Chaque Eglise développe sa propre histoire et possède ses propres charismes. Lhistoire de lEglise Gallicane est bien connue maintenant. Que ce soit par ses livres, son site internet ou son journal notre courant véhicule ses réponses.
Lorsque je regarde en arrière et me replonge dans mes souvenirs de jeunesse au sein de lEglise Gallicane deux choses me reviennent à lesprit. La première est la grande bonté, louverture desprit et la tolérance de Monseigneur Truchemotte, homme de Coeur et de Foi. La seconde est son amour de lEvangile. Il aurait prêché pour un seul fidèle.
Ses homélies nétaient jamais préparées. Sa prédication était le reflet de son âme de prêtre et dévêque. Il parlait dabondance de coeur, avec une puissance de conviction soutenue par la force et lautorité de lEsprit-Saint.
Cette exigence première de lEvangile se retrouve dans nos chapelles aujourdhui. Nos fidèles nous remercient de ne jamais faire limpasse sur la proclamation de la Parole de Dieu. La prédication sur lEvangile accompagne tous les offices de lEglise Gallicane. Nous y mettons un point dhonneur !
Cest en pensant à eux que ces "Pages dEvangile" avec leurs commentaires ont été rédigées. Nous espérons que tous y retrouveront ce parfum dEvangile cher à nos chapelles !
Deux cortèges sont en marche et se rencontrent. L'un symbolise la vie : le Christ, accompagné de ses disciples et d'une foule nombreuse, tous portés par une joie et un enthousiasme extraordinaires. "Un grand prophète a surgi parmi nous et Dieu a visité son peuple" (Luc 7,16).
L'autre représente la mort, avec l'enterrement du fils unique et la douleur extrême de sa mère, déjà veuve par surcroît.
Puis, annonce prophétique de la victoire des forces de la vie sur celles de la mort, à la fin des temps, le Fils de Dieu ressuscite l'enfant prodigue pour le rendre à l'affection des siens. Le miracle est éclatant, évident, sublime. Pourtant il reste encore bien d'autres signes à découvrir.
Dans la symbolique chrétienne, la veuve éplorée personnifie l'Eglise et sa constante prière d'intercession, l'Eglise priant pour tous ses enfants plongés dans les ténèbres de la mort spirituelle. Que l'un d'eux vienne à ressusciter, c'est à dire à retrouver la Foi, l'Espérance et l'Amour, alors quelle joie pour elle et tous les siens !
La veuve en pleurs, c'est encore la représentation de la Vierge Marie, qui "prie pour nous maintenant et à l'heure de notre mort" (texte de la Salutation Angélique), Marie qui elle aussi connaîtra la terrible douleur de la perte de son enfant unique, crucifié par les ténèbres de l'ignorance et de la bêtise humaine.
Le texte de Luc met donc en valeur l'une des composantes mêmes de notre Foi chrétienne : la notion de Communion des Saints.
Il nous apprend ainsi à prier les uns pour les autres, car la prière du juste délivrera le pêcheur et le sauvera. Il nous responsabilise également vis à vis de nos frères que nous devons parfois porter à bout de bras et supporter, dans l'attente d'un changement, d'une nouvelle naissance et transformation.
Enfin il suggère l'impérieux devoir d'assistance à toute personne en danger. "Ne pleure pas", dit le Seigneur à la veuve de Naïm. Tout devient possible dans l'Amour.
Il semble bien que ce miracle réponde à des lois que nous pouvons étudier : une puissance de guérison, source de vie résidait en Jésus même. Il y avait là bien autre chose que ce que prétendent des mouvements qui veulent ne faire de Jésus que l'initié de certaines gnoses, le détenteur de certaines connaissances.
L'homme qui passe et dont la femme touche le manteau polarise en lui-même une Force capable de guérir sans même un ordre de son cerveau.
Et Saint Luc nous rapportant la scène écrit que Jésus dit : "Quelqu'un m'a touché car j'ai senti qu'une Force était sortie de moi".
De même Saint Marc déclare : "Et aussitôt Jésus prit conscience qu'une Puissance était sortie de lui".
Don de guérir diront certains... Mais don de guérir dans l'acception la plus haute de ce terme, car il faut non seulement que cette Force de guérison se trouve en Jésus, non seulement qu'un contact s'établisse par le toucher, mais encore que cette femme croit que Jésus peut la sauver... Si la Foi seule agissait ce toucher serait inutile, aucun rayonnement n'émanerait de Jésus; et si ce rayonnement seul agissait Jésus ne parlerait pas de Foi.
D'ailleurs le caractère miraculeux de cette guérison est attesté par l'Evangéliste Marc qui précise la gravité de ce mal: "Or! nous dit-il, il y avait là une femme affligée d'une perte de sang depuis douze ans. Elle avait beaucoup souffert de l'intervention de nombreux médecins, elle avait dépensé tout son avoir sans trouver aucun soulagement... Au contraire elle allait de mal en pis".
Et pourtant, douze ans après demeurait en cette femme l'Espérance et, au passage de Jésus, elle tente de nouveau d'échapper à la maladie: "Si je touche, ne fut-ce qu'un bout de ses vêtements, je serai sauvée".
Nous verrons dans l'Evangile d'autres manifestations de cette Force de guérison. Plus tard, le livre des Actes des Apôtres (19,11-12) révélera qu'il suffisait à l'Apôtre Paul de remettre aux malades des linges qui avaient été en contact avec son corps pour que ceux-ci soient guéris, par leur simple toucher. Mais nous ne devons pas nous arrêter dans l'étude de cet Evangile à la seule relation des miracles. Un sens plus symbolique, plus profond est contenu dans ce texte.
