La période des vacances étant propice à l’imaginaire et à la détente nous avons choisi de nous arrêter un instant sur le thème du "Da Vinci Code", ce roman sulfureux porté à l’écran qui a défrayé la chronique et monopolisé les médias ces derniers temps.

Certaines affirmations du livre heurtent la foi chrétienne traditionnelle ; aussi nous avons cherché à comprendre, et à expliquer ! Non pour juger et critiquer, ce n’est pas notre habitude, simplement pour argumenter et prendre part au débat. Au final cela permet d’aborder les sujets suivants : le retour de l’arianisme, le gnosticisme, saint Irénée de Lyon, les évangiles apocryphes, Jésus et Marie Madeleine ; une belle richesse spirituelle, un magnifique prétexte pour revenir aux sources de notre tradition chrétienne.

Il n'était guère difficile de parcourir toutes les pages du roman. L'intrigue policière et le jeu de piste des codes et autres anagrammes employés tiennent en haleine le lecteur jusqu'au dénouement final. L'ensemble est bien ficelé, les raisons du succès sont évidentes au fil des pages. En revanche certaines affirmations de l'auteur nous ont surpris, en particulier celles qui mettent en cause la divinité du Christ.

Retour de l'arianisme

Plusieurs thèses sont présentées par le "Da Vinci Code" concernant la personne de Jésus. La plus surprenante est une sorte de résurgence de la crise arienne du IVème siècle. Arius (256-336), prêtre du diocèse d'Alexandrie professait que Jésus n'était pas Dieu fait homme, un homme seulement, une créature extraordinaire créatrice du monde et élevée par la divinité en raison de ses mérites, de son héroïsme et de sa sainteté.

La doctrine d'Arius, en s'attaquant à la divinité du Christ niait le mystère du salut. Si Jésus-Christ n'est qu'une très haute et excellente créature ce n'est pas à Dieu que nous sommes unis en nous incorporant au Christ, il n'y a pas de salut réel pour l'humanité, juste une élévation de l'homme.

Au contraire, la mémoire de l'Eglise reçue des Apôtres et transmise par le Saint-Esprit enseigne que Jésus est Dieu par essence, que son incarnation sur terre, sa mort et sa résurrection ont produit le mystère du salut, c'est à dire la réunion de l'homme à Dieu, réunion anéantissant la séparation originelle et ses conséquences immédiates : péché et mort.

On le voit, les enjeux dogmatiques liés à la perception de la nature du Christ sont essentiels. Ils touchent aux fondements de la foi chrétienne…

Par exemple, si Jésus n'est qu'un homme, même exceptionnel, pourquoi demander le baptême ? Pareillement, pourquoi participer à la sainte messe, que devient la communion ?  Mais si Jésus est Dieu fait homme le baptême nous incorpore au Christ. Enfin l'eucharistie célébrée par le prêtre et reçue par la communauté chrétienne alimente en nous la vie divine.

Ces vérités peuvent être reçues de deux façons. D'abord par la foi, expérience spirituelle du croyant, foi vivante s'épanouissant dans une relation personnelle de rencontre avec le Christ. Ensuite par la raison ; la révélation des Saintes Ecritures nous aide à comprendre le mystère du salut. Ainsi s'éclaire la fameuse maxime de Saint Augustin : "Je crois pour comprendre, je comprends pour mieux croire".

Le problème d'Arius et de toutes les déviances spirituelles passées et à venir est un problème d'incompréhension. Il obscurcit le contenu de la foi. On y retrouve toujours le refus du mystère de l'incarnation. L'intelligence humaine n'admet pas un Dieu qui devient personne, l'un de nous sur cette terre.

Déjà, du vivant de l'Apôtre Jean apparut le docétisme, faisant du Christ Dieu une apparence d'homme, une sorte d'esprit fantomatique. Les docètes ne pouvaient se résoudre à admettre que l'incarnation du Fils de Dieu soit effective. Jean, le disciple bien aimé de Jésus, dernier témoin de la génération des apôtres et contemporain des premières déviances de la foi y réplique en écrivant son Evangile (fin du Ier siècle) : "Et le Verbe s'est fait chair" (Jean 1,14). La divinité du Christ y est par ailleurs affirmée dès le prologue : "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu" (Jean 1,1).

Une question se pose : comment un homme comme Arius, s'il a vraiment lu les Saintes Ecritures a-t-il pu écrire et enseigner le contraire ?

