"Que soy era Immaculada Councepciou." Cette célèbre formule fut donnée par l'Apparition de Lourdes à Bernadette Soubirous le 25 mars 1858. Il semble que tout ait été dit sur le sujet ou presque, y compris par le Vatican, heureux de souligner que cette phrase confirmait le dogme proclamé par le Pape Pie IX quatre années auparavant (1854): "Nous définissons que la Bienheureuse Vierge Marie a été préservée de toute tache du péché originel... dès le premier instant de sa conception."

Mais à lire et à relire le message de l'Apparition on peut se demander s'il n'y a pas autre chose à comprendre; quelque chose de plus large, de plus vaste, de plus riche encore, qui n'a été ni remarqué ni souligné par les nombreux exégètes de Lourdes.

"Ils ont des yeux pour voir et ils ne voient pas. Ils ont des oreilles et ils n'entendent pas", affirmait Jésus dans l'Evangile.

Que faut-il donc retenir du message de l'Apparition ? En réalité ce qu'il nous dit littéralement, pas ce que l'on voudrait lui faire dire... Si l'on croit à une origine divine dans la construction de la phrase, alors il faut prendre garde à l'extrême précision des mots données par le Ciel.

La Silhouette céleste n'a pas dit:
- "Je suis la Vierge Immaculée"

Ou encore:
- "Je suis Marie, l'Immaculée Conception".

Cela, c'est l'interprétation qu'en a donné le Vatican.

A la question quatre fois répétée par l'enfant ce 25 mars 1858: "Mademoiselle, voulez-vous avoir la bonté de me dire qui vous êtes, s'il vous plaît ?"

La Forme lumineuse finira par répondre, en patois: "Que soy era Immaculada Councepciou"
Littéralement en pyrénéen:
- "Je suis le Concept pur"
Ou encore:
- "Je suis l'Idée non salie"
Ou encore:
- "Je suis la Conception non tachée"
Ou encore:
- "Je suis l'Origine immaculée".

"Toutes ces traductions" - écrivait Mgr Patrick Truchemotte dans son livre "La Dorine et les Secrets de Lourdes" - "peuvent faire remonter l'esprit à un être venant de ce que la Genèse exprime dans la Bible par le mot BERESCHIT: En tête ou En premier ou au commencement... Dans le Principe."

En Parcourant la Genèse

Si nous ouvrons la Bible et posons les yeux sur le premier chapitre du premier livre, c'est à dire celui de la Genèse, nous nous apercevons que le plan initial de la Création - le projet de Dieu - est quelque chose de radicalement bon.

Sous la plume de l'écrivain sacré, avec minutie et poésie, défile le récit des "journées" de la Création. Une phrase revient souvent, comme une sorte de leitmotiv: "Et Dieu vit que cela était bon."

Pour parachever le tout, l'être humain est créé en grande gloire, "à l'image de Dieu" (Genèse 1,27), homme et femme, reflétant la beauté, la lumière, l'amour et la vie divine.

Une harmonie parfaite est également appelée à régner parmi toutes les créatures; nulle trace de férocité ni d'obligation pour le plus fort de manger le plus faible pour survivre: "A l'être humain, à toute bête sauvage, à tout oiseau du ciel et à tout ce qui rampe sur la terre et qui a une âme vivante, je donne toute herbe verte en nourriture" (Genèse 1,29-30).

Il est difficile d'imaginer un lion végétarien... Alors plus poétiquement, dans le langage de l'époque du rédacteur du récit, on peut voir en "l'herbe" un symbole choisi par l'écrivain sacré, symbole attestant que les êtres vivants auraient pu se nourrir sans détruire d'autres vies. Plus loin, en (Genèse 2,9), cette nourriture est symbolisée par "l'arbre de vie."

Pourquoi le projet initial de la Création ne correspond pas à la réalité de notre univers ? Pourquoi au final découvrons-nous le mélange du bon grain et de l'ivraie ?

Il existe plusieurs réponses données par la Bible.

La première s'appelle le "péché originel" ou "récit de la chute", elle apparaît au chapitre trois de la Genèse. Elle est précédée - il faut aussi le noter - d'un récit de la Création de l'être humain (Genèse 2,5-25) différent de celui du premier chapitre du Livre des livres.