Tout d'abord notre attention doit être attirée par le fait que la fillette dont il est fait mention est la fille d'un chef de la synagogue. Elle symbolise tout l'héritage d'Israël, toute la tradition de ce peuple qui, dés les origines s'était donné à Dieu. Et certes, il est bien vrai qu'à la venue du Christ il ne reste plus grand chose de cet enthousiasme autour duquel s'était bâtie la religion du Dieu Très-Haut. L'esprit de Moïse et d'Elie ne soufflait plus sur l'Assemblée hébraïque et toute vie semblait bien avoir disparue des cérémonies cultuelles de cette nation.
C'était l'emprise romaine et ses tentations, c'était la pétrification de la doctrine dans un ritualisme étroit, c'était la sécheresse des coeurs et le désespoir des âmes si bien annoncés par le prophète Jérémie: "Les chemins de Sion sont en deuil, ses oppresseurs l'emportent, la fille de Sion a vu partir tout ce qui fit sa gloire".
En ce temps là la Foi et l'Espérance ont déserté la Cité Sainte et c'est Jérusalem elle-même à laquelle Jésus va pouvoir dire de se relever de son engourdissement, de ce coma spirituel que l'on prenait pour un décès: "Retirez-vous car cette jeune fille n'est pas morte, elle dort".
Mais prenons-y garde en route, il se passe un événement d'une importance capitale: une femme vient et touche le manteau de Jésus. Et nous voyons facilement en cette femme le second élément de la Mission du Christ. Non seulement il sera le Messie qui va ressusciter Jérusalem, mais son passage va être le facteur d'une guérison totale de l'humanité. Cette femme qui depuis douze ans perdait son sang représente l'assemblée des hommes qui n'avaient pas reçu la Promesse, l'Alliance.
Rappelons que dans le symbolisme religieux douze symbolise la plénitude, l'achèvement d'un cycle : les douze ans de maladie de la femme représentent un temps qui va des origines du péché à la venue de Jésus. Mais alors qu'il y a une promesse divine pour les enfants d'Israël auxquels les prophètes ont mainte et mainte fois répétés qu'à la fin le Messie relèverait la fille de Sion, le reste de l'humanité a passé le cycle de ces années sans autre espoir que le cheminement de sa propre raison et a du s'approcher par derrière et toucher sans appel, sans révélation la frange de la Vérité.
Nous voyons ici deux voies sans bien en saisir le pourquoi : il est des êtres à qui Dieu s'impose par une illumination subite, par une révélation brusque, soudaine, immédiate, et il en est d'autres qui doivent s'approcher lentement de Lui dans l'évolution progressive de leur raison. La femme qui touche ainsi le manteau de Jésus et la fillette du prêtre juif ont deux vocations très distinctes et elles seront sauvées toutes deux par deux voies différentes.
Notons aussi l'âge de la fillette qui est relevé par Luc et Marc... Elle a douze ans; et ce nombre douze nous précise dans la même vue symbolique que tout à l'heure que, pour elle aussi, le temps est venu. Le cycle est bouclé, une ère nouvelle va surgir.
Et Saint Luc rapporte que pour opérer cette guérison, ce réveil, Jésus n'admit auprès de lui que trois apôtres, Pierre, Jacques et Jean, avec le père et la mère de l'enfant.
Pierre, Jacques et Jean, ce sont les trois qui montèrent avec Jésus au Mont de la Transfiguration: le premier symbolise la Foi, le second l'Espérance et le troisième l'Amour. Par leur présence peut se dérouler le réveil de Jérusalem endormie et dans le père et la mère qui sont admis à assister au réveil, à la résurrection spirituelle de leur fille nous voyons l'image même des deux apparitions qui entourèrent Jésus lors de sa transfiguration: Moïse et Elie, la Tradition d'Israël et le Mysticisme d'Israël.
Ainsi nous voyons comment tout s'impénètre, se complète et s'explique dans cet Evangile, source de Sagesse et assurance de Salut pour toute personne ayant la Foi.
Faut-il insister à ce point dans la prière ? Le Christ semble nous dire que oui. Bien sur l'on pourrait compléter ce texte de Luc par d'autres clefs. Ailleurs, Jésus révélera : "Cherchez d'abord le Royaume de Dieu, tout le reste vous sera donné par surcroît" (Luc 12,31) - ou encore - "Quand vous vous trouvez en prière, si vous avez quelque chose contre quelqu'un, pardonnez-le lui, afin que votre Père céleste vous pardonne vos péchés" (Marc 11,25). Mais restons dans le cadre du texte de Luc. Là le Seigneur nous invite à une sorte de "harcèlement du ciel", pourquoi ?
Une première interprétation, littérale celle-ci, argumentera que la vie nous demande de nous entêter et de persévérer pour réussir à aboutir dans nos projets. Alors le chrétien ne devrait-il pas faire de même dans la prière ? Certainement. Le découragement, la lassitude, l'abandon sont des tentations auxquelles notre coeur cherchera à opposer la vertu d'Espérance avec la Foi qui soulève les montagnes.
Une deuxième interprétation, plus symbolique et allégorique, considérera que les trois demandes de la parabole s'adressent aux trois composantes de l'être humain: corps, âme et esprit.
Comme dans le récit de la tentation de Jésus au désert, les pierres s'opposent aux pains. Le pain représente le nécessaire dont nous avons besoin dans notre vie; "donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour" - disons-nous dans le "Notre Père"; les pierres symbolisent la lourdeur de l'avarice et de l'égoïsme, la sécheresse du coeur (de pierre), la pesanteur du matérialisme.
L'opposition du serpent et du poisson n'est-elle pas étrange ? Non si l'on considère que le poisson symbolise l'Evangile, la doctrine chrétienne qui guide et inspire l'être humain par opposition à l'esprit d'égarement que représente le serpent. L'âme étant considérée par la Bible comme le principe vital qui anime et gouverne le corps on associera encore au symbole du poisson la vitalité, la fraîcheur; au serpent sera liée la froideur, l'inertie, l'apathie.
