La commémoration du Centenaire de la naissance au Ciel de l’Abbé Julio m’a semblé importante. Il existe une dimension essentielle et fondamentale dans la vie de cet homme, elle est marquée par la prière et l’amour. L’abbé Julio a eu le mérite d’affirmer la puissance de la prière fervente.

D’Adam en passant par Abraham aux Apôtres, la prière trouve tout son sens et sa plénitude d’expression et de forme dans le Christ qui en reste le Maître incontesté. Puisse-t-il non seulement nous apprendre à prier mais nous apprendre à faire de notre vie une prière perpétuelle.

Aujourd’hui, il est monnaie courante de faire bénir son mariage ou de faire baptiser ses enfants dès le bas âge. Nous arrivons à un contexte où la majorité est baptisée. Toutefois, force est de constater que les Églises sont de plus en plus désertes et le clergé vieillissant. Bien que certains se refusent à dire qu’ils prient, beaucoup, dans des situations heureuses comme malheureuse, prient ou, adoptent une attitude priante. Pour beaucoup, prier reste la récitation d’une « prière ». On assiste d’ailleurs sur internet à une prolifération des formules de prières.

La prière, bien que faisant partie du quotidien de la plupart des chrétiens, reste une formule à réciter. Pour bien d’autres personnes, elle est associée à des formules nécessaires pour convaincre un dieu un peu trop radin de ses grâces. Pour d’autres encore, elle est un « pare-feu » sans lequel les « malheurs » (programmés par Dieu ?) nous arrivent inévitablement. Elle est parfois vécue comme un acte sans lequel Dieu ne nous protègerait plus contre les assauts d’un « méchant démon » responsable de tous les malheurs qui s’abattent dans notre vie ou nous empêchant de jouir du long fleuve tranquille que devait être notre vie si le démon n’avait pas mis son grain de sable dans la machine de Dieu. Alors, on recherche la « meilleure prière » capable d’agir de manière imparable.

Toutes ces images de la prière sont aussi révélatrices de l’image que nous pouvons avoir de Dieu et nous amènent dans cet article à nous poser quelques questions dont les amorces d’axes de réflexion pourront nourrir notre quotidien jusqu’à un prochaine article.

1) Qui est le Dieu de Jésus Christ et donc celui que les chrétiens doivent prier ?

2) Qu’est-ce que prier et pourquoi prier ?
- Prier c’est chercher, trouver et vivre la plénitude du sens de sa vie
- Prier c’est aimer

3) La prière dans la Bible
- Les différentes formes de prière
- Les outils utilisés dans la prière

4) Comment prier ?
- Comment faire Oraison
- Prier avec un texte ; la méditation
- Prier sans l’aide d’un texte ; la contemplation
- Le combat spirituel
- La louange et l’adoration

Dans cet article, nous aborderons les points 1 et 2 et terminerons les points 3 et 4 dans un autre article.

Notre société moderne aujourd’hui est marquée comme le disent plusieurs personnes par la perte de sens et du religieux. Les pratiques religieuses sont pour la plupart des cas réservées aux événements chargés en émotions tels les décès, les mariages et les naissances. Ce phénomène étrange pousse à un constat relevé par bien d’écrivains : le rythme de fréquentation liturgique a drastiquement baissé mais nombre de personnes se posent la question du sens et du divin. Le Frère Jean-Pierre Longeat, Abbé de Ligugé constate en effet que nous sommes donc en pleine situation de désarroi par rapport au sens du monde, de l’existence, de l’homme mais, en France par exemple, 60% des habitants ont reçu le baptême, avec en moyenne entre 5 et 10% de fréquentation liturgique et 90% de prière personnelle. Sans présumer de la justesse des statistiques, cette situation se ressent, pour peu qu’on fréquente depuis quelques mois une Église : régularité des célébrations de sacrements, succession de divers fidèles d’une semaine à l’autre.

Il peut être alarmant d’effectuer ce constat, mais une autre lecture, avec les yeux de la foi, reste aussi possible. Dans l’Évangile de Jean 4, 23-24 le Christ affirme à la Samaritaine que l’heure où le culte divin passe d’une dimension institutionnelle à une dimension spirituelle et personnelle est arrivée.

À l’aube de ces temps nouveaux où le Seigneur invite son Église à une « métanoia » sur sa relation avec Lui, il est plus qu’important, de demander au Seigneur non seulement de nous apprendre à prier mais de nous apprendre à adorer le Père en esprit et en vérité. Déjà, il convient de réfléchir sur, « Qui est ce Dieu que les chrétiens osent appeler Père ? ».

1) Qui est le Dieu de Jésus Christ et donc celui que les chrétiens doivent prier ?

Le teste judéo chrétien qui raconte la création, bien loin de nous présenter un Dieu qui, depuis plusieurs milliers d’années a créé l’univers et homme puis, a disparu nous présente un Dieu qui sait ce qu’il fait. Il délibère en lui-même pour créer l’Humain avec un but : «Créons l’humain à notre image comme à notre ressemblance et confions-lui l’univers» ; il prend le temps de créer l’environnement favorable à la vie de l’homme « L’Éternel planta un jardin en Éden » ; il prend le temps de former l’homme et de lui insuffler une haleine de vie. Dieu qui a créé l’univers suivant des lois immuables à jamais, donne à l’homme la liberté et la responsabilité de sa vie et lui indique les voies qui mèneraient à sa vie et celles qui mèneraient à sa mort. Après la transgression, l’homme découvre sa nudité et se fait des vêtements avec des feuilles d’arbre ; Dieu, bien qu’ayant été offensé par l’homme assume le don qu’il a fait à l’homme et reste fidèle à son objectif premier d’avoir créé l’homme pour qu’il vive ; il lui fait des vêtements plus appropriés en peau d’animaux. Dieu sacrifie la vie d’un animal pour le bien de l’homme dont il est plus que lui, conscient de sa dignité et de ce qu’il est appelé à devenir : «devenir sa ressemblance et son image parfaite».

