Suite à l'article sur le personnage de Marie nous allons maintenant braquer les projecteurs de l'Histoire symbolique et mystique sur les apparitions de Fatima.

Plusieurs familles de fidèles d'origine portugaise fréquentent nos paroisses de Bordeaux et Caussade. La paroisse Saint Expédit de Caussade porte aussi le nom de N.D. de Fatima. Cet article veut dire à tous notre amitié et notre affection.

Une Histoire d'Amour et de Chevalerie

Un comte d'Ourem, bourgade située non loin du lieu des apparitions, ramena des croisades, nous dit la tradition, une jeune captive arabe qui portait le nom de la célèbre fille de Mahomet: Fatima. Jeune et, nous dit la légende dorée du Portugal, certainement très belle, assez en tout cas pour que le comte en tombe, peu à peu, fortement amoureux... D'esclave Fatima devint favorite puis épouse.

Cela ne se passa pas sans que le comte d'Ourem ne fasse part à Fatima de ses certitudes chrétiennes et que la belle captive ne se convertisse. Fatima se fit baptiser, puis confirmer, elle se mit à pratiquer les enseignements de l'Evangile avec une profonde conviction.

Est-il besoin de dire que le passage de l'état d'esclave musulmane à celui de comtesse d'Ourem ne se fit pas sans heurt avec le racisme et l'ostracisme de l'époque ? L'amour fut le plus fort et Fatima peut être considérée comme un symbole de la victoire au Portugal des principes de l'Evangile sur les tabous sociaux et les préjugés mesquins.

Quand Fatima mourut le comte en conçut un tel chagrin qu'il se réfugia dans l'ordre de Citeaux que venait de fonder Saint Bernard (le guide des chevaliers templiers) et, après un noviciat au couvent d'Alcobaca, il revint sur ses terres pour y fonder sur la montagne un prieuré rattaché à l'ordre cistercien. Mais le souvenir de la belle et douce Fatima ne le quittait pas, et il fit transporter son corps pour qu'elle ait sa tombe auprès de lui. Peu à peu il se fonda un culte pour celle que la foi populaire considérait comme une sainte et le nom de Fatima resta au lieu-dit.

La première chose que nous voulons souligner c'est que la Vierge semble affectionner d'apparaître en un lieu où la tradition garde le souvenir d'une très belle histoire d'amour et, à ce titre, il pourrait être instructif d'étudier l'histoire des lieux de ses apparitions.

Le Diocèse Interdit

En 1881, une décision arbitraire, un "caprice" disent certains du pape Léon XIII supprime d'un trait de plume l'antique petit diocèse, pourtant riche de souvenirs, de Leira, où se trouve Fatima. Cet acte injuste devait d'autant plus heurter la sensibilité des portugais que le décret pontifical éparpillait tout d'un coup les cinquante-cinq paroisses qui formaient une unité spirituelle, donnant les unes au diocèse de Lisbonne, les autres au diocèse de Coimbra.

Sans vouloir prétendre oser penser à la place de la Vierge Marie on peut très bien l'imaginer se disant:
- "Ah ! Vous ne voulez plus entendre parler de mon diocèse de Leira. Et bien c'est là que je débarque et, pour faire bon poids, à Fatima, afin de jeter une fleur au couple qui sut vaincre les pharisaïsmes de race et de religion."

La chose paraît tellement évidente qu'il ne faut pas s'étonner de voir l'Eglise de Rome recréer en hâte un diocèse de Leira quelques temps après les apparitions de Fatima. Comme si, en haut-lieu, on avait compris la leçon.

Les Deux Anges

Vers l'époque où eurent lieu les faits de Fatima les puissances du Vatican faisaient peser deux menaces sur l'Eglise Catholique.

Première menace: l'intolérance. Les papes de l'époque s'étaient mis au service d'intérêts qu'ils jugeaient à tort liés à une sorte de droit divin. Pour maintenir ce qu'ils considéraient comme la vérité absolue tous les moyens étaient permis et la notion de "guerre sainte" était enseignée dans leurs séminaires.

Tout ce qui était compromis, tolérance, oecuménisme était alors considéré comme une lâcheté. Il suffit de relire les encycliques de l'époque pour mesurer combien elles étaient en fait obsédées par de multiples condamnations contre tout ce qui n'était pas romain.

Seconde menace: le centralisme romain. Le Vatican, mal conseillé par de mauvais théologiens, avait créé une sorte de césaro-papisme bien éloigné de l'humilité des premiers évêques de Rome. Nous évoquions au début de cet article Saint Bernard, rappelons qu'il fut l'un de ceux qui eurent la notion de cette menace, lançant au pape de son époque la célèbre phrase: - "Souviens-toi que tu n'es pas le seigneur des évêques, mais l'un d'eux".

En oubliant largement cet avertissement le concile romain de Vatican 1 avait, en 1870, prétendu recentrer l'Eglise en créant une sorte de monarchie absolue gouvernée par un souverain pontife (titre donné jadis par l'Eglise au Seul Jésus-Christ).

Les prétentions romaines tendaient à nier l'existence des droits des Eglises nationales et à leur imposer une seule langue, un seul rite et un seul chef intitulé: vicaire universel et infaillible de Dieu.