Le symbolisme du scorpion et de l'oeuf reste assez facile à décrypter. L'oeuf représente la nouvelle naissance du chrétien, le passage à une vie meilleure dans le Christ, l'ouverture de l'esprit à de nouveaux horizons spirituels, la résurrection (le jour de Pâques l'on bénit les oeufs au cours de la messe dans le rite gallican). Le scorpion symbolise la pulsion autodestructrice, le repliement sur soi-même, le suicide, l'impasse.
Encore une fois profitons-en pour souligner l'extraordinaire importance de la connaissance du symbolisme dans la vie de l'Eglise. Quelles que soient les traductions, la force de l'image demeure et permet une méditation riche d'idées.
Dans l'Evangile, de nombreuses paraboles font appel au symbolisme et à la fonction de portier. Le chrétien y sera donc sensible et veillera à approfondir toute l'étendue de ce vaste domaine.
La colère n'est pas forcément ce que l'Ecriture Sainte appelle un péché. Saint Paul l'exprime avec beaucoup de pertinence: "Mettez-vous en colère, mais ne péchez point" (Ephésiens 4,26). Le Christ lui-même s'est mis en colère pour chasser les marchands du temple (Jean 2,13-17), et ne parle-t'on point de "saintes colères" ?
La colère contrôlée et dirigée par l'esprit peut même faire beaucoup de bien: secouer les torpeurs assagies, réveiller les consciences endormies, lutter contre l'indifférence et le laxisme, etc. Elle ne tombe sous le coup de la condamnation de l'Ecriture que lorsqu'elle prend le dessus sur la raison, lorsqu'elle échappe au contrôle et à la maîtrise du coeur, quand elle domine l'esprit au point que l'être humain fera n'importe quoi, n'importe comment.
Nous connaissons bien ces exemples où ce qui était au départ une simple saute d'humeur se transforme en une sorte de folie furieuse et méchante, où les coups et les injures pleuvent dans tous les sens. On parlera à juste titre de démon de la colère, et l'on priera pour celui où celle qu'il détient prisonnier ou prisonnière.
Dans le texte de Saint Mathieu que nous citions au début de ce commentaire Jésus révèle l'existence de trois degrés dans la manifestation de la méchanceté envers autrui. Sans doute s'appliquent-ils aux trois composantes de l'être humain: le corps, l'âme et l'esprit.
Le premier degré semble correspondre à la folie furieuse et au coup de sang de quelques instants qui peut s'emparer de chacun de nous. Après l'être humain se dira: ce n'est pas possible, ce n'est pas moi qui ai pu faire ou dire cela.
Le deuxième degré est plus insidieux, car il dépasse les humeurs passagères et caractérielles: c'est la méchanceté qui se glisse, s'insinue sournoisement dans la conscience, c'est l'esprit de vengeance et de rancune qui perdure, les idées fixes et les obsessions perfides, malveillantes, qui habitent en nous sur d'assez longues périodes. Il n'est pas facile de s'en débarrasser, de lutter contre elles, elles sont un adversaire puissant.
Le troisième degré bien sur est pathologique, c'est la haine à l'état brut qui finit par anéantir toute personnalité humaine; ces haines profondes, inusables, qui peuvent s'étendre sur des dizaines d'années voire même plusieurs générations sont redoutables.
Bien évidemment le Christ insiste sur le danger d'une telle attitude qui ne doit pas être celle du chrétien.
La relation avec Dieu est une relation d'Amour, elle suppose que nous ayons les mêmes rapports avec nos frères, sinon vaine serait notre religion.
Point n'est besoin d'épiloguer longuement sur cet épisode de l'Evangile. A priori tout le monde connaît, l'image parle d'elle-même. Dire de quelqu'un qu'il a une âme de "bon samaritain", c'est même aujourd'hui une expression proverbiale dans la langue française.
La religion juive connaissait l'amour du prochain, mais on y polémiquait sur la notion même de prochain : ne fallait-il pas exclure les païens et les ennemis personnels ? Refusant toute discussion stérile, Jésus se place sur un plan d'action pratique: "Fais ainsi et tu auras la vie", dit-il au docteur de la Loi.
Tout être humain, quel qu'il soit, et quelles que soient ses idées (religieuses, philosophiques, politiques, etc) est donc notre prochain.
Maintenant, il est aussi dans ce texte d'autres richesses que nous tenons à souligner.
Ainsi, sur un plan symbolique, sans même tenir compte de la présence des brigands sur la route, le voyageur de la parabole a pris un trés mauvais chemin. Il quitte Jérusalem (étymologiquement la ville qui sauve ou ville du salut) pour Jéricho (bibliquement cité maudite et détruite par les hébreux avec l'aide de Yavhé lors de l'entrée dans la Terre promise).
L'homme désigné par Jésus descend donc vers la perdition, et, à ce titre, il symbolise l'humanité quittant le paradis pour s'enfoncer dans la nuit du péché. Elle ne sera sauvée que par la miséricorde du Christ, bon samaritain descendu de la Jérusalem céleste vers l'humanité souffrante. Les religions pré-chrétiennes (le prêtre et le lévite qui passent leur chemin) sont impuissantes à remédier au mal.
Toujours sur le plan du symbole, l'huile et le vin versés sur les plaies du blessé représentent l'apport des sacrements de la vie chrétienne comme médicaments de l'âme : huile pour les onctions saintes (baptêmes, confirmations, ordinations, onctions des malades) et vin eucharistique appelé à devenir le Sang du Seigneur lors de la messe.
Enfin à l'auberge est associée l'image de l'Eglise. L'aubergiste symbolise le sacerdoce et sa vocation de prendre soin de l'humanité jusqu'au retour du Christ, à la fin des Temps.
