L'Evangile, un mot qui signifie "Bonne Nouvelle", porteur de la Parole de Jésus-Christ, Verbe de Dieu "qui s'est fait chair" (Jean 1,14). La lecture de l'Evangile et son commentaire font partie intégrante des offices religieux dans la liturgie gallicane. La Parole de Dieu mérite notre attention, elle appelle ensuite nos réflexions, car elle porte la vie, telle une source…

Pour le croyant qui médite l'Evangile, il ne fait aucun doute que la Parole du Christ éclaire nos vies d'une lumière à nulle autre pareille. Participer à la vie de l'Eglise, dans la prière ou dans l'action, c'est en faire l'expérience.

D’où viennent les Evangiles ? Quand ont-ils été écrits ? Comment sont-ils arrivés jusqu’à nous aujourd’hui ? Autant de questions qui sont d’actualité à notre époque. De nombreux livres et films tentent de jeter le discrédit sur ces textes. Nous nous proposons à travers cette étude d’aider le lecteur à en savoir plus. Ce sont des enjeux fondamentaux pour la Foi chrétienne.

Le Commencement

Au départ qu'est-ce que l'Eglise ? Un petit groupe d'hommes et de femmes convaincus qu'un certain Jésus de Nazareth, crucifié à Jérusalem par les Romains à la demande des grands prêtres de la Synagogue était ressuscité. Le mot est lâché : ressuscité ! Ces hommes et ces femmes délivraient un témoignage extraordinaire. La mort avait été vaincue. Ce Jésus de Nazareth, exécuté vers l'an 33 de notre ère était ressuscité d'entre les morts. Ils en avaient été témoins. A les entendre, ils l'avaient touché et même mangé et bu avec lui après sa résurrection.

Le point central de la Foi chrétienne repose sur ce mystère de la résurrection. Paul, l'un des Apôtres de Jésus, écrira dans une de ses lettres : "Si le Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vaine, et votre foi aussi est vaine" (1 Corinthiens 15,14). La résurrection est LE Signe essentiel de la divinité du Christ, Source de Vie, Dieu fait homme. Si l'on enlève le Mystère de Pâques, Jésus redevient un homme comme les autres, génial prophète certes par son message de paix et d'amour, mais homme seulement. Par sa résurrection, Jésus témoigne qu'il est Dieu fait homme.

Les premiers groupes de disciples vivaient de cette certitude. Grâce à elle, ils n'avaient plus peur de la mort. Mieux encore, ils étaient persuadés que le Ressuscité était présent parmi eux, vivait parmi eux.

Et puis il y avait son message, une parole remplie d'amour et de paix, source de réconfort et d'espoir. Elle appelait au pardon, à la vie fraternelle, à ne pas juger, ne pas condamner. Pour de nombreuses personnes, elle représentait quelque chose d'extraordinairement nouveau dans l'univers religieux de l'époque.

Un livre écrit une cinquantaine d'années après ces évènements, le livre des Actes des Apôtres, aujourd'hui partie intégrante de la Bible, décrit la genèse des premiers groupes de disciples, quelques temps seulement après l'Ascension de Jésus :

- "Ils persévéraient dans l'enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain, et dans la prière. La crainte s'emparait de chacun, et il se faisait beaucoup de prodiges et de miracles par les apôtres. Tous ceux qui croyaient étaient dans le même lieu, et ils avaient tout en commun. Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, et ils en partageaient le produit entre tous, selon les besoins de chacun. Ils étaient chaque jour tous ensemble assidus au temple, ils rompaient le pain dans les maisons, et prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de coeur, louant Dieu, et trouvant grâce auprès de tout le peuple. Et le Seigneur ajoutait chaque jour à l'Eglise ceux qui étaient sauvés." (Actes des Apôtres 2,42-47)

Ce tableau offre une vision idyllique des premières communautés chrétienne. L'Eglise primitive témoigne d'un idéal de vie communautaire. Pour le comprendre il faut se rappeler que les premiers groupes de disciples cultivaient un immense respect pour la personne du Ressuscité, vénéré comme présent à travers le groupe, bien que non visible. L'attachement aux principes de générosité, de partage et de vie fraternelle proclamés par Jésus y était aussi palpable.

