La préface de la messe gallicane, avec beaucoup de poésie, laisse s’envoler la prière dans le bruissement de leurs ailes. Je me souviens encore de Monseigneur Truchemotte - lors de ma formation sacerdotale - m’expliquant que tous les gestes du prêtre étaient accompagnés, guidés par l’assemblée des anges durant la célébration des Saints Mystères. Cet article part à la découverte de ceux qui ont toujours joué un rôle déterminant dans la vie des hommes : Michel, Gabriel et Raphaël. Qui sont-ils exactement ? Quelles missions la Providence leur assigne t-elle ? Ces messagers et ambassadeurs de l’Eternel Dieu Très-Haut méritent notre respect et notre attention.
L'Eglise Gallicane n'a pas suivi la réforme récente du calendrier qui associe désormais en une seule fête, le 29 septembre, la célébration de ces trois grands instruments de la Providence. Nous restons fidèles à l'antique coutume, privilégiant la célébration de Gabriel la veille de l'Annonciation, soit le 24 mars, Michel le 29 septembre et Raphaël le 24 octobre. Nous considérons cela comme une richesse. Nos communautés paroissiales se placent tour à tour, en suivant les étapes liturgiques, sous l'influx spirituel de chacune de ces présences tutélaires. Essayons de comprendre.
Le nom de l'archange Michel signifie : "qui est comme Dieu". C'est lui qui tient la première place dans les traditions juives et chrétiennes.
Saint Grégoire le Grand déclare à son sujet : "Chaque fois qu'il s'agit de choses extraordinaires, c'est Saint Michel qui est envoyé, afin de laisser comprendre par ses actions comme par son nom que nul ne saurait faire ce que Dieu se réserve d'accomplir. C'est lui qui lutte contre les mauvais anges et les chasse du ciel (Apocalypse 12,7). C'est lui qui arrache au Diable le corps de Moïse (Jude 9). C'est lui qui recueille les âmes des saints et les conduit au paradis. C'est lui qui apporte aux Egyptiens les sept plaies, qui partage les eaux de la Mer Rouge, qui conduit le peuple dans le désert jusqu'à la Terre promise, qui, dans l'armée des anges porte la bannière du Christ. C'est à son appel que les morts ressusciteront. C'est lui qui, au Jugement dernier, présentera la Croix, les clés, la lance et la couronne d'épines. "
Amis lecteurs, ne soyez pas étonnés de trouver dans les colonnes de notre revue gallicane cette référence à Grégoire, évêque de Rome et pape vers la fin du VIème siècle. On pourrait avec un brin d'exagération le qualifier de "pape gallican"… En effet, en réponse au patriarche Jean d'Alexandrie qui l'avait appelé évêque universel il déclara que ce qualificatif (et encore il ne s'agissait que d'un titre honorifique) est "extravagant, orgueilleux, impie, cause de division dans l'Eglise". Qu'eut-il dit s'il se fut trouvé au concile romain de Vatican 1 en 1870, assemblée qui forgea le double dogme de la primauté universelle de droit divin et de l'infaillibilité du pape ?
Le culte de Saint Michel a toujours été populaire en France, la tradition en fait l'ange de notre pays et donc de l'Eglise Gallicane. Ainsi il se mêle aux cortège des voix entendues par Jeanne d'Arc l'incitant à accomplir sa mission. Au VIIIème siècle il apparaît à Aubert, l'évêque d'Avranches, pour l'inviter à construire un sanctuaire : c'est l'origine du célèbre Mont Saint Michel dont l'abbaye sera édifiée à partir de 709 après Jésus-Christ.
Le livre de Daniel, dans l'Ancien Testament, lui donne le titre de "prince" (10,13-21) et (12,1). D'après Daniel toujours, l'archange Michel se lèvera lors de la fin des temps pour défendre les élus en sa qualité de protecteur et de défenseur.
L'épisode biblique le plus étonnant mettant en scène l'archange Michel est sans nul doute le chapitre douze du livre de l'Apocalypse : "Et il y eut guerre dans le ciel. Michel et ses anges combattirent contre le dragon. Et le dragon et ses anges combattirent, mais ils ne furent pas les plus forts, et leur place ne fut pas trouvée dans le ciel. Et il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, appelé le diable et Satan, celui qui séduit toute la terre, il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui." (Apocalypse 12,7-9)
Ce passage est à mettre en parallèle avec les paroles de Jésus dans l'Evangile de Jean affirmant que Satan est "le prince de ce monde" (Jean 12,31 ; 14,30 et 16,11). Chassé du ciel et précipité sur la terre par l'archange Michel le prince des ténèbres continue de semer l'ivraie dans le champ de notre Père céleste (Mathieu 13, 24-30). La crucifixion du Christ, les drames multiples de l'humanité montrent qu'il ne faut pas sous-estimer ce pouvoir de nuisance ici-bas. Jésus est certes vainqueur, les "portes de l'enfer ne peuvent prévaloir contre l'Eglise" (Mathieu 16,18), mais dans l'attente du dénouement final de l'Histoire, la bataille continue…
Son nom signifie : "Dieu s'est montré fort". C'est l'archange qui délivre les bonnes nouvelles de la part du Très-Haut, c'est par excellence le messager de l'Eternel. Il annonce les interventions du divin pour le salut de l'humanité et la venue du Messie.
Il apparaît la première fois au prophète Daniel dans l'Ancien Testament (Daniel 8,16 et 9,21) à qui il explique la vision du bélier et du bouc. Il donne ensuite le sens des "soixante-dix semaines d'années" qui séparent le prophète du "grand évènement" annonçant le triomphe du prince Messie.
