Prier en église, participer au culte, c'est entrevoir une raison de croire et d'espérer. La foi chrétienne vit d'espérance, elle est foncièrement optimiste. Des problèmes, elle ne veut retenir que les solutions. Telle une lueur d'espoir dans les profondeurs de la nuit, « l'espérance nous fait voir ce qui n'est pas encore mais qui sera » dit le poète. L'espoir s'appuie sur les seules forces humaines, l'espérance se tourne directement vers Dieu. Elle cherche la lumière de sa formidable Présence.

Le Dieu révélé par Jésus incarne cette espérance. Il ne juge ni ne condamne, il espère, patiente, est généreux, large d'esprit, sait pardonner, peut comprendre, ne culpabilise pas. Sa tolérance est légendaire, comme sa compassion est sans limite. C'est en tout cas l'esprit qui ressort des Evangiles, et c'est ainsi qu'ils sont reçus et compris dans l’Église Gallicane, tradition apostolique de Gazinet.

Un Certain Regard

Tout le monde peut lire les Evangiles. Les comprendre et les recevoir c'est autre chose. Selon la Bible, le diable lui-même connaît les Saintes Ecritures. Il s’en sert par exemple pour tenter Jésus : c'est la quarantaine du désert, commémorée par le Carême. Le Christ lui répond en citant les textes bibliques, dont il est lui aussi imprégné. La religion peut donc être la meilleure, ou la pire des choses : chemin de lumière ou route vers les ténèbres, c'est selon. Venu des mots latin relegere « relire » et religare « relier », le mot religion interroge. Vers quoi se relier ? Comment lire et interpréter les textes sacrés ? Eternelle question.

Certains font le choix de la vie, d'autres celui de la mort, comme le 13 novembre dernier à Paris lorsque des tueurs fanatisés ont fait un carnage au nom de leur idéologie.

Plus loin dans l'Histoire, l'inquisition, les croisades, les cathares brûlés vifs, le massacre des protestants par les catholiques lors de la Saint Barthélemy nous rappellent que des imbéciles ont aussi tué au nom d'une idéologie soi-disant d'inspiration chrétienne. Pourtant se relier au Christ, me semble t-il, c'est d'abord choisir l'ouverture d'esprit, l'humilité, le respect, la bonté. Jésus, à mon sens, n'est pas venu semer la mort, mais la vie. Sa résurrection en est le signe, mais pas seulement. Le message du Christ, nous le savons, se résume à travers un mot : aimer. Celui qui aime reste dans la vie. Cela devrait être simple à comprendre, et à partager aussi !

Le Danger des Archaïsmes

Les archaïsmes sont partout, et ils représentent un danger permanent. A Noël par exemple, Marie doit fuir dans les montagnes se réfugier chez sa cousine Elisabeth pour échapper aux archaïsmes de l’époque, c’est à dire à la peine de mort promise à la femme adultère. Le courant miraculeux la sauve. Un songe envoyé à Joseph lui dévoile l'origine divine de la grossesse de son épouse. D'autres femmes n'ont pas eu cette chance. Trente années plus tard, Jésus sauve la vie à une femme adultère. Lui aussi combat les archaïsmes. Il s'efforce de faire comprendre que la méchanceté et le mal ne servent à rien, si ce n'est à créer de la souffrance et du malheur.

En 2016 pour la jeunesse, l'idée de Dieu ne peut plus être celle de ceux qui tentèrent de faire condamner Galilée, ni celle de l'obscurantisme et des archaïsmes dépassés. Nous ne vivons plus à l'époque de la terre plate et centre du monde. Vue par nos satellites, sondes et autres engins d'exploration, notre planète est un minuscule point bleu flottant dans l'immensité de l'espace. Des milliards d'étoiles qui sont autant de soleils, avec chacun leur cortège de planètes, nous entourent, voilà la galaxie. Mieux encore, des milliards de galaxies sont actuellement perceptibles et répertoriées, quel vertige... Et la physique moderne entrevoit maintenant une multitude d'univers parallèles au nôtre... Le monde, ou plutôt les mondes ? Il ne semble pas y avoir de limites à cette échelle. Et dans cette infinité de mondes, on peut raisonnablement imaginer que la vie ne doit pas être l'exception, mais la règle.

