Nous reproduisons ici une étude réalisée en 1965 par Monseigneur Patrick Truchemotte, ancien patriarche de notre Eglise, rappelé à Dieu le 12 décembre 1986. Nous verrons qu'il serait utile que la prêtrise puisse s'allier à la médecine dans le domaine de l'exploration du psychisme et de la découverte de la dimension spirituelle de l'être humain.
Camille Revel rêvait que cette phrase de Shakespeare soit inscrite en lettres d'or dans toutes les universités afin de mettre en garde les étudiants contre la limitation de la recherche par le partis pris.
Quand de grands scientifiques, expérimentant en matière d'hypnose, découvrirent par l'expérience les bases de ce qu'ils appelèrent eux-mêmes : le phénomène d'envoûtement, ils se trouvèrent à contre-courant de l'opinion scientifique établie, et leurs études ne rencontrèrent en général qu'un scepticisme poli.
A l'hôpital de la Salpétrière, quand le Professeur Charcot réalisa pour la première fois la démonstration de l'antique voûlt médiéval, ce fut une pierre lancée dans le marais des connaissances de l'époque. De l'opérateur au sujet, se pouvait-il qu'il puisse y avoir une action à distance atteignant le corps physique ?
Un matériel très simple servait au Professeur Charcot : une épingle, une photographie ou un portrait du sujet. Le sujet mis en état de somnambulisme, il égratignait légèrement la photographie. A cet instant une rougeur commençait à se former sur l'épiderme à l'endroit gratté par l'épingle; l'on pouvait parfois poursuivre l'expérience jusqu'au saignement. A Bordeaux, le Professeur Albert Pitres, d'abord sceptique répéta les mêmes essais avec les mêmes résultats.
D'autres médecins, dont le Docteur Encausse, Luys, Azam, Gibert, Babinski répétèrent eux aussi ces expériences.
Jusqu'à présent, les prêtres et les médecins qui travaillaient sur l'hypnose s'en étaient tenus aux phénomènes d'endormissement, de suggestion. Ils avaient découvert le développement des sens, l'extension des pouvoirs, mais jamais encore la possibilité du maléfice donné à distance.
Le grand Paracelse prétendait certes qu'une action à distance est possible, il l'expérimentait et s'en servait dans le domaine de la thérapeutique avec sa "poudre de sympathie" qui versée à distance sur du sang séché arrêtait l'hémorragie... Mais n'y avait-il pas là que la force pratiquement incontestée de la suggestion ?
Toute l'Antiquité avait certes vécu dans cette croyance que certains hommes avaient acquis la possibilité de projeter le mal sur autrui par des pratiques de concentration, de rituel, de projection de la volonté. Déjà l'homme des cavernes peignait sur les murs de sa grotte les proies percées de traits, hommes ou animaux qu'il voulait atteindre, et toute l'Histoire nous rapporte l'universalité dans l'espace et dans le temps des figurations : dessins, peintures, poupées de cire, de bois, d'argile dont se sont servis les sorciers de tous les âges et de tous les lieux.
Nous possédons encore de vieux missels condamnant ceux qui par ligature et sortilèges empêchent l'usage du mariage, nouage de l'aiguillette pratiqué pour rendre impuissant, et la Bible nous conte un cas assez semblable dans le livre de Tobie.
Mais il y a loin de la continuité d'un usage à la preuve par neuf de l'expérience scientifique que réalisa le Professeur Charcot.
Celui-ci aborda le phénomène de l'envoûtement par hypnose, mais il est certain que celle-ci ne constitue pas un élément essentiel du voûlt.
A la source des études sur l'hypnotisme, il est une oeuvre fort sage, et de bonne foi ; c'est celle du Docteur Bertrand, médecin de valeur, doué d'un excellent esprit d'observation et qui écrivit en 1823 et 1826 deux très bons traités sur le somnambulisme.
Le premier, sans doute, il ne craint pas d'établir des corrélations entre les prêtres d'Esculape, les trembleurs des Cévennes, les convulsionnaires de Saint Médard, Gassner et ses exorcismes, et les possédés tels que ceux que l'on trouve dans l'affaire de Loudun. Tout cela constitue à ses yeux divers aspects du somnambulisme extatique.
Et certainement, ce qui frappe dans tous ces cas, dans beaucoup d'autres plus récents, c'est l'abaissement de la volonté propre de l'individu dont la conscience semble disparaître au profit d'influences extérieures. Et nous connaissons très bien l'un de ces phénomènes que l'on appelle la psychose de foule.
Prisonnier du solide égregore que constitue une foule sensibilisée sur un point, un être ne parvient pas à garder le contrôle de son jugement individuel, il est influencé d'une façon telle que cela va chez certaines personnes jusqu'au retournement d'opinion.
Il s'agit là d'un phénomène analogue à l'esprit de meute qui relie certains animaux. Le loup quand il s'élance pour chasser perd toute individualité, c'est la meute qui chasse. Toute personne qui a été dans une manifestation quelconque a plus ou moins senti combien la foule l'intégrait, la menait, la décidait souvent à faire ce qu'elle n'aurait pas fait d'elle même.