Comme la plupart des membres de ces communautés avaient connu le Ressuscité, entendu son enseignement, vu ses miracles, l'idée d'écrire un Evangile ne venait à l'esprit de personne. Pourquoi faire, puisque tout le monde l'avait connu, ou presque… Les premiers chrétiens étaient également persuadés de l'imminence de la "fin des temps". Le jugement final de l'Humanité devait intervenir bientôt, ils en étaient persuadés. Donc là aussi, pourquoi écrire un Evangile ? Les temps n'étaient-ils pas comptés ?

Même vingt ans après la mort et la résurrection de Jésus, les frontières de l'Eglise s'étendant bien au delà des mers (et alors qu'aucun Evangile n'avait encore été rédigé) l'Apôtre Paul affirmait à la communauté chrétienne grecque de Thessalonique que ses membres ne connaîtraient pas la mort, qu'ils assisteraient au retour du Christ et seraient "emportés sur des nuées pour rencontrer le Seigneur dans les airs." (1 Thessaloniciens 4,15-18).

Les deux épîtres de Paul aux grecs de Thessalonique sont les textes chrétiens les plus anciens. Les dates probables de rédaction en l'état de la recherche scientifique actuelle les font remonter aux années 50-51 (première lettre), 52 (deuxième lettre).

Ecriture des Evangiles

Les Evangiles traditionnels contenus par la Bible (Marc, Mathieu, Luc et Jean), apparaîtront longtemps après les débuts de la primitive Eglise. Les spécialistes s'accordent à dater celui de Marc aux environs de 70, ceux de Mathieu et Luc vers 80 et celui de Jean vers 90 !!!

Bien des années s'étaient écoulées depuis la venue de Jésus...

Pourquoi une attente si longue avant l'écriture de ces textes fondamentaux ?

Il existe plusieurs réponses.

D'abord, nous l'avons vu, la croyance à l'imminence du retour du Christ et la présence de nombreux témoins du Ressuscité renvoyaient à plus tard la création de recueils des paroles et actes de Jésus.

Et puis, vers ces époques, écrire n'était pas à la portée du premier venu. Il fallait un professionnel, quelqu'un dont c'était le métier, ayant reçu une formation spéciale : un scribe. Aujourd'hui il est facile de prendre des notes, avec un papier et un stylo, et presque tout le monde sait lire et écrire. On manie l'imprimante, le fax et internet. Dans l'antiquité c'est différent... Cela demande un tout autre matériel et beaucoup de patience : fabriquer ses encres à partir de noir de fumée ou de terre ocre soigneusement broyée, confectionner des feuilles de papyrus avec la plante du même nom, obtenir des parchemins avec une peau de jeune animal (mouton, chèvre ou antilope).

Le support est fragile, rare, encombrant et cher, ce n'est pas simple.

Pourtant, la génération des premiers témoins du Christ commençant à disparaître, les communautés chrétiennes furent confrontées à un besoin essentiel : celui de transmettre ce qu'elles avaient elles-mêmes reçu : le dépôt de la Foi !

Comment s'élaborèrent ces récits, sur quels critères ?

Certainement en fonction du besoin de savoir des communautés et de la nécessité de mettre en relief l'essentiel. Il est évident que tout n'a pas pu être écrit sur ce que Jésus a dit et fait, mais les Evangiles révèlent ce qui est suffisant pour connaître le message et les actes du Christ. L'auteur du quatrième Evangile, l'apôtre Jean selon la tradition, conclut son recueil avec cette phrase inspirée : "Jésus a accompli encore bien d'autres actions. Si on les relatait en détail, le monde même ne suffirait pas, je pense, à contenir les livres qu'on en écrirait." (Jean 21,25)