"L'infini est. Il est là. Si l'infini n'avait pas de moi, le moi serait sa borne; il ne serait pas infini; en d'autres termes, il ne serait pas. Or il est. Donc il a un moi. Ce moi de l'infini, c'est Dieu." Victor Hugo - Les Misérables - Livre premier, chapitre 10 : "l'évêque en présence d'une lumière inconnue"

Les limites, elles sont humaines. Vie fragile et éphémère, mais vie précieuse à laquelle il faut donner un sens. Les limites, ce sont encore les archaïsmes, créés par bêtise et par ignorance, par l'orgueil arrogant et cynique de l'imbécile qui déforme tout et ne comprend rien. Lorsque le prétexte religieux ou politique s'en empare, cela fait mal. L'Histoire nous montre le danger permanent des totalitarismes, à toutes les époques. Ils engendrent fanatisme, mort, désolation.

En antidote, pour conjurer l'obscurantisme, il y a l'amour, le respect, la liberté, l'humilité. Le Dieu révélé par Jésus respecte le libre arbitre, il nous laisse le temps de grandir. Jésus enfant a aussi appris à marcher, à parler, à lire. Il a fallu du temps pour qu'il devienne un homme et prenne conscience du monde dans lequel il se trouvait.

Il en va de même pour nous, nous avons besoin de temps pour tout. Parce que l'erreur fait partie de l'humanité, parce que vivre c'est souvent tâtonner, essayer, se tromper, se reprendre, mais c'est aussi aimer et évoluer.

La vie devrait toujours être une belle aventure, et lorsqu'elle est partagée avec des êtres aimés, c'est encore mieux.

Les Espérances Déçues

Le passé a été porteur d'innombrables espérances. Celles-ci se sont parfois incarnées dans des personnages qui ont fait la grandeur et la force de notre pays. Un homme de bien au commande d'une nation c'est, pour reprendre l'expression évangélique, comme un peu de « levain dans la pâte ». Il actionne les leviers qui conduisent les peuples dans le bon sens.

Chrétiens et gallicans, arrêtons-nous un instant pour rendre hommage à la mémoire du roi Henri IV. Le « bon roi Henri », selon la célèbre expression de nos manuels scolaires, incarne la tolérance religieuse dans l'époque troublée des guerres de religions. Son humanisme et sa finesse politique ont enfanté en 1598 ce monument de clairvoyance et d'intelligence qu'est « l'édit de Nantes ». Les démons de la Saint Barthélemy y furent vaincus. Ils ne se réveilleront qu'avec la monarchie absolue de Louis XIV qui, en 1685 révoquera cet édit de tolérance et d'unité nationale.

Si la main d'un fanatique n'eut mis fin en 1610 à la vie du grand monarque, son esprit de tolérance religieuse eut façonné une Europe nouvelle. Selon l'historien Henri Martin, « la politique de la France, alliée des protestants sans être absorbée dans le protestantisme, triomphant avec le concours de toute la Réforme étrangère et française, eût été engagée sans retour dans des voies d'équité internationale, de liberté intellectuelle, de tolérance religieuse. » - « Henri IV emporta dans la tombe, non seulement le système européen qu'il voulait inaugurer, mais tous les éléments d'ordre et de puissance qu'il avait rendus à son pays. » - « martyr de la plus sainte des libertés, de la liberté de conscience. » (Histoire de France - Tome dixième, pages 570 et 571)

Moins d'un siècle plus tard, le règne de Louis XIV prend le contre-pied des réformes généreuses initiées par le flamboyant béarnais. La révocation de l'Edit de Nantes, en voulant instaurer par la force l'unité religieuse du pays conduit à une catastrophe. Les féroces persécutions perpétrées contre les protestants aboutissent à l'émigration des forces vives du royaume. Toujours selon Henri Martin, « c'est réellement l'activité de plus d'un million d'hommes que perd la France, et du million qui produisait le plus. » (Histoire de France - Tome quatorzième, page 64).

