C'est certes l'un des contes initiatiques de Charles Perrault qui offre le plus de difficultés à l'interprétateur. Nous allons pourtant en tenter le déchiffrement en nous servant de la même méthode de décodage que pour les contes précédents.

D'abord le titre même du conte va nous mettre en éveil en nous rappelant l'usage des cendres dans les rituels les plus anciens du monde: Inde, Egypte, Grèce, Gaules etc. La Bible n'est pas silencieuse sur l'antique rite des cendres et elle nous montre, par exemple, dans le livre de Jonas, le roi de Ninive s'asseyant sur la cendre tout comme le fait Cendrillon (Jonas 3,6).

La liturgie catholique elle même a gardé le souvenir et l'usage opératif de ces rites en sa liturgie du Mercredi des Cendres, et ce jour là, on lit un très beau texte du prophète Joël demandant au Seigneur de ne pas livrer son héritage aux railleries des nations.

Perrault nous campe d'emblée cet héritage, cette Ecclesia, assise tout comme le monarque ninivite sur les cendres de l'humilité: Cendrillon, c'est la jeune Eglise sous les vêtements de la pénitence.

Le même texte de Joël invite la jeune épousée à quitter son alcôve et Perrault y a - sans doute - pensé en confinant aussi Cendrillon en un réduit; ce petit réduit sous les toits nous montre que l'héroïne du conte a de plus hautes aspirations que ses demi-soeurs.

Celles-ci symbolisent de toute évidence les autres courants religieux incapables de comprendre l'ésotérisme chrétien. Elles se moquent, elles rient très fort de cette fillette chétive assise sur le coin de l'âtre, dans les cendres. Le comique de son visage enfantin noirci par la fumée et les suies va attirer tous les quolibets, toutes les railleries. Il est pourtant loin d'enlaidir vraiment Cendrillon.

- "Je suis noire, mais je suis belle, filles de Jérusalem" dit la Bien-Aimée du Cantique des Cantiques, elle aussi en butte aux persécutions de ses rivales (Cant. 1,5).

Si Cendrillon est l'Eglise pour Perrault, il nous est facile de deviner que le fils du Roi est le Christ et nous verrons plus tard en étudiant un autre conte - "La Belle au Bois Dormant" - que la marraine fée symbolise pour l'auteur les dons de l'Esprits-Saint. La baguette de la fée va avoir un rôle tout semblable à celle de Moïse.

Parlons un peu de cette baguette magique que nous retrouvons bien souvent dans les récits populaires, elle est un véritable condensateur de forces, de pouvoirs, de transmissions... Nous la retrouvons liturgiquement restaurée dans la crosse des Evêques.

Dans l'histoire de Moïse nous voyons une véritable lutte de baguettes serpentines entre deux clergés: celui d'Israël et celui de Memphis.

La verge de Moïse c'est encore la baguette de Merlin ou celle de Nostradamus:

- "La verge en main mise au milieu de Branches,
De l'onde il moulle & le limbe & le pied
Une peur & voix fremissent par les manches:
Splendeur divine. Le divin pres s'assied."

Centurie 1 - vers. 2

Le conte de Cendrillon fait appel à toutes une série de métamorphoses; essayons d'en saisir le sens:

Et commençons par la citrouille évidée qui va se transformer en un splendide carosse. En évidant le cucurbitacée la fée va refaire le geste des pélerins de Compostelle, elle va faire une gourde... Mot qui désigne à la fois et le fruit, et le récipient obtenu en creusant à l'intérieur; le pélerin attachait cette écorce de gourde en haut de son long bâton de voyage... Ce récipient devant contenir sa provision d'eau.

Mais la calebasse ainsi creusée par la fée que va-t-elle contenir ?

En d'autres termes quels sont les ingrédients, les substances, les drogues qu'il va falloir mettre dans cette citrouille évidée pour projeter Cendrillon hors du continuum spatio-temporel ? Nous vous laissons deviner.

Ce que veut nous dire Perrault c'est que Cendrillon n'est encore qu'une novice, une débutante... Elle peut ressentir le besoin d'une aide chimique pour une mise en condition efficace, mais cette méthode présente de bien grands dangers. Cendrillon risque de ne pouvoir revenir à temps.

Cendrillon nous le disions tout à l'heure est aux yeux de Perrault la jeune Ecclesia, mais l'est dans le perpétuel recommencement de chacun de ses membres, novice sur le plan de l'initiation, capable de toutes les erreurs, de tous les malentendus. En état opératif l'adepte de l'Odos doit rester maître de lui, ne pas prolonger son voyage en astral trop longtemps, pouvoir revenir vite sur le plan terrestre. D'où les dangers des drogues dont on se servait à son époque et à d'autres dans les expériences magiques (Datura, Mandragore, Belladone etc.). L'adepte ne doit pas vouloir aller trop vite dans les expériences et toujours se souvenir du conseil de Pascal: "Qui veut faire l'ange, fait la bête".

Au douzième coup de minuit Cendrillon doit donc "être sortie du bal".