Que révèlent principalement les Evangiles ? La filiation divine de Jésus, sa naissance miraculeuse, mais aussi ses discours en paraboles, ses prodiges, son ouverture d'esprit (inouïe pour l'époque), tous ceux qui viennent à lui sont accueillis : les publicains, les pécheurs publics, les étrangers, le centurion romain, les humbles et les personnes de la haute société. Voilà quelqu'un qui ne juge pas sur les apparences ou en fonction de préjugés mais agit avec une liberté incroyable. Surtout, il y a le rayonnement d'une compassion sans limite, ne condamnant pas, ne culpabilisant pas ; une générosité source d'espoir et de vie, se manifestant encore par la guérison des malades. Souvent, elle est traduite par cette expression : "Le royaume de Dieu s'est approché." (Marc 1,15)

Les miracles sont un signe de cette ineffable présence que Jésus manifeste par ce qu'il nomme : le Royaume. Elle se traduit encore par l'élan à pardonner, l'amour fraternel, la confiance en Dieu, l'esprit de courage et de sacrifice. Il résume son enseignement à travers deux grands commandements : l'amour de Dieu et celui du prochain. Dans son esprit il ne peut y avoir l'un sans l'autre, ils sont le reflet du "Royaume".

Une partie importante des Evangiles est consacrée aux derniers jours du Christ, du dimanche des Rameaux à celui de la Résurrection. Par sa mort il accompagne la condition humaine jusqu'au bout ; et par sa résurrection il nous ouvre des horizons nouveaux !

Les Evangiles livrent cet essentiel.

Les Epîtres

Aujourd'hui, en ouvrant une Bible, après les Quatre Evangiles et le livre des Actes des Apôtres on découvre les Epîtres. La plupart sont des lettres pastorales rédigées par l'Apôtre Paul à l'adresse de jeunes communautés chrétiennes. On pourrait croire que leur rédaction est postérieure au récit des Evangiles, au contraire…

Les plus anciennes, les deux lettres aux Thessaloniciens (déjà citées en amont de cette étude) sont antérieures de vingt ans à la rédaction du premier Evangile de Marc ! Les deux épîtres aux Corinthiens, l'épître aux Galates et celle au Romains ont été composées entre 55 et 58… Celles aux Philipiens, aux Colossiens, aux Ephésiens, à Tite, Timothée et Philémon sont datées par les spécialistes entre 60 et 63 !

En ce temps là, ces communautés connaissaient la "Bonne Nouvelle" de l'Evangile, mais pas nos Quatre Evangiles…

Posons-nous la question de savoir comment vivaient-elles leur Foi ? Comme nous sans doute, dans la prière et l'amour fraternel, en célébrant chaque semaine le mémorial du dernier repas du Seigneur (la Cène), en recevant le message du Christ de la bouche même de l'Apôtre Paul (fondateur de ces communautés) ou de ses collaborateurs immédiats.

- "Car j'ai reçu du Seigneur ce que je vous ai enseigné; c'est que le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et, après avoir rendu grâces, le rompit, et dit: Ceci est mon corps, livré pour vous; faites ceci en mémoire de moi. De même, après le repas, il prit la coupe, en disant: Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang; faites ceci en mémoire de moi." (1 Corinthiens 11, 23-25)

La vie de Saint Paul est détaillée dans le livre des Actes des Apôtres.

Ecrit par Luc entre 65 et 80 (selon les spécialistes), ce recueil nous renseigne sur les voyages et missions d'évangélisation de l'Apôtre Paul. Il expose également de manière vivante et détaillée les débuts de l'Eglise, depuis l'Ascension et la Pentecôte jusqu'à l'arrivée de Paul à Rome vers 61. Luc, compagnon et collaborateur de Paul était médecin (Colossiens 4,14). Artiste, il aurait peint selon la tradition le visage de la Vierge Marie. Il aurait également fait partie des soixante-dix autres disciples de Jésus mentionnés dans son Evangile au chapitre dix. En parcourant son texte, la sensibilité de l'artiste et du médecin apparaissent. Plus que d'autres, il est touché par la miséricorde du Christ. C'est grâce à lui que nous sont parvenues les paraboles sur l'enfant prodigue ou la brebis perdue, l'histoire du bon larron, le pardon accordé à Zachée, aux bourreaux sur le calvaire ou encore à la pécheresse aimante chez le pharisien.