Cette plaie béante n'est-elle pas un signe avant-coureur de la Révolution de 1789 ? La question reste ouverte. Du règne de Louis XIV on se souvient surtout aujourd'hui du château de Versailles. C'est un raccourci facile. Cela fait oublier qu'il aimait la guerre, qu'il y consacra une énorme énergie, et logiquement finit par se mettre à dos toute l'Europe. Le peuple évidemment en paya le prix fort. Il oublia, et il faut le souligner, de soutenir la Nouvelle-France (colonie et plus précisément vice-royauté du Royaume de France située en Amérique du Nord et ayant existé de 1534 à 1763). Cela aurait pourtant consacré l'influence française (langue et culture) à toute l'Amérique du Nord.

La disparition prématurée d'Henri IV emporte l'espérance d'un idéal de tolérance religieuse et de l'Europe nouvelle, retardant de plusieurs siècles l'apparition d'une véritable tolérance, comprise dans la liberté de conscience.

L'histoire du monde est marquée par bien des retards. Les espérances déçues en sont cause. Plus souvent qu'il n'y paraît l'action d'un fanatique retarde la marche du progrès de l'Humanité. Faut-il y voir la main de celui que Jésus appelle le « prince de ce monde » (Jean 14,30) ? Force est de constater qu'il ne faut pas sous-estimer ce pouvoir de nuisance, ici-bas. L'assassinat de Jean Jaurès à la veille de la guerre de 1914-18, celui du Mahatma Gandhi en 1948 ou encore celui du premier ministre israélien prix Nobel de la paix Ytzak Rabin en 1995 symbolisent ces espérances déçues, fauchées par des extrémistes de tous bords.

A chaque fois le cours de l'Histoire est changé en mal par ces disparitions soudaines. Elles matérialisent des blessures dans le camp de l'espérance. Les peuples français et allemands tentent aujourd'hui de réaliser le rêve de l'Europe nouvelle, fraternelle et oublieuse des guerres. Lorsque le train du monde prend du retard, c'est que l'espérance est oubliée sur le quai. Il faut souhaiter aux peuples palestiniens et israéliens de pouvoir également accomplir au Moyen-Orient le rêve de l'Europe actuelle. Le pardon et la volonté de vivre ensemble peuvent être plus forts que les démons de la haine. Les peuples français et allemands en portent à présent témoignage.