Dans l'hypnose, il se passe un phénomène semblable : le sujet sent sa volonté diminuer, se fondre, rapetisser, tandis que la volonté de l'opérateur pénètre en lui, grandit, devient immense. Le sujet est "possédé" par l'opérateur, et l'on peut même dire qu'en matière d'envoûtement il en est de même, sauf peut être, le fait que la pénétration est plus lente, plus insidieuse.
Tout cela peut-il être admis par un esprit scientifique ?
La première fois qu'Edison présenta à l'académie son phonographe, un savant s'écria : Messieurs, nous ne serons pas dupe de ce ventriloque.
Telle est hélas, la réaction des hommes devant ce qu'on leur présente :
- Je n'ai jamais pu faire cela, donc c'est impossible.
- Je n'ai jamais constaté cela, donc c'est inexistant.
Pourtant il est bien difficile de nous faire croire que toutes ces personnalités du monde scientifique, médical, philosophique ou religieux : Albert Pitres, Charcot, Luys, Encausse, Mouls, Gibert, Houssaye, Babinski, Azam, etc, deviennent subitement crédules ou menteurs dés qu'ils expérimentent dans ce domaine...
Comment penser qu'un homme de la valeur du Doyen Albert Pitres ait pu être berné ou berner ses confrères non pas une fois, mais cent fois et plus, et qu'il ait trouvé des complices par centaines pour dire comme lui dans une matière aussi délicate, aussi impopulaire en milieu médical ?
Essayons de dresser un rapide et sommaire bilan des expériences en hypnose, et convenons qu'elles bousculent les barrières du connu :
* Vision de la pensée - clichés - Teste et depuis Institut Delaware
* Diagnostic à distance par simple attouchement d'une mèche de cheveux, Teste.
* Vision dans le cosmos, l'avenir, Ricard, Abbé Mouls.
* Transfert d'une maladie d'un sujet à un autre et guérison, Luys.
* Action à distance des médicaments, Luys.
* Extension de la mémoire à des limites extraordinaires, Binet et Fere
* Phénomène d'envoûtement, Charcot, Albert Pitres, leurs disciples.
Demander à des esprits cartésiens d'admettre tout cela était un gros effort. Qu'il nous suffise de citer un exemple :
Quand le savant médecin neurologue Luys présenta à la société de biologie ses expériences sur l'action à distance des médicaments chez les hystériques (communication du 25 juillet 1886) "son autorité", nous dit Dominique Barrucand, page 143 de son "Histoire de l'Hypnose en France", "parvint à faire admettre à nombre de savants cette hypothèse extravagante, " et il ajoute : "Luys rapporte d'ailleurs ses expériences avec une minutie toute scientifiques, mais Bernheim se refuse même à les répéter "
Où est l'esprit scientifique véritable ?
Dans le savant qui expérimente, rapporte et invite ses confrères à expérimenter à leur tour, ou bien dans le savant qui refuse tout examen parce que dit-il, ce n'est pas possible.
Les limites du possible... Voilà la pire des superstitions : impossible que la terre tourne, impossible qu'elle soit ronde, impossible d'aller sur la lune.
Et Barrucand ajoute dans le même ouvrage :
- "De même que pour Charcot, les jugements que nous émettons sur nos héros, qui furent souvent de grands neurologues, ne visent que leur attitude à l'égard du problème très particulier de l'hypnose".
Ainsi l'on peut être un grand neurologue aux avis respectables, tant que l'on ne touche pas à des problèmes comme ceux de l'envoûtement. A partir de là, l'on se heurte à la muraille de l'incrédulité. L'on devient presque inconvenant.
En 1837, le chirurgien Cloquet croyait à la valeur de l'hypnose. Voulant enlever un sein cancéreux, il fit mettre sa malade en état d'hypnose somnambulique par le Docteur Chapelain.
Une telle expérience, mainte fois répétée depuis, se prête mal à la duperie. Elle eut un franc succès. Est-il pourtant plus difficile de paralyser les centres de la douleur durant une opération, ou de neutraliser ces centres pour ralentir les forces vitales ? En d'autres termes, si Chapelain a pu à distance suggérer à un sujet qu'il ne sentait rien durant une opération du sein, ne pouvait-il lui suggérer qu'il avait une douleur épouvantable, alors qu'en réalité celle-ci n'aurait pas existé ?
Etudiant cette question, le professeur de philosophie Boirac écrivait d'ailleurs (page 178 de son ouvrage sur "L'Action Nerveuse à Distance") :
- "Tout se passe comme si l'organisme humain dégageait normalement, au moins chez certains individus, une influence de nature inconnue, susceptible d'agir à distance sur l'organisme de certains autres individus."
Il nous semble par contre tout aussi mathématique de démontrer que si ce pouvoir de lier, d'atteindre, de paralyser, de blesser a été mis au pouvoir de l'homme, le pouvoir contraire doit être en sa possession...