Saint Paul nous dira : Ephésiens 1, 3-6 : l’homme est élu avant la fondation du monde à hériter de toutes sortes de bénédictions spirituelles dans les lieux célestes ; Dieu l’a créé pour qu’il soit saint et irrépréhensible en sa présence. L’homme créé est appelé à hériter de la vie de Dieu, non en vivant déconnecté de Lui, mais en recevant ce qu’il est appelé à devenir de Celui qui l’a créé. Saint Paul nous dira encore, « En Lui, nous avons l’être, le mouvement et le faire ».

2) Qu’est-ce que prier et pourquoi prier ?

2.1 Qu’est-ce que prier ?

Cette dimension de la personnalité de l’homme et de sa destinée ainsi comprise, la prière peut alors être définie comme relation consciente de l’homme corps, âme et esprit avec son Dieu créateur et Père de qui il se reçoit pour se poser dans l’Univers dans son individualité et au sein d’une communauté à qui il se donne et reçoit le don. C’est la conscience de sa nature profondément inscrite au cœur d’un état triangulaire qui se vit dans une relation triangulaire : Créateur, moi, Altérité.

2.1.1 Prier c’est chercher trouver et vivre la plénitude du sens de sa vie.

Il apparaît alors compréhensible que l’écriture demande de prier sans cesse ; c'est-à-dire, de demeurer sans cesse dans la présence de Dieu, dans toutes les dimensions de mon être pour me recevoir de lui, être et me mouvoir dans le sens de la plénitude de vie et non vers mon néant. La prière apparaît alors comme recherche, accueil et expérience de la plénitude de vie pour laquelle je suis destiné dès avant la fondation du monde. C’est pourquoi, tant dans la prière que le Christ nous a enseignée que dans toutes les méthodes de prière que nous enseignent les grands saints, la question du « sens de la vie » est conductrice de toute prière.

L’expérience de la prière personnelle et constructrice commence lorsqu’on se pose la question : « pourquoi suis-je créé ?» Si l’on est créé, et la prière est un chemin qui donne réponse et sens de la vie, la prière est tout sauf inertie. Dans plusieurs passages de l’Écriture Sainte, le Christ est présenté en prière surtout avant les grands événements tels l’appel et l’envoi des disciples, la résolution de prendre la route de Jérusalem, … etc.

Si les choix et l’œuvre du Seigneur tirent leur mouvement de la prière, c’est bien parce que le christianisme n’est pas un suivisme institutionnel mais bien exercice de ses fonctions dans la barque du Père qui nous a embauché et envoyé dans sa vigne œuvrer avec le Christ. Dans cette vigne comme dans une barque, il peut parfois être nécessaire de naviguer à contrecourant des habitudes et des vérités institutionnelles. Prier c’est se décider à lire l’avenir du monde avec les yeux de Dieu et non se laisser mener par le monde en fermant son cœur à Dieu.

La prière est mouvement, créatrice vers les autres dans cet univers où l’homme est appelé à en devenir maître dans le respect du Créateur et de l’altérité ; elle est expérience spirituelle de l’Amour qui créé pour donner au spirituellement créé de devenir réalité dans le vécu du quotidien.

2.2 Prier c’est aimer

La prière apparaît entre autre comme lieu où se construit, conformément aux lois de la création, la dimension relationnelle de l’homme qui n’est pas posé seul dans l’univers. En tant qu’individu, je ne suis pas seul ; bien d’autres personnes vivent avec moi et l’univers environnant est fait tant pour mon bien que pour celui de tous. Je suis appelé à respecter les autres et accepter qu’ils sont comme moi héritier de cet univers dont personne de nous n’est le créateur. Je suis appelé à entrer en relation avec l'autre, me donner à lui et l’accueillir dans le don mutuel. L’être humain est appelé à vivre dans une relation d’accueil et de don. C’est pourquoi le Christ répondant au docteur de la loi, lui précise que toute la loi consiste à aimer Dieu à aimer son prochain et à s’aimer soi-même. La prière est alors construction et vie de l’amour de son Dieu, de l’amour du prochain et de l’amour de soi sans égocentrisme. Si la pyramide relationnelle Moi, Dieu, Autre est appelé à vivre dans un mouvement d’amour, toutes les puissances de mon être doivent se mobiliser, par tous les moyens, pour mettre en dehors de cette sphère relationnelle tout ce qui peut s’y introduire comme obstacle à son unité harmonieuse. Prier c’est découvrir et vivre la perfection de la destinée humaine : « Aimer comme Dieu aime». Si Dieu est « Amour » comme dit saint Jean, prier c’est visualiser comment, et mobiliser toutes les puissances de son être pour devenir « Amour » comme Dieu. La question qu’on pourrait se poser, c’est comment prier. Pour répondre à cette question, parcourons quelques exemples de priants dans la Bible. (à suivre ...)

Frère Emmanuel


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