La seconde nous est donnée par Jésus lui-même à travers la parabole du bon grain et de l'ivraie: "Le royaume des cieux est semblable à un homme qui a semé une bonne semence dans son champ. Mais, pendant que les gens dormaient, son ennemi vint, sema de l’ivraie parmi le blé, et s’en alla. Lorsque l’herbe eut poussé et donné du fruit, l’ivraie parut aussi. Les serviteurs du maître de la maison vinrent lui dire: Seigneur, n’as-tu pas semé une bonne semence dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ? Il leur répondit: c’est un ennemi qui a fait cela" (Mathieu 13,24-28). On retiendra symboliquement que "pendant le repos du maître du domaine, son ennemi vint et sema l'ivraie". Comment ne pas faire ensuite le parallèle avec le "septième jour de la Création": jour du repos de Dieu (Genèse 2,1-3) ?

La troisième réponse qui complète le triptyque vient directement de l'Apôtre Paul. Pour lui, par le péché la mort est entrée dans le monde, ainsi qu'il le développe dans le cinquième chapitre de son épître aux Romains au verset 12.

Un regard différent

Quelles réflexions peut-on tirer des paragraphes précédents ?

Essayons d'imaginer, de remonter le fil des temps. Au commencement, "dans le principe", avant que le monde et ses habitants soient, l'ingénieur divin tire des plans, développe le projet de ce qu'il va bientôt réaliser.

Ce projet, n'en doutons pas, porte le sceau de la perfection. Nous en avons le détail dans le récit de la Création en "six jours" du premier chapitre de la Genèse, ainsi que nous l'avons vu dans les paragraphes précédents. Et Dieu vit que cela était bon...

Ce projet divin, ce "concept primordial" où va d'ailleurs préexister "l'image" de ce que Dieu veut que nous soyons, nous pourrions aussi l'appeler: "origine immaculée", "idée non salie par le mal", "conception immaculée".

Précisons également que pour l'Eternel Dieu Très-Haut il n'existe jamais que "six jours" - dans le langage informatique d'aujourd'hui on parlerait de "six programmes" - qui se répercutent à l'infini de l'espace et du temps, comme le caillou jeté dans l'eau qui développe ensuite des cercles de plus en plus larges autour du point d'impact.

Néanmoins un problème apparaît lorsque le projet s'accomplit, dans l'espace et dans le temps. Le septième jour nous dit la Bible, Dieu n'intervient pas... Il est alors facile pour son ennemi d'y "développer un méchant virus", c'est à dire de semer l'ivraie qui va se mélanger au bon grain, ainsi que l'explique Jésus dans la parabole du bon grain et de l'ivraie (Mathieu 13,24-28).

La question qu'on pourrait alors se poser est celle-ci: pourquoi Dieu n'intervient-il pas pour empêcher l'ennemi de semer l'ivraie ? En vertu du libre arbitre donné à ses créatures; c'est tout le problème de la liberté. On peut en faire la meilleure ou la pire des choses. L'ange déchu dans sa lutte contre le divin exerce son libre arbitre. Adam et Eve en acceptant la proposition de l'ange déchu exercent également leur libre arbitre. Choisir, définir une priorité, c'est une démarche de liberté. Mais il faut aussi songer aux conséquences...

Il semble que dans l'épisode du péché originel rapporté par le troisième chapitre de la Genèse la responsabilité de l'être humain soit engagée, moins grande certes que celle de l'ange déchu, mais réelle.

En conséquence l'être humain est chassé du jardin d'Eden (Genèse 3,23), appelé à faire l'expérience du bonheur et du malheur, dans la santé et la maladie, les rires et les pleurs, la vie et la mort, conséquence d'avoir voulu goûter au fruit défendu de "l'arbre de la connaissance du bien et du mal".

Au fait, où pouvons-nous situer le fameux jardin d'Eden ? Certainement pas sur terre, mais sans doute dans ce que les scientifiques appelleraient aujourd'hui un autre "continuum spatio-temporel", une sorte d'univers parallèle au nôtre, un monde existant dans une "autre réalité". L'Apôtre Paul aborde le sujet dans sa deuxième épître aux Corinthiens, au chapitre douze, lorsqu'il évoque sa conversion: "J'en viendrai néanmoins à des visions et à des révélations du Seigneur. Je connais un homme en Christ, qui fut, il y a quatorze ans, ravi jusqu'au troisième ciel (si ce fut dans son corps je ne sais, si ce fut hors de son corps je ne sais, Dieu le sait). Et je sais que cet homme (si ce fut dans son corps ou sans son corps je ne sais, Dieu le sait) fut enlevé dans le paradis, et qu'il entendit des paroles ineffables qu'il n'est pas permis à un homme d'exprimer." (2 Corinthiens 12,2-4)

Donc, en résumé, le fameux jardin d'Eden se situerait plutôt dans ce "troisième ciel" que l'Apôtre appelle aussi paradis.