La doctrine catholique selon laquelle chaque Eglise nationale a son ange propre était niée. - "Ecoute ce que l'Esprit dit aux Eglises... Va dire à l'ange de l'Eglise de Sardes, à l'ange de l'Eglise d'Ephèse, etc..." C'est ainsi que s'exprime le dernier des livres de la Bible, celui de l'Apocalypse, en ses chapitres deux et trois.

Nier l'existence de l'ange, c'est à dire l'entité individuelle et mystique de chaque Eglise nationale, son droit d'avoir ses synodes nationaux, c'est ce que l'Eglise de Rome mettait en cause.

Ce n'est certainement pas par hasard que les deux anges qui se révèlent aux enfants à Fatima avant la venue de la Vierge Marie se présentent en ces termes:
- "Je suis l'ange de la Paix".
- "Je suis l'ange du Portugal".

Les Yeux Noirs

Quand Marie apparaît à Bernadette, elle a les yeux d'un bleu très limpide et très clair. Mais quand elle se montre aux enfants de Fatima, ses yeux ont pris la couleur de l'ébène. Il y a là une merveilleuse leçon de symbolisme.

Marie regarde chaque peuple avec les yeux qui répondent aux canons de sa beauté. Elle lui parle son langage comme à Lourdes le patois des Pyrénées, elle montre qu'elle connaît les traditions de politesse et les dévotions locales et elle s'y plie.

Le fait que la Vierge change de costume, de couleur d'oeil ou de peau, de forme de visage n'a rien de surprenant pour le théologien. Il y verra d'abord comme un signe que Marie a rejoint la condition angélique. Si l'homme a une âme "formante", l'ange - pour employer le langage de Saint Thomas d'Aquin - a une âme informante, c'est à dire pouvant se couler dans n'importe quelle forme. Rien donc de surprenant de trouver dans les cultes antiques ici des Vierges blanches et là des Vierges noires.

Les Messages Angéliques

Deux choses sont frappantes dans le récit des apparitions angéliques ayant précédé la venue de Marie à Fatima. L'on sait la lutte menée par le Vatican pour faire abandonner l'usage de donner aux fidèles la communion avec le Précieux Sang.

A l'époque des apparitions de Fatima, si l'on excepte l'Eglise Gallicane qui tint bon sur ce point comme sur beaucoup d'autres, Rome a réussi à imposer aux Eglises locales son usage de ne donner la communion au peuple chrétien qu'avec les hosties, l'usage du calice étant réservé au seul clergé.

Ceci, faut-il le rappeler - contrairement au précepte énoncé par Jésus: - "Prenez et buvez en TOUS".

A Fatima, bravant le dogme de "l'infaillibilité pontificale" et les interdits du Vatican l'ange donne la communion selon le rituel gallican.

Laissons s'exprimer le chanoine Louis Barthas dans son livre "Les Apparitions de Fatima", page 24:
- "Alors ils se levèrent et aperçurent l'ange à côté d'eux. Cette fois il tenait à la main un calice au-dessus duquel ils voyaient une hostie. De la blancheur de l'hostie des gouttes de sang coulaient dans le calice. Il partagea le contenu du calice entre Jacinthe et François."

En donnant cette communion l'ange récite une prière, elle contient une formule capable de faire tressaillir tous les cardinaux du Vatican. En effet, à l'époque, Léon XIII a mis en doute la validité d'ordinations données en dehors de l'Eglise de Rome (les ordinations anglicanes par exemple), de plus en plus les théologiens intégristes travaillent dans le sens d'une restrictions des pouvoirs sacramentels de l'Eglise au seul clergé uni à Rome.

La phrase de l'ange va affirmer que la Présence Réelle n'est pas l'apanage d'une Eglise mais de toutes:
- "Très Sainte Trinité, Père, Fils et Esprit-Saint, je t'adore profondément et je t'offre les très précieux Corps, Sang, Ame et Divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ, présent dans TOUS les tabernacles du monde."

La réponse était donnée, bloquant l'école intégriste et donnant raison à ceux qui prêchaient l'oecuménisme.

Les Paraboles de la Vierge

L'on peut se poser la question suivante: pourquoi la Vierge Marie n'a-t-elle pas dit ces choses de façon claire et explicite dans un message public ?

La réponse ne semble pas comporter de grosses difficultés. Les messages de Marie peuvent être trafiqués par de puissantes coalitions d'intérêts et ils le sont souvent. Dans un but qu'ils pensent louable des conducteurs religieux arrangent tel ou tel message en se disant que les petits voyants n'ont peut-être pas très bien compris ce qui a été dit et qui contredit leur notion de la Vérité.

Mais l'image, le symbole, la parabole portent leur message indépendamment de l'esclavage des mots. Jésus, nous disent les Evangiles, parlait en paraboles et ne disait rien sans paraboles. D'où l'importance de l'ordre mineur de portier dans l'Eglise. Quand l'évêque confère à un ordinand le portiorat il lui permet de ne pas se perdre dans le dédale du symbolisme. C'est ce charisme qui permit à Joseph de décrypter les songes de pharaon.

Si Jésus parlait en parabole, quoi de plus naturel que Marie en fasse autant.


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