Le Gnosticisme

Aux IIème et IIIème siècles après Jésus-Christ on vit apparaître des hommes qui inventaient des doctrines nouvelles, très loin de la foi reçue des Apôtres. La génération des premiers disciples de Jésus, témoins directs de sa vie, de sa mort et de sa résurrection avait disparu. La mémoire écrite des paroles et actes du Sauveur avait été sommairement consignée dans les récits des Evangiles de Mathieu, Marc, Luc et Jean. Des hommes comme Valentin, Marcion et beaucoup d'autres élaborèrent alors des doctrines insolites, mélangeant des éléments grecs, égyptiens, juifs, chrétiens, babyloniens, etc. On a donné le nom de gnostiques à ces doctrines parce qu'elles faisaient résider le salut non dans la foi, mais dans la connaissance de ces systèmes, ensuite parce qu'elles opposaient un Dieu bon à un esprit mauvais, créateur du monde et de la chair.

L'Evangile de Jean anéantit dès le premier chapitre ces élucubrations. Mais encore fallait-il l'avoir lu, reçu et accepté…

La doctrine d'Arius, avec son Verbe créé et créateur du monde ne fit que donner une nouvelle jeunesse au gnosticisme dont les cogitations compliquées et floues ne trouvaient aucun crédit réel au niveau populaire.

Le concile de Nicée en 325, premier concile œcuménique, c'est à dire rassemblant les évêques de tout l'univers chrétien régla le problème de l'arianisme en rétablissant l'Eglise dans la mémoire reçue des Apôtres. Le Christ y fut affirmé :

"Fils unique de Dieu
Né du Père avant tous les siècles
Dieu né de Dieu
Lumière née de Lumière
Vrai Dieu né du vrai Dieu
Engendré non créé
Consubstantiel au Père"

La suite de ce texte est connue, elle fait partie intégrante de la messe : on l'apelle credo ou symbole de la foi (dit de Nicée-Constantinople, parce le symbole de Nicée fut complété en 381 par un autre texte établi lors du deuxième concile œcuménique, à Constantinople).

L'auteur du Da Vinci Code développe l'idée que l'Eglise aurait, lors du concile de Nicée, fomenté un complot pour masquer le fait que les premiers chrétiens ne voyaient en Jésus qu'un simple prophète mortel.

Mais les actes du concile sont connus et il y eut d'âpres et intenses discussions entre les évêques pour aboutir au texte final ! Tout cela se fit au grand jour, d'une façon libre et démocratique. L'Eglise était loin d'être une puissante institution et la papauté, telle que nous la connaissons aujourd'hui, n'existait même pas…

Les communautés chrétiennes du premier et deuxième siècles étaient d'abord et avant tout des communautés populaires, formées des couches les plus humbles de la population qui se reconnaissaient à travers ce Dieu crucifié tel un esclave. Elles s'en tenaient à la foi reçue des apôtres, à ce qui avait été cru toujours, partout et par tous. La divinité du Christ était inscrite partout dans la mémoire des cœurs baptisés. On ajoutait rien, on ne modifiait rien. De plus les premiers chrétiens étaient persuadés de l'imminence du retour du Fils de Dieu, ce qui explique le dépouillement des textes des Evangiles. Pourquoi écrire, pourquoi transmettre aux générations futures puisque le Christ devait revenir bientôt ? L'apôtre Jean, dernier témoin vivant de la génération des apôtres et conscient de l'urgente nécessité de transmettre ce qu'il avait reçu du Seigneur termine son Evangile ainsi : "Jésus a accompli encore bien d'autres actions. Si on les relatait en détail, le monde même ne suffirait pas, je pense, à contenir les livres qu'on en écrirait" (Jean 21,25). Ecrirait-on la même chose d'un simple prophète mortel ?

Les Pères de l'Eglise furent peu nombreux au deuxième siècle après Jésus-Christ. Cela explique encore me semble-t-il le développement du gnosticisme. Le rationalisme intellectuel d'alors refusait la révélation des Evangiles et inventait des systèmes de pensée où chacun se fabriquait sa propre idée de Dieu. Des hommes "emportés à tout vent de doctrine", selon la célèbre expression de l'Apôtre Paul (Eph. 4,14), jetaient aux orties la mémoire reçue des apôtres en inventant des théories fumeuses. C'est dans ce contexte qu'apparurent les Evangiles dits "apocryphes".

