L'Abbé Junqua

Fondateur de la chapelle Saint Jean-Baptiste de Bordeaux - qui existe toujours aujourd'hui - Pierre-François Junqua est une sorte de précurseur.

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Né à Amou (Landes) le 17 juillet 1821, élève des séminaires d'Aire en 1841 et de Dax, il fut ordonné prêtre à Bayonne en 1847. Successivement vicaire à Soustons de 1847 à 1851, curé de Pontenx de 1852 à 1856, curé de Saint Georges d'Auribat en 1856, il fut aussi curé de Saint Michel à Lapouyade (Gironde), et curé de Notre Dame de Lorette près de La Réole de 1858 à 1859.

Soulignons encore que l'abbé Junqua jouera un rôle dans "l'affaire des Apparitions de Lourdes". Directeur du journal "Le Rosier de Marie", il sera l'un des défenseurs de la petite Bernadette Soubiroux.

Envoyé en mission à Rome en 1866, il est reçu docteur en théologie de la sapience romaine. Il est finalement attaché à la cathédrale Saint André de Bordeaux en qualité de prêtre auxiliaire jusqu'en 1872. C'est vers cette époque qu'après s'être associé au mouvement de protestation anti-infaillibiliste il quitte l'Eglise Romaine, abandonnant sciemment une sorte de sécurité de la vie quotidienne pour l'incertitude du lendemain.

Désirant continuer son ministère avec les familles bordelaises restées fidèles aux principes de l'Eglise Gallicane, il fonde rue Verteuil la Chapelle Saint Jean-Baptiste. Nous ignorons si elle se trouvait au n°2, lieu où la police perquisitionna en 1872 pour saisir les écrits gallicans de l'abbé. Il semble probable vu le peu de moyens de ce dernier qu'il fit transformer quelque remise ou quelque chai plus ou moins attenant à sa maison pour y établir la chapelle.

Jusqu'à l'année 1877, la vie de ce prêtre est mise à rude épreuve. Ses positions religieuses lui valent d'être persécuté par le régime et de rester deux ans et demi en prison (dont six mois pour avoir osé porter la soutane malgré l'interdiction du cardinal Donnet, alors archevêque de Bordeaux).

Il faut comprendre qu'à cette époque, la législation des cultes issue du Concordat napoléonien demeure particulièrement rigide. Seuls les cultes israélite, catholique-romain et protestant sont reconnus par l'Etat. Le ministère des cultes peut même recourir à la force pour faire disparaître un culte qu'il ne reconnaît pas. A cela il faut aussi ajouter les pressions romaines. Il suffit de lire l'Aquitaine (journal de l'archevêché de Bordeaux en 1872), l'Avenir, le Temps, pour tomber sur des expressions comme: "compères, illettrés, saltimbanques, défroqués, enjuivés, hérésie gasconne, etc". Ou encore: "les fidèles qui assistent à ces jongleries sont des commis-voyageurs, des bourgeois philosophes, des communeux, quelques juifs, un rabbin." Enfin le gallicanisme du recteur de la chapelle Saint Jean-Baptiste se doublait d'un réel apostolat évangélique et social à une époque où le pharisaïsme faisait école. Ceci explique sans doute cela.

En 1872 l'abbé Junqua collabore à "l'Ere Chrétienne", puis devient l'un des principaux rédacteurs de l'hebdomadaire "La Rénovation Religieuse et Sociale", fondé par l'abbé Mouls. Il est évident que cette lutte en faveur d'une Eglise démocratique et sociale ne pouvait que lui attirer les foudres d'un pouvoir religieux figé et fermé sur lui-même.

En 1877, les persécutions subies par le prêtre gallican s'amenuisent. Le desservant du foyer Saint Jean trouve même assez d'appui pour pouvoir d'une part rééditer son livre, "Réponses aux Calomnies Ultramontaines", imprimé une première fois en 1872, et en publier un second intitulé: "L'Eglise Démocratique et Sociale de la Liberté".

Quelques cinq à six années plus tard, trois surprises de taille viennent coup sur coup modifier le théâtre de la vie religieuse et civile à Bordeaux.
1) Le décès de Mgr Donnet le 23 décembre 1882.
2) La désignation par décret du 5 juin 1883 de Monseigneur Guilbert comme nouvel archevêque de Bordeaux (l'un des évêques réputé en France comme libéral et gallicanisant).
3) La présentation par le Révérend Père Hyacinthe Loyson, chef de file du gallicanisme en France, d'un décret du Président de la République autorisant l'exercice du culte catholique-gallican dans le cadre de la chapelle du 3 rue d'Arras à Paris.

Dés lors, installé dans la chapelle Saint Jean-Baptiste de la rue Verteuil, l'abbé Junqua administre sa paroisse dans un climat plus serein. Les pouvoirs civils et religieux le laissent désormais tranquille. Il s'éteind dans la Paix du Christ en 1899. La tradition orale de notre Eglise nous rapporte qu'il quitta ce monde en prononçant ces paroles: "Junqua, tu es prêtre pour l'Eternité".


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