Comme le rappelle Jésus, la vocation de l'homme et de la femme à vivre ensemble trouve son fondement dès les premiers chapitres du livre de la Genèse : "A cause de cela, l'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair". (Genèse 2, 24)
Une première remarque s'impose : l'expression une seule chair ne désigne pas simplement l'union charnelle ni la postérité du couple, c'est à dire les enfants. Le récit de la création du premier homme et de la première femme (Genèse 2,21-24) exprime l'idée qu'Eve est créée à partir d'Adam. Autrement dit, l'Adam primordial est une sorte "d'androgyne", mais incapable de se réaliser et de s'épanouir, parce que tout seul.
"Il n'est pas bon que l'homme soit seul" (Genèse 2,18). Cette solitude d'Adam brisée par la création d'Eve appelle bien évidemment l'humanité à l'amour. C'est aussi le plus beau des dons que l'Eternel Dieu Très-Haut puisse faire à cet être humain créé "à son image, à sa ressemblance". (Genèse 1,27)
Ouvrons d'ailleurs une parenthèse pour réaliser que Dieu ne peut qu'être Trinité (un seul Dieu en trois personnes distinctes selon le dogme chrétien: Père, Fils et Esprit-Saint - Mathieu 28,19), car l'Amour divin a besoin pour exister de se donner éternellement du Père au Fils et à l'Esprit, et réciproquement; sinon Dieu serait imparfait, car tout seul.
Le propre de l'amour étant de n'être pas égoïste, mais don de soi à quelqu'un d'autre, nous apprenons de la Trinité que le Père a TOUT donné au Fils, y compris sa propre vie; d'où l'énoncé du credo de la messe relatif au Seigneur Jésus-Christ: - "Dieu né de Dieu, Lumière née de Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré non créé, consubstantiel au Père..."
L'amour est donc possible lorsque deux personnes se découvrent, s'apprécient et s'attirent mutuellement, restituant ainsi l'unité primordiale de l'être humain (une seule chair). Ce sentiment extraordinaire réalise l'unité, ni ennuyeuse, ni triste, ni solitaire comme celle de l'Adam primordial.
De ces quelques lignes et des leçons du livre de la Genèse nous pouvons tirer la conclusion suivante : - Si l'humanité d'aujourd'hui désire réaliser son unité, celle-ci ne pourra se faire que dans la réunion des différences reçues et acceptées dans le respect d'un amour mutuel. Mais ce "mariage des peuples" n'est-il pas annoncé prophétiquement dans le livre de l'Apocalypse avec le fameux "repas de noce de l'Agneau" (Apoc. 19, 6-10) et (Apoc. 7,9) ? Comment ne pas faire le rapprochement.
Au cours des âges, nos ancêtres ont très vite sacralisé l'union de l'homme et de la femme, créé des rites permettant de symboliser le lien unissant deux êtres l'un à l'autre.
Certaines cultures ont également développé le mariage polygame. Dans la Bible l'histoire des patriarches montre qu'il n'est pas rare qu'un homme soit l'époux de plusieurs femmes (le patriarche Jacob et ses quatre épouses). Cette pratique a d'ailleurs longtemps subsisté dans le judaïsme (Deutéronome 21,15) ou la polygamie est alors considérée comme une chose normale, le nombre effectif des épouses dépendant de la situation financière; les riches par exemple, les rois, ont un harem parfois nombreux (le roi Salomon eut ainsi 700 femmes et 300 concubines - 1 Rois 11,3).
Que faut-il penser de cette pratique ? La monogamie du couple originel permet d'imaginer qu'elle est l'idéal de réalisation du mariage et de la vie de famille. Du reste, l'Evangile selon Saint Mathieu cité au début de cet article donne de la force à cet argument. Il semble aussi que c'est ce qu'avaient compris les premières communautés chrétiennes puisque Saint Paul - évoquant le cas du mariage des prêtres, des évêques et des diacres - recommande que ceux-ci soient l'époux d'une seule femme (1 Timothée 3,2) et (1 Tite1,6).
Certes, des maintenances polygames continuèrent d'exister dans l'Eglise des premiers siècles. Plusieurs rois de France, certains béatifiés par l'Eglise, eurent plusieurs épouses en même temps (Dagobert, Robert le Pieux, Charlemagne). Saint Patrick, quand il évangélisa l'Irlande respecta le système des clans où la polygamie se mêlait à la polyandrie (état d'une femme mariée à plusieurs époux). Mais d'une façon générale et somme toute dans la ligne directe de l'enseignement du Christ, la monogamie ne pouvait que s'imposer.
"Est-il permis de répudier sa femme pour n'importe quel motif ?" C'est par ces mots que les pharisiens tentent d'embarrasser Jésus. Autrement dit le divorce est-il possible pour un chrétien ? A priori, la réponse du Christ est sans équivoque possible : "ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas" - ou encore - "c'est à cause de votre dureté de coeur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes, mais dés le commencement il n'en fut pas ainsi". Une petite nuance est semble-t'il apportée par cette dernière parole : "je vous dis que celui qui répudie sa femme - sauf pour infidélité - et en épouse une autre, commet l'adultère".
Faut-il entendre que Jésus émette une restriction quant au caractère indissoluble du mariage précédemment établi ?
La question a divisé et divise encore les différentes Eglises chrétiennes. Ainsi les confessions protestantes et orthodoxes se réfèrent à cet argument pour admettre, dans certains cas, la possibilité de divorce et de remariage. Du côté catholique-romain par contre, même après séparation, pour quelque motif que ce soit, l'on est toujours mari et femme devant Dieu.
En tant qu'Eglise gallicane nous déclarons ceci : - Oui, nous sommes contre le divorce, mais les coupables ne sont pas toujours les divorcés... Il nous semble que dans l'espace et dans le temps, à travers la réalité de cette vie terrestre, l'être humain peut avoir un droit à l'erreur. Il n'est pour nous qu'un couple parfait, indissoluble, éternel, c'est le Christ et Son Elue : - l'Eglise.
