises hérétiques pour prier avec eux.

Le rite gallican

Saint Hilaire célébrait sa messe dans le rituel gallican. Dans le texte ci-joint le pape Grégoire le Grand reconnaît pleinement la validité de ce rituel.

"Saint Augustin de Canterbury à Grégoire le Grand: Pourquoi existe-t-il une seule Foi et les constitutions des Eglises si différentes, et un autre rite de messe dans l'Eglise Romaine et dans les Eglises des gaules ? Réponse du bienheureux pape Grégoire le Grand (septembre 602). Ta fraternité (toi frère) connaît la constitution (l'usage de l'Eglise romaine dont tu te souviens - dans laquelle tu te gardes). Mais il me plaît (je désire) que tu puisses choisir ce que tu trouves ou bien dans celle de Rome, ou celle des gaules, ou dans une autre Eglise qui puisse le mieux plaire au Dieu Tout-Puissant. Dans l'Eglise des anglais qui est nouvellement confirmée (instituée) dans la Foi, tu peux introduire ce que tu auras pris de plusieurs Eglises, parce que ce ne sont pas les lieux qui nous sont donnés pour les choses mais les choses pour les différents lieux. Choisis dans les différentes Eglises ce qui est pieux, ce qui est religieux, ce qui est juste, en faisant un codex offre aux anglais ce qui convient à leur esprit et à leur usage." Patrologie latine, vol. 77 - (Migne), page 1186/1187

La fille de Saint Hilaire s'appelait Apia.

Il écrivit aussi des commentaires de Saint Mathieu et des psaumes.

On lui doit aussi le "Traité des Mystères".

A Libère succéda un autre pape hérétique: Félix II.

Puis en 366 il y eut deux papes: Ursinus, continuant l'hérésie arienne et Damase 1er, catholique-orthodoxe.

Après Saint Hilaire c'est Saint Delphin, évêque de Bordeaux qui préside l'Eglise Gallicane (synode de Bordeaux - 381).


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