La Petite Fille Espérance

Ce qui m'étonne, dit Dieu, c'est l'espérance
Et je n'en reviens pas.
Cette petite espérance qui n'a l'air de rien du tout.
Cette petite fille espérance.
Immortelle
Car mes trois vertus dit Dieu,
Les trois vertus mes créatures,
Mes filles, mes enfants,
Sont elles-mêmes comme mes autres créatures,
De la race des hommes.
La Foi est une Epouse fidèle,
La Charité est une Mère,
Une mère ardente, pleine de cœur,
Ou une sœur aînée qui est comme une mère.
L'Espérance est une petite fille de rien du tout,
Qui est venue au monde le jour de Noël de l'année dernière,
Qui joue encore avec le bonhomme Janvier
Avec ses petits sapins en bois d'Allemagne. Peints.
Et avec sa crèche pleine de paille que les bêtes ne mangent pas,
Puisqu’elles sont en bois.
C'est cette petite fille pourtant qui traversera les mondes.
C'est cette petite fille de rien du tout.
Elle seule, portant les autres, qui traversera les mondes révolus.
La petite espérance s'avance entre ses deux grandes sœurs et on ne prend seulement pas garde à elle.
Sur le chemin du salut, sur le chemin charnel, sur le chemin raboteux du salut, sur la route interminable, sur la route entre ses deux sœurs la petite espérance
S'avance. Entre ses deux grandes sœurs,
Celle qui est mariée,
Et celle qui est mère.
Et l'on n'a d'attention, le peuple chrétien n'a d'attention que pour les deux grandes sœurs,
La première et la dernière,
Qui vont au plus pressé,
Au temps présent,
A l'instant momentané qui passe.
Le peuple chrétien ne voit que les deux grandes sœurs, n'a de regard que pour les deux grandes sœurs.
Celle qui est à droite et celle qui est à gauche.
Et il ne voit quasiment pas celle qui est au milieu.
La petite, celle qui va encore à l'école.
Et qui marche,
Perdue entre les jupes de ses sœurs.
Et il croit volontiers que ce sont les deux grandes qui traînent la petite par la main.
Au milieu.
Entre les deux,
Pour lui faire faire ce chemin raboteux du salut.
Les aveugles qui ne voient pas au contraire,
Que c'est elle au milieu  qui entraîne ses deux grandes sœurs.
Et que sans elle elles ne seraient rien.
Que deux femmes déjà âgées.
Deux femmes d'un certain âge.
Fripées par la vie.
C'est elle, cette petite, qui entraîne tout.
Car la Foi ne voit que ce qui est
Et elle voit ce qui sera
La Charité n'aime que ce qui est
Et elle aime qui sera.

Charles Péguy - « Le Porche du Mystère de la deuxième vertu » - 1912

L'Espérance et L’Église Gallicane

« Faire de sa paroisse un foyer bienfaisant et chaleureux capable de faire rayonner l'amour et la paix du Christ ». Cette phrase, je l'avais rédigée dans une lettre pastorale en 1988. Elle est toujours d'actualité. Dans nos chapelles gallicanes, chaque recteur fait de son mieux pour vivre selon cet esprit, dans l’espérance. Cela explique, à mon sens, le succès grandissant de notre pratique pastorale auprès de ceux qui nous rejoignent et prient avec nous, demandent le baptême et souhaitent faire bénir leur union.

Une Eglise à visage humain, pour les hommes et les femmes de bonne volonté qui cherchent une spiritualité nourrissante et heureuse, telle est la vocation originelle de notre Eglise. Elle est porteuse d’espoir. Le souffle parti de Gazinet en 1916 avec la création de l'association cultuelle Saint Louis nous rappelle que nous fêterons cette année le centième anniversaire de notre cultuelle bordelaise… On peut sans doute parler d'implantation locale réussie ?

Nous n'avons pas l'autoritarisme d'autres Eglises, en apparence plus puissantes et mieux structurées. Nous nous maintenons sans inquisition ni violence verbale. Parce que le rassemblement des chrétiens ne peut se faire qu'autour d'une Eglise compréhensive, éclairée, orante, à l'écoûte de la Bible et des Pères de l’Église, il ne peut exister de victoire que dans la voie de sainteté.

L'Espérance et les Evangiles

Par définition, l'Evangile est synonyme d'espérance, le mot signifie en effet : « bonne nouvelle ». Que révèlent-ils principalement? La filiation divine de Jésus, sa naissance miraculeuse, mais aussi ses discours en paraboles, ses prodiges, son ouverture d'esprit (inouïe pour l'époque), tous ceux qui viennent à lui sont accueillis : les publicains, les pécheurs publics, les étrangers, le centurion romain, les humbles et les personnes de la haute société. Voilà quelqu'un qui ne juge pas sur les apparences ou en fonction de préjugés. Il agit avec une liberté incroyable. Surtout, il y a le rayonnement d'une compassion sans limite, ne condamnant pas, ne culpabilisant pas ; une générosité source donc d'espérance et de vie.

Elle se manifeste encore par la guérison des malades. Souvent, elle est traduite par cette expression : « Le royaume de Dieu s'est approché. » (Marc 1,15)

Comment s'élaborèrent ces récits, sur quels critères ?

