Pour ceux qui ne nous connaissent pas bien, pour notre jeune clergé, pour ceux qui viennent d'entrer dans notre Eglise, nous avons décidé de publier quelques extraits d'une belle lettre pastorale écrite le 16 septembre 1984 par notre regretté Patriarche Monseigneur Patrick Truchemotte, de bienheureuse mémoire.

Cette lettre est un vibrant plaidoyer en faveur de l'Eglise Gallicane, elle témoigne également de la Foi profonde d'un évêque et homme de Dieu au service d'un idéal et d'une Eglise qu'il a servie dès sa jeunesse, et jusque dans la plénitude de l'âge d'homme.

Nous sommes l'Eglise Gallicane

Si nous n'étions pas elle, où serait-elle? Qui, à part nous, se mobilise encore autour de la Pragmatique Sanction de Bourges, des Quatre Articles de 1682, pour que soit maintenue cette liturgie typique, ces coutumes antiques, ces dévotions très particulières; tout ce qui fit l'identité d'une Eglise fondée aux temps où se répercutait encore le vibrant écho de la Voix du Christ commandant de "baptiser les nations en son nom".

Notre nation ecclésiale fut baptisée du nom de Gallicane dans le vrai courant apostolique qui va de Saint Jean à Saint Irénée, de Saint André à Saint Fort, et ce nom là, elle ne peut l'abandonner sans se renier elle-même.

Ouvrons la préface de la réédition de 1845 du livre de Bossuet: "la Défense de l'Eglise Gallicane", nous y lisons ces lignes de Monsieur de Genoude:
"Commençons par établir que nous ne disons pas l'Eglise Française, mais l'Eglise Gallicane, pour indiquer que cette Eglise, née dans les Gaules, existait avant les Francs, et que par conséquent elle est indépendante des pouvoirs politiques qui se sont établis après elle dans ce pays. Elle a conquis sa puissance spirituelle sur les Romains, comme les Francs ont conquis leur présence temporelle. La religion catholique n'était pas religion d'Etat avant Constantin et l'Eglise était déjà fondée dans les Gaules."

Ainsi se trouve bien établi le principe de notre identité.

Nous sommes indestructibles

Un parti politique, une association humaine peut se dissoudre, être victime d'un anéantissement total. Ce ne peut être le cas d'une Eglise dont le gros des effectifs est déjà dans l'assemblée triomphante des Saints du Paradis.

L'Eglise Gallicane, c'est l'une des expressions terrestres de la grande Fondation Christique dont il a été dit dans l'Evangile: "Les portes de l'Enfer ne prévaudront point contre Elle"... A chacun de ses synodes, elle a affirmé n'être que cela et être tout cela. A chacun de ses synodes l'Esprit-Saint l'a couvert de Son Ombre, visitée de Son Conseil.

L'Histoire nous rapporte des instants où cette Eglise fut anéantie aux yeux du monde. Quand l'Eglise Romaine bascula dans l'arianisme presque tous les diocèses gallicans suivirent un temps. mais il y eut des Hilaire et aussi des Clovis pour que le Credo soit défendu et l'Unité Gallicane rétablie dans la Vérité.

Quand fut sous Charles VII nié le principe même de notre identité, c'est à dire quand le Pape de Rome s'allia au Roi d'Angleterre pour lui donner - contre la loi salique - la couronne de France, il y eut schisme; et nous lisons qu'à Bordeaux même il y avait deux évêques: l'un gallican se cachant près de Cestas-Gazinet, l'autre anglo-romain trônant en la cathédrale Saint André.

Faut-il vous conter comment le Ciel intervint et envoya Jeanne d'Arc pour que l'Eglise Gallicane ne devienne pas une colonie anglaise. L'Evêque légitime fut restauré et la Pragmatique Sanction de Bourges réaffirma les droits de notre Eglise Gallicane.

