Après avoir désigné dans le Petit Poucet les sept kentras de l'être humain et nous avoir fait comprendre plus ou moins bien selon notre faculté de saisir l'usage que nous pouvons en faire, après nous avoir montré dans Cendrillon les premiers pas de l'initiation, Charles Perrault a dû réaliser qu'il était indispensable de consacrer un conte au plus élevé des kentras, celui qui marque le point de la descente des forces divines dans certaines individualités.

D'où le récit pédagogique de Riquet à la Houppe qui s'adresse plus spécialement à ceux qui ont reçu un appel spécial de Dieu vers la vie contemplative.

Ce centre spirituel que nous appelons le kentra Golgo se situe au sommet du crâne.

Il est indiqué de diverses façons par le symbolisme de chaque rite religieux.

Tonsure, calotte, mitre, etc; Nous avons déjà eu l'occasion d'en parler dans le commentaire du Petit Chaperon Rouge. Pour Perrault c'est la touffe de cheveux qui est choisie pour marquer la présence de ce centre.

Riquet à la Houppe ? Indiquons d'adord que le mot houppe vient du néerlandais hoop qui signifie à la fois tas et clef de voûte... La langue française a fait dériver de ce terme le mot houppier qui signifie la cime.

Et - parallèlement au mot houppe toujours en usage - nous allons trouver un synonyme moins courant: le mot huppe qui tire son orgine du latin upupa et du grec epops. L'épopée de Riquet à la Houppe est donc celle d'un être "huppé" (nos ancêtres auraient dit: né coiffé... Huppé étant à prendre ici dans son sens spirituel: comblé de dons, riche de grâces.)

Riche car nous savons que le mot riche vient du terme franc - riki - qui veut dire puissant. Voici donc sous la plume du très érudit Charles Perrault le personnage type du Riki Huppé: Riquet à la Houppe.

Peut-être Perrault en choisissant ce nom a-t-il aussi pensé au compagnon de dagobert qui fut l'un de ses initiateurs: Saint Riquier, bien oublié de nos jours, mais qui fut certainement l'un des êtres correspondant le mieux à l'illustration du kentra de la contemplation.

La première chose que nous apprend Perrault sur Riquet à la Houppe, c'est qu'il était très laid et cette constatation nous fait penser - sachant ce que Riquet va devenir par la suite - à ce vilain petit canard d'Andersen qui va mettre si longtemps à devenir un cygne.

Est-il besoin de beaucoup épiloguer sur cet aspect du conte ? La montée spirituelle, nous le savons, doit se faire difficilement, à contre-courant des valeurs de ce monde.

Dans un royaume voisin il se produit le contraire de ce qui nous est conté concernant la naissance de Riquet: une fille naît, elle est belle, très belle, mais sans esprit... Mais nous apprenons que la Fée a d'avance remédié à ces carences en permettant à Riquet de transmettre l'esprit et à la princesse de communiquer la beauté. Heureuse contamination qui nous amène à retrouver la doctrine de l'Eglise sur la communion des saints et la réversibilité des mérites.

Il était important que Perrault explique cela au moment de parler du kentra Golgo.

Mais pourquoi cette soeur cadette ?

Elle ne semble pas jouer grand rôle dans le conte. Perrault ne pouvait cependant manquer de l'indiquer car elle reprsésente la différence entre deux courants religieux bien distincts: la symbolique doit - à notre avis - voir dans l'aînée l'Eglise et dans la cadette les religions qui n'ont pas encore eu le contact christique... Notons bien que c'est en conversant avec Riquet que l'aînée prend, peu à peu, plus d'esprit que sa cadette.

Cependant il faut que pour cette progression la princesse aille dans le bois (nous savons qu'il faut traduire: passe en astral), c'est indispensable puisque Riquet et sa Bien Aimée ne sont pas du même royaume (disons en terme plus moderne du même continuum).

Et, bien sur, nous retrouvons l'image du Festin de Noces, chère à l'Evangile et à l'Apocalypse. La princesse se fait tirer l'oreille pour s'y rendre.

Nous savons que Riquet a un concurrent de taille dans le royaume où vit la princesse, il y a confilt en elle entre deux attirances: celle du prince de ce monde - le Sathan - et celle du maître du royaume spirituel - le Christ.

Peut-être Perrault qui adore les jeux de mots a-t-il aussi pensé à l'écriteau de la croix: I.N.R.I. - Henri - Riquet.

De toute façon le conteur nous donne un enseignement de plus en nous apprenant que ce conflit s'aggrave au fur et à mesure que l'intelligence de la princesse va en s'épanouissant.

Pour qui lirait ce conte en simple profane c'est à dire sans savoir qu'il contient un enseignement secret ou sans être capable de le décoder, la question resterait en suspens de savoir pourquoi le repas se prépare sous terre et non dans le palais de Riquet à la Houppe ?

Oui, pourquoi cette cuisine souterraine au milieu d'un bois ?

Alors que - nous dit Perrault - la princesse se promène en rêvant "profondément". Si l'on a pas compris qu'il s'agit là d'une vision de l'alchimie souterraine de l'Initiation l'on passe à côté de bien des choses:

"Altere, cherche Bible et Vitriol Atlante" lisions-nous dans le "Tire la chevillette, la bobinette cherra" du Petit Chaperon Rouge... Voici le Vitriol offert à la princesse.

En descendant au plus profond d'elle-même, en rectifiant son être, en se convertissant la princesse va finir par trouver la pierre cachée, c'est à dire la doctrine secrète.

Il n'y a pas d'incompatibilité entre la voie biblique et la voie de recherche de cette pierre cachée. Ne lisons-nous pas dans le Livre saint:

- "Il est céphas (la pierre, le roc), son oeuvre est parfaite car toutes ses voies sont le Droit. C'est un Dieu fidèle et sans iniquité. Il est rectitude et justice" (Deutéronome 32,4).

Et, dans sa première épître aux Corinthiens, Saint Paul n'oublie pas d'expliquer que cette pierre cachée, ce rocher spirituel est le Christ (1Cor. 10,4).

Donc le rêve profond de la princesse, son extase (ex-stasis = hors de soi) va lui permettre de trouver la vérité qui, seule, peut lui ouvrir les Noces mystiques.

- "Je connais un homme dans le Christ qui, voici quatorze ans, - était-ce en son corps ? je ne sais; était-ce hors de son corps ? je ne sais, Dieu le sait, - fut ravi jusqu'au troisième ciel. Et cet homme-là - était-ce en son corps ? était-ce sans son corps ? je ne sais, Dieu le sait, - je sais qu'il fut ravi jusqu'au paradis où il entendit des paroles ineffables" (2 Cor. 12,2-4).

Remarquons bien que si nous croyons être pour quelque chose dans ce jeu, nous nous trompons: "l'Homme s'agite et Dieu le mène", disait une grande voix... En fait tout est prévu par la prescience divine. Perrault ne veut pas que nous ayons un doute à ce sujet:

- "Le lendemain les noces furent faites, ainsi que Riquet à la Houppe l'avait prévu, et selon les ordres qu'il en avait donnés longtemps auparavant".

Peau d'Ane


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