Il est un fait indéniable, c'est qu'il existe une masse de troubles pathologiques dont l'essence est purement névropathique; de la grossesse nerveuse à la coxalgie hystérique, une foule de maladies ne sont que l'expression d'un trouble psychique ou nerveux. De nombreux mouvements charismatiques obtiennent des résultats indéniables en provoquant une réconciliation intérieure. C'est ce qu'avaient admirablement compris plusieurs Pères spirituels de l'Eglise Gallicane : Abbé Mouls et Abbé Julio, le premier théoricien de l'hypnose, le second théoricien de l'exorcisme. Tous deux se retrouvant capables de dénouer ces voûlts naturels ou provoqués, qui lient au fond du subconscient chez l'un la vue, chez l'autre l'odorat, chez l'autre l'ouïe, la digestion, la vie sexuelle ou le battement cardiaque.
Parlant de la guérison spirituelle et de l'hypnose dans la chaire de Notre-Dame de Paris le grand Lacordaire disait :
- "C'est un phénomène de l'ordre prophétique où nous voyons, plongé dans un sommeil factice l'homme perçant de sa vision les corps opaques, indiquant les remèdes qui guérissent, se montrant détenteur de sciences qu'il n'a pas apprises".
Parce que, dans un envoûtement, le plan démoniaque rejoint le plan maladif, et qu'il est difficile de discerner l'un de l'autre, il faut que dans le dégagement la prêtrise s'allie à la médecine. Que toutes les deux admettent dans l'individu cette région obscure dont parle Saint Augustin : région obscure que la conscience ne connaît pas et où subsistent les souvenirs... C'est dans cette région subconsciente que se déroule le véritable combat du désenvoûtement.
Beaucoup de personnes se disent envoûtées; mais ne le sont-elles pas souvent ? Ne serait-ce que dans le fait que la plupart du temps la maladie naît dans une ambiance morbide qui atteint profondément le subconscient du malade.
Bien souvent nous avons constaté la chose, une maladie qui serait bénigne s'empire au contact de l'appareil médical. Il y a dans les contacts cliniques, dans les questionnaires médicaux toute une mise en condition qui peut être extrêmement dangereuse pour certains esprits. Peu à peu le malade est envoûté par tout cet entourage d'appareils insolites, de termes techniques étranges : il se sent aspiré par les forces du mal, conditionné à être ceci ou cela. La maladie bénigne est aggravée par la psychonévrose.
Si dans le monde médical il est peu de gens pour admettre l'envoûtement ou la possession, il est également peu de prêtres pour, de nos jours, admettre la chose. Les mêmes qui lisent en chaire le transfert par Jésus d'une légion démoniaque dans un troupeau de porcs (Luc 8,32 et Marc 5,12) s'indignent quand on leur parle de transferts de nos jours. Et les exorcismes de leurs rituels restent inemployés.
Ils sont pourtant très expressifs ces rituels remontant aux époques primitives de l'Eglise, conjurant tout mal donné, tout sort jeté sur l'or, l'argent, le plomb, le fer, sur les étoffes, le cuir, l'ivoire, etc.
Si l'envoûtement n'est qu'une compilation de l'esprit il faut penser que l'Eglise a été bien sotte ou bien menteuse pour, durant des siècles, multiplier de telles pratiques, y encourager ses prêtres et ses fidèles.
Et dans le cas contraire, si l'envoûtement comme nous le pensons est une réalité, il faut s'inquiéter d'une telle démobilisation. Les envoûtés projetés par des prêtres incrédules en la matière vers des psychiatres aux drogues souvent nocives et aux diagnostics faussés : psychose, hallucinations, mysticisme, manie religieuse, complexe de persécution, etc.
La seule vraie science disait Buffon est la connaissance des faits.
Monseigneur Truchemotte achèvera là sa réflexion en donnant son propre témoignage, issu de l'accomplissement d'un ministère sacerdotal pleinement vécu. Sa valeur est celle du témoignage, nous le livrons tel quel :
- "Depuis 1953, date de notre ordination, nous avons vu venir à nous des centaines d'envoûtés et, fidèle à l'enseignement que nous avait donné notre maître, le Père Jean (Monseigneur Brouillet), nous avons utilisé les méthodes ecclésiales du sacrement des malades aux eaux et huiles bénites, de l'imposition des mains aux neuvaines de protection. Nous avons pu constater que les personnes s'en trouvaient bien. Nous avons eu recours aux exorcismes de toujours, et les guérisons ont eu lieu. Le Christ qui seul a les clefs de la Vie et de la Mort est tout puissant aujourd'hui comme hier pour libérer tous ceux que le mal enchaîne. "
Cette étude remonte à 1965. Elle est pourtant toujours d'actualité Elle montre que la science a dans le domaine de la "parapsychologie" et de ses interactions avec le psychisme de vastes champs d'investigation à parcourir.
Il serait également souhaitable que des spécialistes religieux puissent participer à ces travaux, être consultés, enfin que leurs avis puissent être écoutés et pris en considération.