Nous ne séparons pas ce que Dieu a uni; nous constatons la séparation : Dieu seul est juge.
Et quand un couple vient nous demander la bénédiction de l'Eglise, au oui de son nouvel espoir, en vertu de notre pouvoir de lier et de délier, dans la mesure de la sincérité des coeurs, nous bénissons.
Saint Jérôme conseillait à Fabiola de quitter un mari débauché et de chercher un brave homme pour élever ses enfants.
Nous ne sommes guère habitués au langage des paraboles, elles peuvent parfois nous déconcerter. Il ne faut pas oublier que la comparaison employée ne porte, bien souvent, que sur un point donné. Il est évident qu'ici Jésus ne loue pas la malhonnêteté de l'intendant mais son habileté, sa prévoyance et son intelligence à se sauver.
Lors de ma formation sacerdotale au début des années quatre-vingt Monseigneur Truchemotte m'avait averti de la difficulté à commenter cet Evangile, mais difficulté ne veut pas dire absence de richesse et nous verrons que cette parabole est extraordinairement prophétique, voire même écologique...
Personnifions tout d'abord les acteurs de cette histoire. Si l'homme riche n'est autre que l'Eternel Dieu Très-Haut, l'intendant l'Homme et l'accusateur l'Ange tout devient vite très clair.
Aux Origines Dieu créé l'univers, l'Homme est placé comme intendant de la terre (Genèse 1,26-28). Que fera l'Etre Humain de cette gérance ? A l'époque du Christ le problème ne se pose pas vraiment, mais en 2005 ? Pollution de l'air, des océans, déforestation, désagrégation de la couche d'ozone, effet de serre dû à l'augmentation du taux de gaz carbonique, disparition de nombreuses espèces animales et végétales, etc. Nul besoin d'un inventaire complet pour comprendre que la ligne rouge soit déjà franchie depuis longtemps.
Que le monde angélique délégué et missionné par Dieu au Commencement pour entretenir et veiller à l'équilibre de la Création se transforme en accusateur de l'Humanité est somme toute logique. Le dernier évangile de l'année liturgique (fin novembre), celui relatif aux catastrophes cosmiques de la fin des temps et du retour du Christ (Mathieu 24,29) révèle que "les Puissances des cieux seront ébranlées"... Ne peut-on imaginer que l'Ange ne plaide la cause des vies animales et végétales dont il a la charge au tribunal céleste ?
Le Collège des Définiteurs de la Foi de la Province de l'Aquitaine Gallicane assemblé en janvier 1969 pour débattre de la place de l'animal en ce monde avait constaté que (reprenant dans la Bible les formes généralement utilisées par les anges): "si l'être humain a été créé à l'image de Dieu, chaque espèce animale fut créée à l'image d'un ange." De là à considérer que l'univers dans lequel nous vivons baigne dans une série de formes émises par les anges il n'y a qu'un pas que la science théologique peut rapidement franchir.
Dans la Bible le livre de Job montre l'Eternel tenant des assemblées où sont présentes les Puissances angéliques et où Satan, lui-même, est admis et consulté (Job 1,6 et Job 2,2). Si le possesseur de la forme serpentine, malgré sa déchéance et sa malédiction peut ainsi dialoguer avec l'Eternel, à plus forte raison les détenteurs des formes bénies par Dieu. Enfin, comme Jésus plaide pour les hommes, pourquoi les anges à tête d'animaux ne plaideraient-ils pas pour les bêtes d'ici-bas qu'ils représentent ?
Soit! Mais si l'Homme est accusé par l'Ange et si "l'Eternel lui retire la gérance", comment peut-il s'en sortir ? Il est légitime de croire que les clefs sont dans la parabole rapportée par Saint Luc, il est aussi légitime d'imaginer que l'amour soit la solution; pourquoi ?
Chez les premiers chrétiens, les premières traductions du "Notre Père" ne font pas état du célèbre: "pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés", mais "remets-nous nos dettes comme nous les remettons à nos débiteurs"; notion plus vaste que le simple pardon des offenses, car quelqu'un peut nous devoir bien des choses sans pour autant nous avoir offensé, et donc solliciter notre pardon.
Que l'Homme soit le débiteur du Très-Haut dans la parabole n'est pas pour nous surprendre, il en est ainsi depuis l'épisode du péché originel. Mais l'Ecriture révèle que le pardon et la grâce sont venues en la personne de Jésus-Christ, et qu'à la notion du Dieu vengeur et terrible de l'ancienne loi le Christ a substitué celle du Père céleste bon et miséricordieux. Aussi chaque fois que l'Etre Humain se comporte en chrétien, c'est à dire chaque fois qu'il aime son prochain, il cesse d'être l'intendant congédiable à tous moments pour devenir fils ou fille de Dieu.
Quand l'Homme soutient son frère, lorsqu'il l'éclaire, le guide et lui apprend à utiliser ses talents dans le bon sens, il n'en fait pas un débiteur de la Providence, mais un serviteur de l'humanité, un ami de Dieu. C'est le sens de la remise des dettes dans la parabole prononcée par le Christ. "Diminuer le passif de nos frères" vis à vis de la justice divine, c'est un rôle de chrétien, c'est un comportement souhaité par le Christ pour cet intendant qui, finalement, n'est pas malhonnête.
Après l'établissement du collège des douze apôtres Jésus désigne donc encore 72 autres disciples, qui sont envoyés comme des sortes d'éclaireurs "dans toute ville et tout lieu où lui-même devait aller" (Luc 10,1-2).
Est-ce à dire qu'ils prolongent la Mission de Jean le Baptiste dans l'oeuvre de défrichage et de préparation du terrain pour la venue du Seigneur ? Oui et non; oui car leur passage dans telle où telle ville permet aux habitants de mieux prendre en considération la personne et le message du Christ; non car ils n'ont ni la stature ni l'autorité de Jean le Précurseur; de plus ils sont revêtus par l'Esprit-Saint du charisme de guérison et d'exorcisme, alors que Jean le Baptiste n'a pas développé une telle activité.