Au IIème siècle après Jésus-Christ, à l'exception de Justin de Rome, d'Ignace d'Antioche et d'Irénée de Lyon les intellectuels ne se rangeaient pas du côté de la jeune Eglise. Il faudra attendre les IIIème et IVème siècles pour que naisse la science théologique avec l'arrivée d'une brillante génération de penseurs et docteurs de la foi.

Dans sa première épître aux Corinthiens l'Apôtre Paul écrit : "Considérez, frères, que parmi vous qui avez été appelés il n'y a ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles. Mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes" (1 Cor. 1,26-27). Les hauts fonctionnaires de l'empire romain ne se sentaient pas concernés par la nouvelle religion qu'ils préférèrent mépriser et persécuter, privilégiant les combats de gladiateurs et les fauves du cirque.


L'historien Eusèbe a conservé une lettre écrite par l'évêque Irénée de Lyon (140-202 ap. J.-C.) à Florinus; ce dernier ayant basculé dans le gnosticisme, Irénée s'efforce de le ramener à la foi chrétienne.

Un document en forme de précieux témoignage... Une génération à peine sépare Irénée de l'Apôtre Jean. Le bienheureux évêque Polycarpe - cité dans la lettre - fut l'un de ses disciples.

"Je t'ai vu, quand j'étais encore enfant, dans l'Asie mineure, auprès de Polycarpe ; tu avais une situation brillante à la cour impériale et tu cherchais à te faire bien voir de lui. Car j'ai meilleur souvenir de ces jours d'autrefois que des évènements récents. Ce que l'on a appris dès l'enfance, en effet, se développe en même temps que l'âme, en ne faisant qu'un avec elle. Si bien que je puis dire le lieu où s'asseyait pour nous entretenir le bienheureux Polycarpe, ses allées et venues, le caractère de sa vie et l'aspect de son corps, les discours qu'il tenait à la foule, et comment il racontait ses relations avec Jean, et avec les autres qui avaient vu le Seigneur, et comment il rapportait leurs paroles, et ce qu'il tenait d'eux au sujet du Seigneur, de ses miracles, de son enseignement, en un mot comment Polycarpe avait reçu la tradition de ceux qui avaient vu de leurs yeux le Verbe de vie, il était dans tout ce qu'il rapportait d'accord avec les Ecritures.

J'écoutais cela attentivement, par la faveur que Dieu a bien voulu me faire, et je le notais non sur du papier, mais en mon cœur, et, par la grâce de Dieu je ne cesse de le méditer fidèlement. Je puis témoigner devant Dieu que si le bienheureux vieillard, l'homme apostolique, avait entendu quelque chose de pareil (les doctrines gnostiques), il se serait récrié, il aurait bouché ses oreilles, il aurait dit comme à son ordinaire : "Ô bon Dieu, pour quel temps m'as-tu réservé, faut-il que je supporte de telles choses ?" Et il aurait fui loin du lieu où, assis ou debout, il aurait entendu de pareils discours." (Histoire ecclésiastique 5, 20, 5-7)

Ce témoignage émouvant nous renseigne sur la jeunesse d'Irénée. Elle baignait dans le souvenir des origines chrétiennes. Elles l'ont marqué pour toujours...


Les Apocryphes

Les Evangiles apocryphes (du grec apocruphos, secret, caché, dissimulé) sont des textes religieux écrits à partir du IIème siècle après Jésus-Christ et parfois bien au delà. Ils sont revêtus de la signature d'un apôtre ou d'un personnage important de l'Histoire sainte, pour donner plus d'importance au texte, mais il est impossible d'en vérifier l'authenticité.

Ces textes n'ont pas été reçu dans le canon des Saintes Ecritures qui forment la Bible à cause de leur origine douteuse. Les courants gnostiques apparus aux IIème et IIIème siècle ont largement utilisé ce genre littéraire pour faire passer leurs idées. La prudence est donc de mise pour leur étude, mais n'oublions pas la parabole du bon grain et de l'ivraie.

Pendant longtemps les textes apocryphes ne furent connus qu'à travers le combat que menèrent contre eux les Pères de l'Eglise, comme Saint Irénée de Lyon dans son ouvrage "Contre les Hérésies" (IIème siècle). Ils disparurent ensuite, jusqu'à deux découvertes archéologiques majeures : - l'une à Nag Hamadi, village de haute Egypte où en 1945 fut trouvée une imposante collection de textes écrits en langue copte, l'autre à Qumran, à côté de la mer Morte où en 1947 d'autres manuscrits forts précieux furent mis à jour.