L'Evangéliste Luc rapporte la seconde apparition de l'archange Gabriel au prêtre Zacharie (Luc 1,11-20) à qui il révèle qu'Elisabeth, son épouse, donnera un fils qu'il appellera Jean. Il lui annonce "qu'il sera grand aux yeux du Seigneur" et "qu'il viendra avec l'esprit et la puissance d'Elie". La mission du futur Saint Jean-Baptiste, précurseur du Christ est esquissée par Gabriel. Il ajoute encore : "Je suis Gabriel, je me tiens devant Dieu. J'ai été envoyé pour te parler et t'annoncer cette bonne nouvelle."
La troisième apparition est aussi mentionnée par Luc. Elle se déroule six mois plus tard "dans une ville de Galilée appelée Nazareth et le nom de la vierge à laquelle s'adressa Gabriel était Marie." (Luc 1,26-27)
Luc rapporte l'annonce faite à Marie dans son Evangile :
- "L'ange entra chez elle, et dit: Je te salue, comblée de grâce; le Seigneur est avec toi. Troublée par cette parole, Marie se demandait ce que pouvait signifier une telle salutation. L'ange lui dit: Ne crains point, Marie; car tu as trouvé grâce devant Dieu. Et voici, tu deviendras enceinte, et tu enfanteras un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père. Il règnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n'aura point de fin. Marie dit à l'ange: Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point d'homme ? L'ange lui répondit: L'Esprit-Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C'est pourquoi l'enfant qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu. Voici, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils en sa vieillesse, et celle qui était appelée stérile est dans son sixième mois. Car rien n'est impossible à Dieu. Marie dit: Je suis la servante du Seigneur; qu'il me soit fait selon ta parole! Et l'ange la quitta." (Luc 1,27-38)
L'archange Raphaël apparaît dans l'Ancien Testament au livre de Tobie. Sa présence est signalée dans l'Evangile de Jean (5,4). Son nom signifie "Dieu guérit", de rapha = guérison et el = Dieu (en hébreu).
Tobit, déporté à Babylone est un homme juste et bon qui, au péril de sa vie, ensevelit les morts et remonte le moral de ses frères, exilés comme lui. Malheureusement il devient aveugle et s'adresse en vain aux médecins. Sarah, jeune veuve ayant eu sept maris tous morts le soir de ses noces est la proie d'un véritable cas de possession : Asmodée, le "pire des démons" (Tobie 3,16), empêche l'acte sexuel et tue chaque fois l'époux.
Raphaël intervient en libérateur. Lorsque, du fond de leur malheur Tobit et Sarah en appellent à Dieu, c'est Raphaël qui est envoyé pour les secourir.
Tobie, fils de Tobit, part dans la vallée du Tigre à la recherche d'une somme d'argent due à son père. L'archange Raphaël prend forme humaine et, sous le nom d'Azarias, l'accompagne et le protège, mais sans révéler son identité. Il vient en initiateur en enseignant au jeune Tobie des secrets et des remèdes sacrés : le fiel, le cœur et le foie d'un poisson (symbole du Christ) vont, avec l'encens et les prières venir à bout des problèmes de son père et de Sarah. Il lui annonce également que la jeune femme deviendra son épouse.
Mais Raphaël ne serait jamais intervenu si Tobit n'avait vécu en juste et pratiqué l'aumône : "l'aumône sauve de la mort, elle purifie de tout péché" (Tobie 12,9).
Lorsque Tobie veut payer les services d'Azarias celui-ci lui révèle qu'il est l'ange Raphaël, "l'un des sept qui nous tenons en la présence du Seigneur" (Tobie 12,15). Ce passage est à rapprocher du premier chapitre du livre de l'Apocalypse avec les "sept esprits présents devant le trône de Dieu" (Apoc. 1,4).
Il faut relire l'histoire de Tobie et des siens, elle est un réconfort pour le cœur, un magnifique témoignage sur la providence divine qui n'oublie pas les enfants de Dieu :
- "En ces jours là, l'ange Raphaël dit à Tobit : "Il est bon de cacher le secret du roi, mais il est honorable de révéler et de publier les œuvres de Dieu. La prière accompagnée du jeûne est bonne et l'aumône vaut mieux que d'amasser des monceaux d'or, car l'aumône délivre de la mort, et c'est elle qui efface les péchés et qui fait trouver la miséricorde et la vie éternelle. Mais ceux qui commettent le péché et l'iniquité sont les ennemis de leur âme. Je vais donc te découvrir la vérité et je ne te cacherai pas une parole restée secrète. Lorsque tu priais avec larmes et que tu donnais la sépulture aux morts, que tu quittais ton repas et cachais les morts dans ta maison pour les enterrer pendant la nuit, je présentais ta prière au Seigneur. Et parce que tu étais agréable à Dieu, il était nécessaire que la tentation t'éprouvât. Mais maintenant le Seigneur m'a envoyé te guérir et pour délivrer du démon Sarah, la femme de ton fils. Car je suis l'ange Raphaël, l'un des sept qui nous tenons en la présence du Seigneur" (Tobie 12,7-15).
Selon la Bible, il existe donc sept "anges extraordinaires" (ou archanges). Les noms de trois d'entre eux sont mentionnés par les Saintes Ecritures : Michel, Gabriel et Raphaël.
Le nom de l'archange Ouriel (ou Uriel) cité dans la liturgie gallicane de Saint André désigne, selon certaines traditions, l'ange au glaive flamboyant qui garde le chemin de "l'arbre de vie" au paradis (Genèse 3,24).