Nous pourrions voir dans l'établissement des soixante-douze l'institution de l'exorcistat (troisième Ordre mineur conféré par l'Eglise); n'oublions pas qu'à partir de cette ordination un clerc peut imposer les mains aux malades, bénir et exorciser; mais ne s'y rattache pas le pouvoir de célébrer la sainte messe, ni celui de lier et de délier, partie intégrante de l'épiscopat et de son prolongement majeur qu'est la prêtrise.
La profonde clairvoyance du Seigneur le conduit à envoyer ses disciples deux par deux; l'on ne peut que souscrire à une telle mesure qui est celle de la prudence, de l'équilibre et du bon sens.
"Dans toute maison où vous entrerez, dites d'abord : Paix à cette maison. Et s'il y a là un fils de la paix, votre paix reposera sur lui; sinon elle reviendra sur vous" (Luc 10, 5-6).
La mission des disciples (sans bourse, ni besace, ni sandale) les conduit à demander l'hospitalité, règle d'or d'une société où il y a toujours un couvert mis pour l'étranger, le voyageur. Leur premier mot est don de paix; notons-le; il n'est pas question ici de propagande religieuse, mais d'une présence vivante, chaleureuse, bonne, signe que le royaume des cieux peut s'établir ici; alors seulement peuvent rayonner les charismes de guérison, de réconfort et d'aide annoncés par le Christ.
Il est d'ailleurs remarquable que l'Eglise ait repris cette salutation de paix dans ses rituels de bénédiction de maison : "Paix à cette maison, et à tous ses habitants"; c'est ainsi que débute le rituel de bénédiction d'une habitation dans le rite gallican.
"Ne passez pas de maison en maison" (Luc 10, 7). Les missionnaires chrétiens ne sont donc pas colporteurs et démarcheurs de quoi que ce soit. Ils sont avant tout envoyés pour témoigner d'une réalité, d'un "royaume qui n'est pas de ce monde" (Jean 18, 36), mais qui peut transfigurer ce monde. En effet, là où rayonne la paix du Christ, les hommes enfin deviennent frères, les armes se taisent, la Foi déplace les montagnes, l'Espérance et l'Amour prennent leur envol.
Ce fut là le grand secret des soixante-douze disciples, c'est encore ce qui a été vécu en deux mille ans de christianisme dans de multiples endroits du monde.
Il semble également que les soixante-douze ne furent pas astreints à un régime alimentaire particulier "Mangez et buvez ce qu'on vous servira" (Luc 10,7). Cela cadre tout à fait avec l'enseignement de l'Evangile où "ce n'est pas ce qui entre dans la bouche de l'homme qui le souille, mais ce qui en sort lorsque le coeur n'inspire plus les paroles". (Mathieu 15,11)
Enfin il résulte de ce texte que tout travail pédagogique de transmission du message du Christ ne s'apparente pas à un "passage en force". Le chrétien n'impose pas les vérités évangéliques. Celles-ci naissent ou ne naissent pas dans les coeurs; cela dépend, si l'être humain est prêt, ou plutôt si son coeur est prêt. "S'il n'y a pas là un fils ou une fille de paix, votre paix vous reviendra" (Luc 10,6).
Le temps de Pâques introduit le chrétien dans une réalité extraordinaire. Comme le rappelle cet extrait de la séquence de la messe de la résurrection: "La mort et la vie ont engagé un stupéfiant combat; l'Auteur de la vie était mort: voici qu'il règne et qu'il vit."
A la grande stupéfaction des Apôtres au soir du jour de la résurrection, voici que le Seigneur apparaît, se place au milieu d'eux et déclare: "La Paix soit avec vous !". Cette plénitude de la présence du Christ ressuscité se découvre d'abord dans la paix. Cela nous permet de mesurer l'extrême importance de la recherche de la Paix du Seigneur dans nos assemblées chrétiennes, spécialement pendant la messe. D'où cette phrase de l'Evangile de Saint Thomas qu'il est bon de rappeler: "Si dans la même maison deux sont en paix, l'un avec l'autre, ils diront à la montagne : Déplace-toi et elle se déplacera." (Evangile de Thomas - logia 53)
Il est donc très important que le chrétien apprenne à faire éclore en lui cette Paix du Christ ressuscité. Comment la définir ? Participation de notre âme à la Vie du Seigneur, mélange de force et de tendresse établissant cette solidité intérieure indispensable à la vie quotidienne et à ses conflits. A chacun sa définition, mais seule l'expérience de la prière permet de goûter et de comprendre la richesse du don du ressuscité: "La Paix soit avec vous!"
Dans le texte de l'Evangile de Jean, Jésus ne se contente pas d'apparaître, il se fait également toucher. Il ne s'agit pas d'un fantôme ou d'un esprit: le Christ est vraiment ressuscité. D'autres témoignages le verront tour à tour manger au milieu de ses disciples, rompre le pain et le vin, etc.
Les disciples se réjouissent donc de voir le Seigneur. On notera qu'il se manifeste le soir de sa résurrection puis huit jours après dans les mêmes conditions. Ils sont enfermés dans la salle, portes fermées à double tour par crainte des persécutions (on est loin de l'enthousiasme de Pentecôte et du Souffle de l'Esprit-Saint). Sans doute accomplissent-ils le mémorial que Jésus avait institué la veille de sa Passion: "ceci est mon Corps, ceci est mon Sang, faites ceci en mémoire de moi." L'Eucharistie rend présent le Seigneur, peut-être en doutaient-ils encore ? L'épisode de Thomas est assez révélateur, mais son doute est aussi le notre. Jésus rappelle ensuite l'importance de la Foi qui sauve: "Bienheureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru". La Foi est donc salvatrice pour l'être humain, force et vie de l'âme, sentiment de confiance qui appelle l'Espérance et la Paix pour engendrer à une vie nouvelle.
