De nombreux chrétiens se posent la question de savoir si la pratique de l'incinération est compatible avec leurs convictions religieuses.

J'ai encore lu cette question dans les yeux d'une famille amie de l'Eglise il y a quelques mois. Je voudrais tenter d'apporter quelques réponses.

Les Statistiques

Commençons d'abord par reconnaître que la pratique de l'incinération se développe rapidement à l'heure actuelle en Europe. En 1979 les intentions de crémation de la population française étaient de 20%, elles sont passées à plus de 30 % en 1996.

La loi du 15 novembre 1887 a en France institué la liberté des funérailles. Cette liberté a été utilisée pour la première fois dans l'Eglise Gallicane par l'Abbé Junqua, fondateur de la chapelle Saint Jean-Baptiste de Bordeaux, incinéré en 1899. Plus tard, le célèbre Père Hyacinthe Loyson fut incinéré en 1912; il craignait que des intégristes ne viennent profaner sa tombe. Non loin de nous, Mgr Gaston Vigué - l'évêque qui conféra la prêtrise au Père Patrick Truchemotte en 1953 - fut incinéré en Suisse en 1963.

Cette liberté des funérailles a été reconnue par les Eglises Protestantes dès 1898. Elle fut reconnue plus tardivement par l'Eglise Catholique Romaine vers 1963. Notons encore qu'au sein des grandes religions monothéistes, Judaïsme et Islam refusent l'incinération.

Une Coutume Traditionnelle

En occident comme certainement dans d'autres régions du globe, le culte des morts s'est beaucoup appuyé sur le culte des tombes. Il exprimait certainement une forme de contact avec ceux qui nous ont quitté, la sensibilité des uns et des autres ayant souvent besoin de retrouver une impression de présence de la part de ceux qui sont partis. Les quelques mètres carrés de terre sous lesquels reposent les restes de ceux que l'on a connus et aimés contribuent à renforcer cette impression.

Mais quand le corps a été réduit en cendre et en fumée il est plus difficile de retrouver avec le défunt le contact que rendait possible la visite au cimetière. Ceci peut expliquer les réticences éprouvées par bien des chrétiens devant la pratique de l'incinération. Savoir le corps réduit en volutes de fumée et en quelques poignées de cendres peut désorienter celui ou celle qui a du mal à admettre la disparition d'un être cher.

On objectera que l'urne funéraire peut être placée dans le caveau familial ou ailleurs (maison, jardin), mais pour beaucoup de chrétiens cet argument n'est pas suffisant.

La coutume traditionnelle d'inhumer les défunts s'est également fortifiée au cours des âges à travers le culte des reliques, gage de la protection d'un saint sur une cité. Les églises étaient en rivalité dans la possession des reliques de tel ou tel saint. Plus le saint était important, plus les fidèles venaient nombreux en pèlerinage. On a alors multiplié les reliquaires et les châsses contenant le corps de Saints momifiés et exposés à la vénération du peuple chrétien. Dans certaines cérémonies on allait embrasser les reliques du saint à travers une procession à l'église, comme pour la communion.

L'attachement à la coutume de l'inhumation s'appuie également sur l'exemple du Seigneur dont le corps a été mis au tombeau. Il en est sorti victorieux par sa résurrection au matin de Pâques.

Doit-on s'en tenir à cette coutume traditionnelle d'ensevelir les morts ?

D'Autres Façons De Voir

Dans l'histoire de la chrétienté, de nombreux martyrs ont terminé leur existence terrestre dans les flammes. En France, tous les écoliers connaissent la fin tragique de Jeanne d'Arc. Hors l'Eglise n'a jamais pensé ou dit que la promesse du Christ de ressusciter ceux qui croiraient en lui ne pourrait s'accomplir en pareil cas.

La résurrection d'entre les morts n'est pas synonyme de réanimation de cadavres ! Ressusciter en Jésus-Christ signifie autre chose, il s'agit de vie éternelle... On entre là dans une autre réalité, esquissée par les Saintes Ecritures, celle de la plénitude de la vie. Les grands mystiques animés par la vie de la Grâce ont pu parfois en faire l'expérience durant leur séjour terrestre. Leur témoignage est important.

Ajoutons aussi que pour les premiers chrétiens - tous les martyrs - sans exception - même ceux brûlés vifs - étaient des vivants dans le Christ. On les a prié ensuite autant que les autres.

Chaque année, le mercredi des Cendres nous fait entrer dans le temps du Carême à travers le rite séculaire de l'imposition des cendres. Au cours de la liturgie, le prêtre prononce cette parole à l'adresse de chaque fidèle venant en procession à l'autel: "Souviens-toi être humain que tu es poussière et que tu redeviendras poussière" (Genèse 3,19).

Cette phrase biblique nous ramène à l'essentiel, elle nous rappelle que nous sommes peu de chose, que la vie sur terre est éphémère. Mais à l'autre bout du Carême, un cri de joie se fait entendre: "Le Christ est ressuscité !" Cette affirmation de toutes les Eglises chrétiennes le matin de Pâques nous fait entrer dans l'Espérance. Elle nous permet de voir au-delà de la tombe et plus loin que les cendres... vers la pleine Lumière du Christ.


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