Il existe d'autres épîtres dans la Bible qui n'ont pas été écrites par Paul. L'épître aux Hébreux, celle de Jacques, les deux épîtres de Pierre, les trois épîtres de Jean et celle de Jude. Leur rédaction serait postérieure au "corpus paulinien". Enfin, avec les Quatre Evangiles, le livre des Actes des Apôtres et les épîtres, la partie de la Bible appelée "Nouveau Testament" se termine sur le livre de la "Révélation", c'est à dire l'Apocalypse selon Saint Jean : vision prophétique reçue selon la tradition par "le disciple que Jésus aimait", sur l'île de Patmos.

Les Témoignages

On ne dira jamais assez que les Evangiles ne racontent pas tous, de la même façon, la vie de Jésus. Chaque auteur y a mis son témoignage personnel, sans doute aussi un peu de sa personnalité, en relevant ce qui paraissait important à ses yeux.

Dans des groupes différents, pas tout à fait à la même époque, quatre œuvres sont nées. Mathieu écrivait pour une communauté juive, en terre d'Israël. Il cite souvent l'Ancien Testament, argumente, rapporte le sermon sur la montagne, voit en Jésus l'accomplissement de ce qui a été écrit par les prophètes du passé glorieux d'Israël. Marc est plus rude dans son texte, son récit est court, dense, vif et percutant. Jeune chrétien de Jérusalem, cousin de Barnabé, compagnon des premières heures de Barnabé et Paul, il serait ensuite devenu collaborateur et secrétaire de Pierre. Nous ne reviendrons pas en détail sur ce que nous avons déjà écrit sur Luc, l'artiste et médecin, sinon pour exprimer qu'il était normal, compte-tenu de son métier et de sa personnalité, qu'il soit le grand témoin de la miséricorde et de la compassion du Christ. Enfin l'atmosphère du quatrième récit, rédigé à Ephèse par l'Apôtre Jean est différente des trois autres. Jean est un mystique, affirmant dès le début de son Evangile la divinité du Christ, exposant avec son style très particulier une méditation du "mystère Jésus", mystère du Salut… L'orient chrétien le surnomme d'ailleurs : Jean le théologien.

Un Père de l'Eglise du IIème siècle, Saint Irénée de Lyon, évêque et écrivain célèbre, livre un témoignage précieux sur les circonstances qui ont accompagné la rédaction des Quatre Evangiles :

- "Ainsi Mathieu publia-t-il chez les Hébreux, dans leur propre langue, une forme écrite d'Evangile, à l'époque où Pierre et Paul évangélisaient Rome et y fondaient l'Eglise. Après la mort de ces derniers, Marc, le disciple et l'interprète de Pierre, nous transmit, lui aussi par écrit, ce que prêchait Pierre. De son côté, Luc, le compagnon de Paul, consigna en un livre l'Evangile que prêchait celui-ci. Puis Jean, le disciple du Seigneur, celui-là même qui avait reposé sur sa poitrine, publia lui aussi l'Evangile, tandis qu'il séjournait à Ephèse en Asie." (Irénée de Lyon, dans Contre les Hérésies, III, 1,1)

Avec Irénée, né à Smyrne vers 130, disciple de l'évêque Polycarpe, lui-même né à Smyrne vers 70 et consacré évêque selon la tradition par l'Apôtre Jean, trois générations nous séparent du Christ. Avant Irénée et vers 120, Papias, évêque d'Hiérapolis, livre un témoignage sur Marc et Mathieu. Il a été conservé par Eusèbe de Césarée :