Bien plus près de nous l'interdit provoqué par l'occupation nazie fit inscrire au Journal Officiel notre arrêt de mort: l'Eglise Gallicane est dissoute et ses biens et lieux de culte confisqués. Décret qui devait, lui aussi, se heurter à la phrase du Christ: "Les portes de l'Enfer ne prévaudront point contre Elle" ...

Mille ans et plus ! C'est la durée qu'en 1429 Jeanne d'Arc prophétisait à ce Royaume Spirituel, ce bail de l'onction Gallicane n'est pas épuisé, nous en reparlerons en 2429 et plus... Ou bien les Voix de Jeanne auraient menti. Mais nous savons bien qu'elles étaient Vérité.

Nous sommes guidés

La Sainte Liberté des Enfants de Dieu que nous ne cessons de revendiquer sous l'aspect qui nous est propre des Libertés Gallicanes n'est faite que de fidélité à la Vox Dei dans nos consciences, elle est canalisée par la lecture de la Bible et des Pères, par l'observance de la Tradition la plus pure et par l'appel permanent au Conseiller Suprême: l'Esprit-Saint.

Après la guerre de 1914-1918, ceux qui tentaient depuis Gazinet de mieux structurer l'Eglise eurent le bon sens de faire appel aux bienveillants conseils d'Eglises Soeurs orientales: Jacobites, Arméniennes, Chaldéennes; qui l'aidèrent à maintenir ses rites, sa validité, sa doctrine, sa liturgie. Ce ne fut pas toujours sans arrière pensée et plusieurs Patriarcats pensèrent avoir inféodé notre mouvement. En fait, nous n'avions pas affirmé notre identité face à Rome pour devenir le satellite d'une autre Eglise, aussi respectable soit-elle.

Mais pour autant, ce n'est jamais nous qui rompons le dialogue et nous acceptons avec une joie profonde les admonestations fraternelles des Patriarcats cousins, par eux aussi nous sommes guidés et nous le sommes aussi par une très large écoute de toutes les Eglises Apostoliques d'Orient et d'Occident.

Il n'en reste pas moins que nous aurions le sentiment de pécher gravement si nous ne comptions pas d'abord sur nous même pour nous auto-déterminer au sein de nos propres organismes. Celui "dont le visage est comme le soleil" (Apoc. 1,16), "comme le soleil quand il luit au plus fort" (Apoc. 1,16) parle - nous dit le Livre du Voyant de Pathmos - "... Aux anges des Eglises" (Apoc. 1,20). Il ne reste pas longtemps muet envers l'Ange de celle des Eglises à laquelle la Tradition Catholique donnait jadis le nom de Fille Aînée.

Nous sommes combattus

Un étrange acharnement contre notre Eglise se fait parfois remarquer par des méthodes dont le grand Pascal écrivait déjà: "Il faut être de l'Eglise qu'ils méprisent pour ne pas les mépriser"... Articles déformant la vérité, ragots de toutes sortes, arguments cent fois réfutés: telle est la sempiternelle lapidation de l'ostracisme anti-gallican.

Cet acharnement est la preuve même de ce que nous restons dans la ligne de la Mission donnée par Jésus aux Douze... Pourquoi l'Eglise Gallicane serait-elle dispensée de boire jusqu'à la lie la coupe des Eglises fidèles ? La lecture de l'Evangile selon Saint Mathieu (10,17 et suivants) nous conforte: - "Du moment qu'ils ont traité de Belzébuth le Maître de maison, à combien plus forte raison appelleront-ils ainsi les gens de sa maison !" (Mathieu 10,25).

Nous ne sommes pas infaillibles

L'Eglise Gallicane n'est certaine de ne pas se tromper que quand elle répète ce qu'ont dit les sept premiers Conciles Oecuméniques et surtout, quand elle récite l'un des trois Credo de la Catholicité.

Pour le reste, elle ne peut qu'envelopper dans le voile de la Tolérance ce qui n'a pas été défini par l'Eglise tout entière.