Le plus célèbre des textes apocryphes recensé à Nag Hamadi est sans nul doute l'Evangile attribué à l'Apôtre Thomas, (sujet déjà abordé lors d'une précédente étude).

Jésus et Marie Madeleine

Précisons d'abord que "l'Evangile de Philippe" découvert en 1945 à Nag Hamadi présente par deux fois Marie Madeleine comme la compagne de Jésus.

Le "Da Vinci Code", s'inspirant de l'Evangile de Philippe fait de Marie-Madeleine l'épouse du Christ. Il s'en éloigne ensuite en affirmant qu'une descendance est sortie de leur union. Cette thèse a semble-t-il heurté de nombreuses personnes qui refusent d'admettre que Jésus ait pu vivre un amour humain (affectif et charnel) avec une compagne et avoir des enfants. Que faut-il en penser ?

Parce que je crois à l'incarnation du Fils de Dieu, cette plongée du divin vers l'humain ou Dieu devient l'un de nous montre que tout ce que nous vivons a valeur et prix à ses yeux.

L'Eglise Gallicane dans la profession de foi publiée en 1945 à Gazinet par Mgr Giraud affirme que : "le mariage est si honorable et si saint qu'il peut s'allier aux plus hautes fonctions du ministère sacerdotal."

A la différence de Saint Jean-Baptiste qui vit en ermite et en ascète, Jésus est totalement intégré à la société de son époque. On le voit par exemple participer à des noces, être critiqué parce qu'il mange avec les publicains et les pécheurs : "Car Jean Baptiste est venu, ne mangeant pas de pain et ne buvant pas de vin, et vous dites: Il a un démon. Le Fils de l'homme est venu, mangeant et buvant, et vous dites: C'est un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des gens de mauvaise vie." (Luc 7,33-34)

Jésus ne vit pas en dehors de la société de son époque, mais au cœur. Il en connaît les souffrances, les joies et les peines. Nos émotions sont les siennes.

Jésus-Christ, par son incarnation, a sauvegardé toutes nos capacités à vivre et à être pleinement des être humains…

Certes les quatre Evangiles renfermés par la Bible n'attribuent pas de compagne au Christ, mais ils ne disent pas non plus qu'il n'en existe pas… On peut considérer que cela relève de la vie privée du Sauveur. Par exemple, on sait seulement que Saint Pierre était marié parce qu'en (Luc 4,38) Jésus guérit la belle-mère de l'apôtre. Il n'y aurait pas eu ce détail on l'ignorerait encore aujourd'hui…

Dans la Bible toujours, les épîtres de Paul à Tite et à Timothée font la part belle au mariage des prêtres en demandant simplement que le diacre, le prêtre, l'évêque soient mari "d'une seule femme", ce qui laisse à penser que la polygamie existait encore à l'époque.

Jésus a-t-il eu une compagne ? Il n'y a pas de preuve bien sur, il n'y en aura sans doute jamais, mais est-il nécessaire qu'il y en ait ? Cette question n'enlève rien au message du Christ, ni à son œuvre rédemptrice. Cela ajoute juste un petit supplément d'humanité, et de tendresse…

On peut aussi supposer que le Christ, s'il a eu une compagne, devait être monogame. Sa présentation de l'idéal du couple et du mariage dans les Evangiles traditionnels est une vision monogame.

Et n'oublions pas que le premier être humain à qui Jésus ressuscité apparaît est une femme : Marie Madeleine… Les apôtres viennent ensuite ; Marie - sa mère - n'est pas citée par les quatre Evangiles.

Maintenant si Jésus a eu une compagne, aurait-il pu avoir des enfants ? La question mérite d'être posée sans tabou.

Cela semble improbable. Il est difficile d'imaginer le fils de Dieu, sachant qu'il allait quitter très tôt ce monde laisser des enfants sans père, se livrer volontairement à une sorte d'abandon de famille…


En complément de ce texte il peut être utile à nos lecteurs de lire l'article sur "Saint Joseph - un Homme d'Exception". Cette étude contient d'importants développements sur les frères et soeurs de Jésus et aborde le thème de la "Virginité de Marie".


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