Mais revenons à l'étude du Carosse-Citrouille... Pour le tirer des chevaux vont être nécessaire, ce sont nous l'avons dit dans d'autres études les symboles de la Kabbale et de l'Initiation, ils sont six, bien entendu, un pour chacun des jours de la semaine et sont guidés par un cocher.

Ici nous avons la leçon du Dimanche qui tient les guides des autres jours de la semaine, c'est en lui, le cocher, que se symbolise le kentra Kra, celui de la créativité; ce kentra est entouré de six autres kentras: les laquais qui escortent; c'étaient jadis des lézards et nous avons en eux un résumé d'une très longue évolution qui va du reptile à l'être humain.

Ainsi Perrault va nous dire en peu de mots et en beaucoup d'images qu'il y a un rapport entre les sept jours et les kentras et que le point-charnière entre ceux-ci est le kentra Kra-Dimanche.

Il est une autre mutation qui sera nécessaire pour Cendrillon elle-même. L'on ne peut s'approcher du Fils du Roi en haillons spirituels... Dans la parabole du Banquet Jésus a déjà conté comment celui qui était entré sans la tunique de fête fut rejeté dans les ténèbres extérieures (Mathieu 22,1-11).

Et remarquons bien que Cendrillon ne peut arriver par elle-même à cette mutation... Revêtir "l'homme nouveau" dirait Saint Paul. Dans l'arrosoir qui protège les six lézards nous pouvons voir le baptême d'eau, et dans le geste de la Fée qui transforme Cendrillon nous voyons alors le baptême de feu de la confirmation. Les habits d'or, d'argent, de pierreries symbolisent parfaitement l'aura spirituel qui émane du corps de lumière des saints.

Notons au passage le vilain sobriquet de Cucendron donné par l'une des soeurs. Si Perrault insiste sur cette désignation, ce n'est certainement pas par vulgarité. C'est parce-qu'elle comporte un message essentiel: celui que chez Cendrillon les centres spirituels supérieurs ne sont pas encore éveillés.

Là est l'explication évidente à notre avis que Cendrillon ne fait rien par elle-même, ce n'est pas le Petit Poucet... Elle ne peut passer en astral qu'avec une aide extérieure.

L'on peut faire une comparaison entre Cendrillon et le Petit Poucet et voir dans le second le tantrisme de droite où la sexualité est détruite (vie monachique) et dans la première le tantrisme de gauche où le kentra sexuel Kra participe à l'épanouissement (voie du Cantique des Cantiques)... Ces deux routes n'étant pas contradictoires, mais complémentaires selon l'appel divin.

Tout ceci est fort mal compris des soeurs de Cendrillon qui symbolisent d'autres courants religieux mal capables de comprendre l'ésotérisme et le symbolisme. Surtout l'une d'elle est particulièrement agressive.

Enfin nous arrivons au moment où la Fée va remettre à Cendrillon ses pantoufles... Non je ne pense pas que Perrault ait voulu écrire autre chose que ce qu'il a écrit: verre - V.E.R.R.E.

Le mot Vair - V.A.I.R. - que certains ont avancé désigne une fourrure héraldique qui n'isolerait pas suffisamment les petits pieds; il faut du vrai verre capable d'isoler Cendrillon des forces inférieures, de couper les courants telluriques, les ondes nocives, les influences pernicieuses. N'oublions pas que contrairement au Petit Poucet Cendrillon n'a pas de bottes de sept lieues... Ses petits pieds doivent être bien défendus.

Dans le palais du Roi les deux soeurs ne reconnaissent pas Cendrillon... Comment tel ou tel courant sectaire pourrait-il penser qu'en dehors de lui on puisse accéder à une expérience spirituelle ? Le refus de prêter même son habit jaune à Cendrillon illustre bien le refus de comprendre l'autre. C'est à la soeur aînée qu'elle s'adresse et celle-ci montre sa morgue et son sectarisme: elle ne fera rien pour aider à progresser un "Cucendron".

Pour bien comprendre l'épisode il faut nous souvenir que Perrault fait partie des "Messieurs de Port Royal" sur lesquels les ultramontains tirent à boulets rouges... N'y a-t-il pas de sa part un tantinet de malice à mettre à la soeur Javotte la robe jaune, emblême d'un Vatican dont son gallicanisme jansénisant ne pense pas grand bien et qui se montre des plus intolérant contre les idées qui ne sont pas les siennes ?

A propos du nom de javotte donné à la soeur aînée, rappelons le vers de Victor Hugo contre le romanisant Veuillot:
- "Ce zoïle cagot naquit d'une Javotte".

Plus évoluée spirituellement que ses demi-soeurs Cendrillon finira par être choisie par le fils du Roi, mais elle ne rejettera pas ses soeurs. Elle leur donne le baiser de paix à la fin du conte. C'est le message d'oecuménisme de Perrault envers les courants religieux qui l'ont excommunié... Après les inquisitions de toutes sortes, les persécutions et les moqueries l'oubli doit venir.

- "Elles se jetèrent à ses pieds pour lui demander pardon de tous les mauvais traitements qu'elles lui avaient fait subir. Cendrillon les releva et leur dit en les embrassant qu'elle leur pardonnait de bon coeur et qu'elle les priait de l'aimer bien toujours".

Riquet à la Houppe


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