Il est donc un domaine où nous sommes intégraux, un domaine où nous nous voulons de plus en plus libéraux. C'est ainsi que le Docteur de la grâce voyait l'Eglise: "Dans les choses certaines la vérité, dans les choses douteuses la liberté, en tout la charité."

Que l'on ne vienne pas nous dire: "tel de vos prêtres ou telle de vos communautés agit de telle ou telle façon"; c'est à la conscience de ce prêtre ou de cette communauté d'examiner s'il n'y a pas contravention par rapport à la doctrine des Evangiles.

Arbitre, mais non juge entre vous: telle est la façon dont le Patriarcat doit se présenter aux Eglises fédérées autour de lui. Père de famille d'enfants majeurs que l'on écoute avec respect, mais qui se garde d'imposer.

Si nous lisons l'Histoire, nous ne trouvons pas l'Eglise Gallicane tel l'agneau blanc au milieu des agneaux tachés. Plus modérée que l'Eglise Romaine quant à l'inquisition, elle cessa de l'être pour la Saint Barthélemy. Ce serait donc grande utopie si nous nous présentions comme une super-Eglise.

Nous l'avons déjà dit dans une précédente lettre pastorale; nous sommes l'Eglise en marche, nous sommes l'Eglise militante capable de faillir et d'errer... Nous sommes sauvés non par nos mérites, mais par le sang de Jésus-Christ.

Nous avons un message

Le vrai problème qui rend autour de nous les hommes et les femmes tristes et les fait vivre dans un contexte de grisaille et d'angoisse n'est ni d'ordre politique, ni d'ordre économique, ni d'ordre philosophique ou éthique.

Avec beaucoup moins de réponse en tous ces domaines d'autres êtres humains ont, tout au cours de l'Histoire, trouvé le Bonheur.

Le problème clé, celui que personne n'ose poser clairement, c'est celui qui se situe au centre même de notre raison d'être et de notre destin, problème de la Vie Spirituelle.

Nos contemporains cherchent, dans la pesanteur de l'anxiété ontologique, qui un parti, qui une école, qui une méthode de pensée... Aveugles conduits par d'autres aveugles ! Ils ne voient pas que ce qu'il faut chercher d'abord et - à tout prix trouver - c'est leur Eglise.

Chercher d'abord le Royaume de Dieu pour que tout le surplus en déferle: c'est bien ce qu'enseignait Jésus ? Le Royaume passe par l'Eglise qu'il fonda et se retrouve en notre fin de XXème siècle dans l'immense édifice construit par les maîtres en théologie et les mystiques, les gardiens de la Tradition et les mainteneurs de la liturgie de l'Eglise des Gaules.

"A l'ange de l'Eglise de Smyrne écris; à l'ange de l'Eglise de Pergame écris. Ecris à l'ange de l'Eglise éphésienne, sardésiane, laodicienne... Ecris: "Celui qui a des oreilles qu'il entende ce que l'esprit dit aux Eglises" (Apocalypse 7,22).

Ecris à l'ange de l'Eglise Romaine, écris à l'ange de l'Eglise Copte, écris à l'ange de l'Eglise Anglicane, écris à l'ange de l'Eglise Gallicane.

A l'ange de l'Eglise Gallicane écris: Ainsi parle Celui qui t'a jadis plongée dans le baptistère de Reims, qui t'a envoyé Louis le Saint et Jeanne d'Arc la prophétesse, et la voix de Saint Bernard, et la voix de Bossuet. Je sais qui Tu es et Tu ne le sais plus: retrouve-toi, retrouve ton identité, retrouve ta mission divine. Thalita Koum ! Lève-Toi Eglise toujours Jeune. Je Le Veux... Lève-Toi et prophétise !

Voila notre message. Il va à l'essentiel, il n'est pas de nous, mais de Celui qui a voulu que son Eglise soit Une dans l'Amour et - par Amour - multiple dans le respect des identités, de Celui qui nous a établi pour - avec tous nos frères dans l'épiscopat gallican - coiffer la mitre et tenir ferme le bâton pastoral de l'Eglise de Dieu établie dans les Gaules.


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