Certainement en fonction du besoin de savoir des communautés et de la nécessité de mettre en relief l'essentiel. Il est évident que tout n'a pas pu être écrit sur ce que Jésus a dit et fait, mais les Evangiles révèlent ce qui est suffisant pour connaître le message et les actes du Christ. L'auteur du quatrième Evangile, l'apôtre Jean selon la tradition, conclut son recueil avec cette phrase inspirée : « Jésus a accompli encore bien d'autres actions. Si on les relatait en détail, le monde même ne suffirait pas, je pense, à contenir les livres qu'on en écrirait. » (Jean 21,25)

Les miracles sont un signe de cette ineffable présence que Jésus manifeste par ce qu'il nomme : le Royaume. Elle se traduit encore par l'élan à pardonner, l'amour fraternel, la confiance en Dieu, l'esprit de courage et de sacrifice. Il résume son enseignement à travers deux grands commandements : l'amour de Dieu et celui du prochain. Dans son esprit il ne peut y avoir l'un sans l'autre, ils sont le reflet du « Royaume ».

Une partie importante des Evangiles est consacrée aux derniers jours du Christ, du dimanche des Rameaux à celui de la Résurrection. Par sa mort il accompagne la condition humaine jusqu'au bout. Par sa résurrection il ouvre des horizons nouveaux !

Les Evangiles livrent cet essentiel, ils portent cette espérance.

Une Longue Attente

Les Evangiles traditionnels contenus par la Bible (Marc, Mathieu, Luc et Jean), apparaîtront longtemps après les débuts de la primitive Eglise. Les spécialistes s'accordent à dater celui de Marc aux environs de 70, ceux de Mathieu et Luc vers 80 et celui de Jean vers 90 !!!

Bien des années s'étaient écoulées depuis la venue de Jésus...

Pourquoi une attente si longue avant l'écriture de ces textes fondamentaux ?

Il existe plusieurs réponses.

D'abord, la croyance à l'imminence du retour du Christ et la présence de nombreux témoins du Ressuscité renvoyaient à plus tard la création de recueils des paroles et actes de Jésus.

Et puis, vers ces époques, écrire n'est pas à la portée du premier venu. Il faut un professionnel, quelqu'un dont c'est le métier, ayant reçu une formation spéciale : un scribe. Aujourd'hui il est facile de prendre des notes, avec un papier et un stylo, et presque tout le monde sait lire et écrire. On manie l'imprimante, le clavier de l'ordinateur et internet. Dans l'antiquité c'est différent... Cela demande un tout autre matériel et beaucoup de patience : fabriquer ses encres à partir de noir de fumée ou de terre ocre soigneusement broyée, confectionner des feuilles de papyrus avec la plante du même nom, obtenir des parchemins avec une peau de jeune animal (mouton, chèvre ou antilope).

Le support est fragile, rare, encombrant et cher, ce n'est pas simple.

Pourtant, la génération des premiers témoins du Christ commençant à disparaître, les communautés chrétiennes furent confrontées à un besoin essentiel : celui de transmettre ce qu'elles avaient elles-mêmes reçu : le dépôt de la Foi !

Des Récits de Témoins

On ne dira jamais assez que les Evangiles ne racontent pas tous, de la même façon, la vie de Jésus. Chaque auteur y a mis son témoignage personnel, sans doute aussi un peu de sa personnalité, en relevant ce qui paraissait important à ses yeux.