"La Paix soit avec vous ! Comme mon Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie." Il est encore utile de remarquer que cette Paix du Seigneur n'est pas donnée pour que le chrétien s'enferme ensuite dans une tour d'ivoire. Les Apôtres sont envoyés en mission. "Il y a plus de joie à donner qu'à recevoir dit l'Ecriture", l'enthousiasme de la Foi appelle évidemment la paix, le royaume des cieux est en même temps mouvement et repos comme le souligne un logia de l'Evangile de Saint Thomas.
Il souffla sur eux et leur dit: "Recevez l'Esprit-Saint, les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez." L'institution sacerdotale est achevée. Comme le Christ, le disciple n'est pas envoyé pour juger ou critiquer son frère, anathématiser ou excommunier. Laissons cela à ceux qui n'ont rien compris à l'Evangile. De l'amour du prochain naît tout simplement le pardon des offenses, et le Christ y attache un tel prix que le pardon devient ainsi sacrement.
En écrivant ces lignes je me remémore le jour de mon ordination sacerdotale, il y a vingt deux ans ans. Mgr Patrick, dans son sermon d'ordination, évoquait la mémoire du noble vieillard qui lui conféra la prêtrise en mai 1953. Après lui avoir imposé les mains et conféré le pouvoir d'absoudre, Mgr Gaston Vigué se penche vers le jeune prêtre et lui dit tout bas, à l'oreille: "Vous ne les retiendrez pas mon fils"... 1950 ans auparavant le supplicié du calvaire avait aussi murmuré: "Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font."
Soyons assez sage pour ne jamais l'oublier.
La splendide liturgie des pèlerins d'Emmaüs... Il faut, un lundi de Pâques, avoir assisté à cette célébration pour saisir l'immense portée spirituelle de cette cérémonie. Tout éclairé de la lumière de la résurrection, l'Evangile du jour nous invite à méditer sur le mystère du Christ ressuscité d'entre les morts.
"Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître..." A juste titre peut-on parler de mystère concernant le ressuscité de Jérusalem. Le visage du Christ devient celui de tous les hommes. Ailleurs - "toutes portes fermées" (Jean 20,19) - Jésus apparaît à ses apôtres au Cénacle, ce n'est pas une vision, il se laisse toucher; le doute célèbre de Thomas le confirme; il disparaît ensuite brusquement à leurs regards. Entrer dans le mystère de la résurrection c'est admettre que Jésus ressuscité participe d'un mode d'être différent du nôtre, allant et venant dans plusieurs mondes en même temps. Bien avant la découverte de la relativité de l'espace et du temps l'impossible devient possible en la personne du Sauveur, mais l'humanité du Christ ne sera pas dévorée par le merveilleux et l'extraordinaire: "Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire, j'étais un étranger et vous m'avez accueilli, nu et vous m'avez vêtu, malade et vous m'avez visité, prisonnier et vous êtes venu me voir. Dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petit d'entre vos frères c'est à moi que vous l'avez fait." (Mathieu 25,35-40).
"Demeure avec nous, car le soir vient, et le jour est déjà sur son déclin..." L'Evangile enseigne qu'un simple verre d'eau donné à un pauvre recevra une récompense au centuple dans la vie éternelle. Le sens de l'hospitalité et la générosité des disciples d'Emmaüs vont permettre au Sauveur de se découvrir. En effet, bien qu'ils eurent le meilleur des professeurs en chemin - et celui-ci ayant pris la peine de leur expliquer le pourquoi de tout ce qui le concernait dans les Ecritures - ils ne le reconnaissaient toujours pas; impossible encore pour eux de comprendre que la promesse de la résurrection était enfermée dans les passages des Ecritures qu'il leur expliquait.
"Et il se fit, pendant qu'il était à table avec eux, qu'il prit du pain et le bénit, et après l'avoir rompu le leur donna. Leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent..." Le cérémonial de la fraction du pain, le partage du repas, l'eucharistie, nous y sommes; c'est à ce signe qu'ils le distinguèrent. Mais comme pour la messe, la présence réelle du Christ n'est accessible qu'au croyant sincère et véritable. "Il ne suffit pas de dire Seigneur, Seigneur pour entrer dans le royaume de Dieu, mais il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux." (Mathieu 7,21). Cette volonté d'aimer le prochain pour les disciples d'Emmaüs, elle fut l'invitation lancée à cet étranger inconnu de partager le repas du soir à l'auberge. Là enfin le Christ se dévoile et sanctifie ce moment par sa divine présence. Pour nous aussi la messe du dimanche est porteuse des bénédictions du ciel dans la mesure où nous témoignons de la vie chrétienne durant notre semaine de labeur.
"Est-ce que notre coeur n'était pas brûlant en nous, lorsqu'il nous parlait sur le chemin et nous expliquait les Ecritures...?" L'Evangile se termine sur cette profonde remarque. Combien de fois le chrétien ne s'est-il pas fait semblable réflexion en d'autres circonstances ? Pourtant cela ne suffit pas forcément à briser la glace, à nous pousser à changer. Il ne suffit pas de voir clair sur le moment pour oublier l'instant d'après. L'image de ce feu qui brûle à l'intérieur, cette flamme qui nous délivre de la tiédeur de l'âme et nous arrache à l'inertie pesante du coeur, ne la laissons pas s'étouffer. Le désir de faire, de changer, de donner le meilleur de soi-même, l'expression de la bonne volonté, il suffit souvent d'un petit déclic pour que tout cela se concrétise. Soyons donc attentifs aux grâces qui nous sont données, sachons discerner et reconnaître ce qui est essentiel.