- "Marc, qui avait été interprète de Pierre, écrivit exactement tout ce dont il se souvint, mais non dans l'ordre, de ce que le Seigneur avait dit et fait. Car il n'avait pas entendu le Seigneur et n'avait pas été son disciple, mais, bien plus tard, celui de Pierre. Celui-ci donnait son enseignement selon les besoins, sans se proposer de mettre en ordre les paroles du Seigneur, de sorte que Marc ne fut pas en faute, ayant écrit certaines choses selon qu'il se les rappelait. Il ne souciait que d'une chose : ne rien omettre de ce qu'il avait entendu et ne rien rapporter que de véritable.
Mathieu réunit en langue hébraïque les logias (paroles de Jésus) et chacun les interpréta comme il en était capable."
(Histoire Ecclésiastique III, 39, 15-16)

Les Ecrits Apocryphes

Les textes apocryphes (du grec apocruphos, secret, caché) sont nombreux : Evangile de Vérité, de Philippe, de Thomas, de Nicodème, de Pierre, des Hébreux, des Egyptiens, de Mathias, des douze Apôtres, des Ebionites, de Joseph, Protévangile de Jacques, etc, la liste n'est pas exhaustive…

Rédigés selon les spécialistes dans le courant du IIème siècle et souvent au-delà, avec un nom glorieux d'Apôtre pour leur donner plus d'autorité, ils mélangent de véritables paroles de Jésus avec des spéculations nées des théories dites "gnostiques" du IIème siècle, raison pour laquelle ils n'ont pas été ajoutés aux textes officiels de la Bible.

Faut-il les rejeter en bloc ? Non, mais leur étude demande une solide connaissance des textes bibliques pour trier le bon grain de l'ivraie, séparer ce qui a pu être dit par Jésus ou rajouté par des communautés, des courants de pensée affichant des croyances absentes de la primitive Eglise. Les gnostiques faisaient résider le salut dans la connaissance, la croyance traditionnelle s'appuie sur la Foi. Ce n'est pas la même chose. Irénée de Lyon a beaucoup lutté contre ces courants dans ses écrits.

Le plus célèbre des textes apocryphes est certainement l'Evangile attribué à l'Apôtre Thomas, dont nous avons déjà parlé dans de précédents numéros du Gallican. A côté de paroles certainement authentiques du Christ et qui n'ont pas été rapportées par Mathieu, Marc, Luc ou Jean d'autres affirmations peuvent étonner. L'Evangile de Thomas ne fut retrouvé dans son intégralité qu'en 1945, en Haute Egypte, dans la jarre où il était enfoui depuis le IVème siècle. Il comprend 118 logias, paroles de Jésus appelé : le Vivant.

Une partie de l'Evangile de Thomas suit fidèlement le texte des Evangiles canoniques, elle n'appelle pas de commentaire; l'autre peut parfois nous surprendre.

Des Pères de l'Eglise ont cité cet Evangile; le premier logia de Thomas est cité par Saint Clément d'Alexandrie (Stromates II et Stromates V, comme venant de l'Evangile selon les Hébreux); le logia 57 est cité par Saint Augustin dans "Contra adversarium legis et prophetarum". Il est donc intéressant de l'étudier.

L'Eglise Gallicane de Gazinet a consacré une traduction à l'Evangile de Saint Thomas avec un commentaire approfondi des 118 logias. Ce travail fut réalisé par Mgr Patrick Truchemotte. Il est aujourd'hui disponible en cours audio au format mp3.

Existe-t-il encore des paroles de Jésus non écrites dans les Evangiles, qu'ils soient apocryphes ou traditionnels ? Oui ! On les appelle "logia agrapha", c'est à dire paroles non écrites. En consultant les textes anciens de l'antiquité les historiens en ont inventorié une vingtaine environ. La plus connue est inscrite dans le livre des "Actes de Apôtres" : - "Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir" (Actes 20,35).

Des Manuscrits Originaux jusqu'à Aujourd'hui

Précisons tout de suite qu'il n'existe actuellement aucun manuscrit de Mathieu, Marc, Luc ou Jean signé directement par l'auteur… Il est même possible que ces hommes n'aient pas rédigé eux-mêmes leurs évangiles, un scribe a pu s'en charger, sous la dictée des auteurs. Les textes parvenus jusqu'à nous étaient en grec. S'agissait-il déjà de traductions ? Irénée de Lyon, nous l'avons vu, affirme que l'Evangile de Mathieu fut écrit dans sa langue maternelle, l'araméen, qui était aussi le verbe de Jésus.