Jésus, lui, n'a jamais rien écrit…

Dans des groupes différents, pas tout à fait à la même époque, quatre œuvres sont nées. Mathieu écrivait pour une communauté juive, en terre d'Israël. Il cite souvent l'Ancien Testament, argumente, rapporte le sermon sur la montagne, voit en Jésus l'accomplissement de ce qui a été écrit par les prophètes du passé glorieux d'Israël. Marc est plus rude dans son texte, son récit est court, dense, vif et percutant. Jeune chrétien de Jérusalem, cousin de Barnabé, compagnon des premières heures de Barnabé et Paul, il serait ensuite devenu collaborateur et secrétaire de Pierre. Luc, artiste et médecin, compte-tenu de son métier et de sa personnalité est le grand témoin de la miséricorde et de la compassion du Christ. Enfin l'atmosphère du quatrième récit, rédigé à Ephèse par l'Apôtre Jean est différente des trois autres. Jean est un mystique, affirmant dès le début de son Evangile la divinité du Christ, exposant avec son style très particulier une méditation du « mystère Jésus », mystère du Salut… L'orient chrétien le surnomme d'ailleurs : Jean le théologien.

Un Père de l'Eglise du IIème siècle, Saint Irénée de Lyon, évêque et écrivain célèbre, livre un témoignage précieux sur les circonstances qui ont accompagné la rédaction des Quatre Evangiles :

- « Ainsi Mathieu publia-t-il chez les Hébreux, dans leur propre langue, une forme écrite d'Evangile, à l'époque où Pierre et Paul évangélisaient Rome et y fondaient l'Eglise. Après la mort de ces derniers, Marc, le disciple et l'interprète de Pierre, nous transmit, lui aussi par écrit, ce que prêchait Pierre. De son côté, Luc, le compagnon de Paul, consigna en un livre l'Evangile que prêchait celui-ci. Puis Jean, le disciple du Seigneur, celui-là même qui avait reposé sur sa poitrine, publia lui aussi l'Evangile, tandis qu'il séjournait à Ephèse en Asie. » (Irénée de Lyon, dans Contre les Hérésies, III, 1,1)

Avec Irénée, né à Smyrne vers 130, disciple de l'évêque Polycarpe, lui-même né à Smyrne vers 70 et consacré évêque selon la tradition par l'Apôtre Jean, trois générations nous séparent du Christ. Avant Irénée et vers 120, Papias, évêque d'Hiérapolis, livre un témoignage sur Marc et Mathieu. Il a été conservé par l'historien Eusèbe de Césarée :

- « Marc, qui avait été interprète de Pierre, écrivit exactement tout ce dont il se souvint, mais non dans l'ordre, de ce que le Seigneur avait dit et fait. Car il n'avait pas entendu le Seigneur et n'avait pas été son disciple, mais, bien plus tard, celui de Pierre. Celui-ci donnait son enseignement selon les besoins, sans se proposer de mettre en ordre les paroles du Seigneur, de sorte que Marc ne fut pas en faute, ayant écrit certaines choses selon qu'il se les rappelait. Il ne souciait que d'une chose : ne rien omettre de ce qu'il avait entendu et ne rien rapporter que de véritable. Mathieu réunit en langue hébraïque les logias (paroles de Jésus) et chacun les interpréta comme il en était capable. » (Histoire Ecclésiastique III, 39, 15-16)

Les Epîtres

Aujourd'hui, en ouvrant une Bible, après les Quatre Evangiles et le livre des Actes des Apôtres on découvre les Epîtres. La plupart sont des lettres pastorales rédigées par l'Apôtre Paul à l'adresse de jeunes communautés chrétiennes. On pourrait croire que leur rédaction est postérieure au récit des Evangiles, au contraire…

Les plus anciennes, les deux lettres aux Thessaloniciens, sont antérieures de vingt ans à la rédaction du premier Evangile, celui de Marc ! Les deux épîtres aux Corinthiens, l'épître aux Galates et celle au Romains ont été composées entre 55 et 58… Celles aux Philipiens, aux Colossiens, aux Ephésiens, à Tite, Timothée et Philémon sont datées par les spécialistes entre 60 et 63 !

En ce temps là, ces communautés connaissaient la « Bonne Nouvelle » de l'Evangile, mais pas nos Quatre Evangiles…

Posons-nous la question de savoir comment vivaient-elles leur Foi ? Comme nous sans doute, dans la prière et l'amour fraternel, en célébrant chaque semaine le mémorial du dernier repas du Seigneur (la Cène), en recevant le message du Christ de la bouche même de l'Apôtre Paul (fondateur de ces communautés) ou de ses collaborateurs immédiats.