Là est certainement conservée la mémoire de nos fautes originelles, ce qui permet encore à l'Apôtre Paul d'écrire: "C'est pourquoi, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu'ainsi la mort s'est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché." (Romains 5,12)

Mais la venue du Christ, nouvel Adam, offre à l'Humanité de trouver le chemin de la Rédemption, du salut.

Et le dernier des livres de la Bible - celui de l'Apocalypse - nous parle de cieux nouveaux et d'une terre nouvelle où le mal et la mort auront disparu, où les animaux vivront en paix n'étant plus assujettis à la terrible loi de la jungle.

Il est difficile d'imaginer pareille réalité pour l'instant. On ne peut manquer de se poser la question d'un retour à la case départ, à l'origine immaculée ?

Comment ne pas citer le logia 19 de l'Evangile selon Saint Thomas:

- "Ses disciples l'interrogent: Dis-nous quelle sera notre fin ? Jésus leur répond: "Avez-vous déjà ôté le voile qui cache l'origine (la genèse, le commencement) pour que vous vous préoccupiez de la finalité ? Sachez que là où est le commencement, là aussi est la fin."

Il est aussi bon de méditer sur le logia 88:

- "Déjà maintenant vous vous réjouissez de contempler votre apparence. Qu'en sera-t'il alors quand vous verrez vos propres images telles qu'elles ont été projetées avant votre naissance, elles qui ne meurent pas, elles qui ne se manifestent pas; en supporterez-vous la grandeur ?"

En Conclusion

Comment pouvons-nous comprendre l'Immaculée Conception ? Comme en quelque sorte l'expression du projet divin de la Création, avant que le mal ne vienne souiller le chef d'oeuvre, "idée vivante" devenue personne et se montrant telle à Lourdes, archétype de la mère et matrice originelle et idéale pour toutes les créatures à venir.

Une nouvelle fois profitons des lumières de la Bible. Abordons cet extrait du merveilleux livre des Proverbes que la liturgie inspirée de l'Eglise nous fait réciter lors de la fête de l'Immaculée Conception, chaque 8 décembre:

- "l'Eternel m'a créée la première de ses oeuvres; avant qu'il fît aucune chose, j'étais. Dès l'éternité j'ai été établie et dès les jours antiques, avant que la terre ne fut créée." (Proverbes 8,22-27)

Continuons avec ce passage tiré du livre de la Sagesse:

- "Elle est un effluve de la puissance de Dieu, une émanation toute pure de la gloire du Tout-Puissant; aussi rien de souillé ne s'introduit en elle. Car elle est un reflet de la lumière éternelle, un miroir sans tache de l'activité de Dieu, une image de sa bonté." (Sagesse 7,25-27)

Pour l'Eglise Gallicane nous le voyons, "l'Immaculée Conception" dépasse largement le personnage humain et historique de Marie.

Nous ne pouvons adhérer au dogme défini par le Vatican en 1854 affirmant que Marie n'a pas été conçue dans le péché originel. Il s'oppose en effet à celui - plus fondamental - de la Rédemption de l'humanité par le sang du Christ. Affirmer que Marie n'en a pas eu besoin, c'est la placer hors de l'Humanité.

L'Eglise Gallicane considère que Marie appartient réellement à l'Humanité, c'est à dire qu'elle pouvait exercer son libre arbitre par l'acceptation ou le refus de la volonté de l'Eternel, lors de l'épisode de l'Annonciation.

Mais elle a dit oui...

Le destin de l'Humanité en a été à jamais changé... A travers ce même oui nous croyons - ainsi que le révèlent les Ecritures - qu'elle fut adombrée par l'Esprit-Saint, pour que se réalise en elle le Mystère de l'Incarnation du Fils unique de Dieu.

Enfin par son oui, nous pouvons croire que l'Immaculée Conception s'est pleinement reflétée en elle, pour que le Christ, nouvel Adam de l'Humanité, puisse parvenir jusqu'à nous.

Un lien spécial relie très certainement - et depuis ce temps là - le personnage humain de Marie à l'Immaculée Conception. Il nous reste à conclure en écrivant que désormais: là où est Marie, là est l'Immaculée Conception; et là où est l'Immaculée Conception, là est Marie.


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