La première fois que nous avons lu ce conte, nous avons pensé que Perrault avait surtout dans l'esprit l'histoire de la Samaritaine.

En effet, les choses auraient pu se cadrer de la façon suivante:

La Synagogue, fille aînée de la religion d'Abraham, Isaac et Jacob est à l'époque de Jésus orgueilleuse, aigrie et dominatrice. Elle poursuit d'une véritable haine sa soeur cadette de Samarie qui veut continuer les vieux rites du temps des Patriarches; le Seigneur étant pour elle et par-dessus tout: El-Shaddaï (le Dieu des Montagnes).

C'est bien dans le genre de Perrault, en effet, de travestir les personnages de la Bible et de recréer leur rôle.

La fille cadette et samaritaine s'en va donc au bord du puits.

Jadis au puits de Sychar, la Samaritaine demanda:
- Comment toi, qui est juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une femme samaritaine" dit la puiseuse de l'Evangile (Jean 4,9); la cadette du conte se contente de dire: - "Oui-da".

Mais toutes deux ne refusent pas l'eau demandée.

Il s'agit là d'un acte de charité qui leur sera favorable.

A notre seconde lecture, une chose surtout nous a frappé:

Il n'est question que d'une seule fée dans le conte, mais il est intitulé "les Fées". Un pluriel qui ne pouvait que nous paraître... singulier.

Et d'abord nous avons réalisé que Fée vient du latin Fata, lui-même transposé du grec. Au début il y avait les Moïres: triade hellène représentant la destinée de l'être humain, devenues par la suite les Parques ces trois soeurs vont se transmuer dans la mythologie latine en la Tria-Fata, le trio des fées.

Fata: c'est donc les destinées, parce qu'il est trinitaire l'Homme ne peut pas parler de sa destinée au singulier et Origène nous fait remarquer avec sagesse que, par exemple, autre est la destinée du corps, autre celle de l'âme, autre celle de l'esprit.

Autre est donc la destinée du corps physique, autre celle du corps éthérique et autre encore celle du corps astral.

Dans l'espace et dans le temps il peut être question d'un destin et d'une fée, mais dans l'absolu il est obligatoire de ne considérer que les fées et les destinées d'un homme ou d'une femme.

Un verre d'eau donné à un pauvre, nous a enseigné Jésus, sera remis au centuple (Math. 10,42) et l'Eglise a toujours enseigné les récompenses qui attendent ceux qui ont fait une bonne action.
Comme aussi les punitions qui suivent nos actes mauvais.

Le sens du conte s'arrêterait-il là ? En le relisant une tierce fois, il nous a semblé que non. D'abord la présence d'une cruche très ordinaire et d'un vase d'argent nous a semblé une marque importante: le métal est un symbole alourdissant qui, à lui seul, empêche une opération magique. D'où - Perrault le souligne très discrètement - l'erreur de Fanchon. Dans les rites d'initiation maçonnique ou autres, le récipiendaire est invité à se dépouiller de ses métaux: monnaies, chaînes, montre, boucle de ceinture, boutons de manchette, etc.

Ce rite est très ancien. Déjà à Babylone nous trouvons le rite initiatique de la déesse Ishtar contrainte au cours de sa descente dans l'intérieur de la terre de déposer successivement ses parures pour franchir les sept enceintes (autrement dit réaliser l'initiation des sept kentras). Ce n'est que totalement nue qu'Ishtar va pouvoir se présenter devant sa soeur, la grande et redoutée souveraine du Royaume des Ombres.

C'est donc sans métal que la plus jeune fille va pouvoir aller à la fontaine initiatique - alors que Fanchon n'y est nullement préparée - elle a suivie une longue catéchèse, car Perrault nous dit qu'elle allait puiser deux fois par jour.

Le symbolisme de la cruche se retrouve dans plusieurs lames du tarot. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

Dans ce conte "Les Fées", il faudrait être aveugle pour ne pas voir que le plus profond message est celui du pouvoir du Verbe; c'est par la bouche que les deux filles vont produire l'une des objets de valeur, l'autre des choses répugnantes. Le symbolisme des serpents et des crapauds est bien connu des spécialistes de l'archéologie romane et c'est un thème courant sur les corbeaux des églises que ces deux femmes aux seins nus allaitant l'une deux serpents et l'autre deux crapauds.

Grillot de Givry dans son Musée des sorciers nous dit quelle place avait pris le crapaud dans la sorcellerie: "les sorcières, nous dit-il, en prenaient un soin infini; elles baptisaient leurs crapauds, les habillaient de velours noir, leur mettaient des sonnettes aux pattes et les faisaient danser".

Il semble donc bien que crapauds, vipères, diamants, fleurs, perles symbolisent autant de doctrines et donc d'impact sur les hommes.

Nous ne nous étendrons pas sur l'importance de la parole, elle est le moyen de transformer les personnes et les choses et chaque kentra a un logua qui permet de le développer par la prononciation répétée.

La bonne prononciation du logua fait vibrer le kentra correspondant, nous pouvons penser que la jeune soeur a ainsi réussi à dominer son destin en réussissant à trouver, grâce à l'aide de la fée, le ton magique de ses sept loguas.

D'où le symbole des perles et des diamants.

Quand la mère voit ces résultats, c'est, nous dit Perrault, "la première fois qu'elle l'appela sa fille".

En fait la mère n'avait d'abord admis que l'aînée, celle qui représentait dans l'Ancien Testament la loi donnée à Moïse, mais - après l'incident de la fontaine, après le signe baptismal - tout va changer: la cadette qui, elle, symbolise la promesse faite à Abraham et reprise par le Christ, revalorise la fidélité des samaritains et fait reconnaître la légitimité de ce que nous pouvons appeler la lignée prophétique.

Là encore ce serait étriquer la pensée perraultienne que de restreindre l'interprétation d'un passage de ces contes à un seul événement historique. Ce qui nous est montré ici c'est - avant tout - la règle de l'alternance qui fait que Dieu se suscite un peuple ou une religion, puis - si nous pouvons nous exprimer ainsi - se réserve le droit au changement selon le coeur des hommes.

Tandis que la cadette est ainsi adoptée, Fanchon, elle, va perdre ses titres par son refus de puiser de l'eau.

Comment ne pas encore penser à cette eau vive jaillissant en source éternelle promise à la samaritaine... Fanchon perdra tout par son refus de puiser cette eau vive, elle sera rejetée par sa mère et s'en ira mourir au coin d'un bois... Entendez qu'elle ratera un passage en astral (symbolisme de la forêt déjà expliqué).

Retenez bien ce prénom de Fanchon, Perrault l'a mis là pour que vous sachiez que cette histoire se continue dans un autre de ses contes initiatiques, celui qui est intitulé: "Les Souhaits Ridicules".


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