- « Car j'ai reçu du Seigneur ce que je vous ai enseigné; c'est que le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et, après avoir rendu grâces, le rompit, et dit: Ceci est mon corps, livré pour vous; faites ceci en mémoire de moi. De même, après le repas, il prit la coupe, en disant: Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang; faites ceci en mémoire de moi. » (1 Corinthiens 11, 23-25)

La vie de Saint Paul est détaillée dans le livre des Actes des Apôtres.

Ecrit par Luc entre 65 et 80 (selon les spécialistes), ce recueil nous renseigne sur les voyages et missions d'évangélisation de l'Apôtre Paul. Il expose également de manière vivante et détaillée les débuts de l'Eglise, depuis l'Ascension et la Pentecôte jusqu'à l'arrivée de Paul à Rome vers 61. Luc, compagnon et collaborateur de Paul était médecin (Colossiens 4,14). Artiste, il aurait peint selon la tradition le visage de la Vierge Marie. Il aurait également fait partie des soixante-dix autres disciples de Jésus mentionnés dans son Evangile, au chapitre dix. En parcourant son texte, la sensibilité de l'artiste et du médecin apparaissent. Plus que d'autres, il est touché par la miséricorde du Christ. C'est grâce à lui que nous sont parvenues les paraboles sur l'enfant prodigue ou la brebis perdue, l'histoire du bon larron, le pardon accordé à Zachée, aux bourreaux sur le calvaire ou encore à la pécheresse aimante chez le pharisien.

Il existe d'autres épîtres dans la Bible qui n'ont pas été écrites par Paul. L'épître aux Hébreux, celle de Jacques, les deux épîtres de Pierre, les trois épîtres de Jean et celle de Jude. Leur rédaction serait postérieure au « corpus paulinien ». Enfin, avec les Quatre Evangiles, le livre des Actes des Apôtres et les épîtres, la partie de la Bible appelée «Nouveau Testament» se termine sur le livre de la «Révélation», c'est à dire l'Apocalypse selon Saint Jean: vision prophétique et symbolique reçue selon la tradition par «le disciple que Jésus aimait», sur l'île de Patmos, dans la mer Egée.

L'Espérance du Changement

Evoluer ou pas, s'adapter ou disparaître, depuis toujours la vie demande aux créatures vivantes un effort permanent pour trouver les bonnes solutions et régler les problèmes. L'humanité n'échappe pas à la règle.

Changer, évoluer, se transformer, pour un chrétien cela demeure toujours possible. La bonne nouvelle reçue de l'Evangile ouvre la porte à une amélioration perpétuelle de l'être humain. Le Dieu révélé par Jésus, père bon et bienfaisant fait le « pari de l'homme ». Une transformation espérée positive est toujours attendue par le Ciel, car l’Espérance demeure toujours.

Dans ce monde, en quelque sorte, l'homme n'est pas fini. Nos vies sont à construire, parfois à reconstruire. Pour cela il existe de nombreux outils : les talents, les rencontres, la culture, le partage des connaissances et de l'enthousiasme, l’ouverture d’esprit. Mais l'être humain ne peut y arriver seul. S'il est assez humble, il peut le comprendre. Le premier des livre de la Bible, celui de la Genèse, insiste sur cet aspect : « Il n'est pas bon que l'homme soit seul » (Genèse 2,18)

Le monde meilleur est toujours à bâtir. Partout où notre regard se pose, et en tous lieux sur terre, la vie cherche toujours des solutions. Elle n'attend pas que le ciel lui tombe sur la tête.

Tout se transforme, tout évolue, tout s'adapte; dans la mer, sur terre et dans les airs. La vie est intelligente, et pour avancer elle a besoin d’espoir.

Mgr Thierry Teyssot


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