Les originaux sont perdus. Les plus anciens manuscrits complets conservés jusqu'à maintenant remontent au IVème siècle seulement. Le plus ancien fragment est un papyrus conservé à Manchester en Angleterre. C'est un extrait de l'Evangile de Jean découvert en 1920 et daté de la première moitié du IIème siècle. Il ne serait donc séparé de l'original que par cinquante années environ. Ensuite on trouve quelques papyrus datés de l'an 200 et conservés à Oxford, Genève et Barcelone. Ils comportent quelques versets des Evangiles de Mathieu et Jean.

Les manuscrits complets du IVème siècle sont des copies de copies, ils sont écrits sur parchemin. Les fragments datés du IIème siècle viennent de papyrus, moins cher que le parchemin (dans l'Antiquité) mais beaucoup moins solide…

Au IIème siècle, les communautés chrétiennes souvent persécutées n'avaient pas pignon sur rue. Leurs moyens financiers étaient limités. A partir du IVème siècle, avec l'édit de Constantin qui signe la fin des persécutions, les communautés plus à l'aise financièrement s'offrent des livres en parchemin. Ces manuscrits complets sont arrivés jusqu'à nous. Les textes du IVème siècle sont-ils la reproduction fidèle de ceux du Ier siècle en usage dans la primitive Eglise ? Des erreurs pouvaient-elles être possible, volontairement ou involontairement ?

On recense environ cinq mille manuscrits grecs des textes du Nouveau Testament, une centaine sur papyrus, le reste sur parchemins. Il existe seulement des variantes mineures selon les écrits. L'essentiel demeure, cela est important.

La traduction en latin de toute la Bible, Ancien et Nouveau Testament est l'œuvre de Saint Jérôme (347-420). Traduite à partir de l'hébreu pour l'Ancien Testament et du grec pour le Nouveau elle porte le nom de Vulgate : la populaire.

Au Moyen-âge, la Vulgate est devenue le texte officiel de l'Eglise latine, occidentale. Elle fut à la base des premières traduction des Evangiles en français. Lors de la Renaissance, avec l'apparition de l'imprimerie, elle fut le premier livre sorti des presses de Gutenberg.

En 1523 le prêtre français Jacques Lefèvre inventa le système des chapitres et versets. Ce principe est encore utilisé de nos jours pour aider le lecteur à se repérer dans le dédale des textes bibliques.

Vers la fin du XIXème siècle l'abbé Auguste Crampon a réalisé une première traduction française catholique de la Bible à partir de l'hébreu et du grec, et non plus seulement du latin de la Vulgate. Ce principe est aujourd'hui admis par les différentes écoles bibliques. Les traductions modernes de la Bible sont effectuées à partir des textes originaux antérieurs à la Vulgate.

La Bible est, toutes confessions et traductions confondues, l'ouvrage le plus diffusé au monde, avec une production de deux millions d'unités vendues chaque année et traduites en 400 langues. Avec l'arrivée d'Internet il est maintenant possible de la lire et de l'interroger directement à partir de l'ordinateur, ce qui est utile pour les recherches.

Terminons cette étude par une remarque. Le poète dit : "On ne voit bien qu'avec le cœur, l'essentiel est invisible aux yeux". La lecture des Evangiles devrait toujours être une lecture inspirée... C'est ce manque d'inspiration qui a conduit dans l'histoire de la chrétienté aux inquisitions et aux excommunications de toutes sortes. Lire l'Evangile, c'est aussi accepter de se laisser guider par l'Esprit du Ressuscité. "La lettre tue, mais l'esprit vivifie" écrivait déjà vingt ans après la résurrection l'Apôtre Paul à sa communauté des Corinthiens (2 Cor. 3,6).

** En savoir plus : Lire "L'Histoire des Evangiles" de Michel Quesnel - Editions du Cerf

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