(*) Une mesure = 40 litres
Premier des signes de Jésus; tel un acte de puissance (nous dit le dictionnaire biblique) destiné à suggérer une réalité spirituelle. Et celle-ci sera de première importance ! Il faut se souvenir en effet que ce tout premier miracle n'était nullement (si je puis m'exprimer ainsi) inscrit au programme du Christ. "Mon heure n'est pas encore venue" lançait Jésus à sa mère, et pourtant, l'impossible devient possible; ce que le destin (ou plutôt la Providence divine) avait écarté de toute éternité s'accomplira. La présence mariale va exercer son effet.
Marie parle peu, surtout n'exige rien. Sensible aux petits détails de la vie quotidienne qu'elle connaît d'ailleurs bien, attentive à ce qui se passe autour d'elle, elle remarque un fait qui pour elle nécessite l'intervention du fils prodige : "Ils n'ont pas de vin" - et tout est dit ! Surprise pour nous ! Mais peut-être a-t-elle déjà assisté à ces noces où les familles n'ont pas tout préparé "comme il faut", où éclatent des disputes d'un côté et de l'autre parce que l'on se rejette mutuellement la responsabilité du manque de soin apporté aux préparatifs. Quoi qu'il en soit, tout est dit en effet : "Ils n'ont pas de vin". Et telle une prière discrète, elle ajoutera encore : "Faites tout ce qu'il vous dira." Le "que me veux-tu femme ? (non irrespectueux ou péjoratif dans le contexte de la société juive de cette époque) mon heure n'est pas encore venue" - n'y changera rien. Marie va passer tranquillement sur les états d'âme de son fils, avec l'assurance totale et confiante qu'il ne saurait y avoir de refus de sa part.
Soyons très attentifs à ce trait de l'Evangile. Nous pouvons en déduire l'importance du culte marial et la très puissante intercession de la Vierge dans le plan divin.
Maintenant l'intérêt du texte de Jean ne s'arrête pas là. Ces six jarres d'eau que Jésus va changer en vin sont une préfiguration du mystère eucharistique. Témoin de ce miracle puis dans un autre épisode de la multiplication des pains, les apôtres ne douteront pas que leur Maître ne puisse multiplier et en quelque sorte matérialiser sa présence dans le pain et le vin de la Cène : - Ceci est mon corps - Ceci est mon sang.
Mais ces six jarres d'eau sont aussi symbole des six jours de la semaine, six jours durant lesquels nous nous efforçons de vivre l'Evangile au quotidien de nos vies, dans un monde où, malheureusement, il faut souvent se battre et lutter pour tenir bon. Vient ensuite la grâce du dimanche, le repas du Seigneur où Dieu se donne lui-même en nourriture à son peuple, jour d'allégresse et de joie où la mystérieuse alchimie du Verbe et de l'Esprit magnifie les six jours de l'effort humain. L'amour de Dieu rejoint ici celui du prochain, et le vin de la grâce fortifie nos âmes en vue d'une nouvelles semaine de travail.
Pour mieux comprendre le début de cet évangile, il faut d'abord le situer dans son contexte. Il est aujourd'hui difficile de se représenter les habitudes de cette époque où l'on peut très facilement et très naturellement tout quitter pour aller écouter, où suivre un personnage important. Avant tout cela explique qu'une telle foule (au moins cinq mille personnes selon le texte de Jean) ait pu s'assembler sans avoir préalablement "assuré ses arrières" en prévoyant des provisions alimentaires pour la circonstance.
Déjà l'antiquité nous montre les disciples de Socrate ou d'autres grands philosophes abandonnant brusquement leur travail pour suivre un enseignement ou poursuivre un dialogue trois jours entiers avec ces hommes d'esprit, sans s'inquiéter de quoi que ce soit (vêtement, nourriture, voyage, etc).
Dans l'étude de cet évangile nous ne nous attardons pas sur le miracle en tant que tel. Si l'on croit que Jésus est l'incarnation de Dieu fait homme, alors, bien évidemment, rien ne lui est impossible.
Mais nous souhaitons davantage mettre en relief l'aspect pédagogique et symbolique de ce récit. En effet, l'épisode de la multiplication des pains est une préfiguration du mystère eucharistique, il annonce la perpétuation et la multiplication de la présence du Christ sous les apparences du pain et du vin de la messe.
Voyez-vous, si Jésus n'avait changé l'eau en vin aux Noces de Cana, s'il n'avait multiplié les pains pour la multitude, ses Apôtres auraient pu douter qu'il ne mette sa présence, sa divinité, dans le pain et le vin de la Cène : Ceci EST mon corps , ceci EST mon sang !
Mais il y eut donc ces signes annonciateurs du Mystère qui font que deux mille ans après des chrétiens s'agenouillent encore dans les églises lorsqu'un prêtre élève le pain et le vin consacrés.
Du reste, parmi d'autres éléments à verser au crédit de ce qui est avant tout Mystère de Foi, le fait que Jésus n'ait rien inventé en utilisant le signe du pain et du vin pour la Cène. Déjà, quelques deux mille ans avant lui, Melchisédek, roi de Salem, sortait à la rencontre du patriarche Abraham en offrant le pain et le vin. Hors, "il était prêtre du Dieu Très Haut " (Genèse 14,18) ; les Egyptiens aussi connaissaient des rites liturgiques dans lesquels, sous le sceau du symbole, la divinité était présente dans le pain et le vin. Mais avec le Christ, il ne s'agit plus simplement d'un symbole, mais d'une réalité opérative, quasiment palpable pour celui ou celle qui sait voir avec les yeux de la Foi.
"Ne croyez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes ; je ne suis pas venu les abolir, mais les accomplir" (Mathieu 5,17).
Même chose pour le baptême d'ailleurs, Jésus n'a rien inventé là encore ; Jean le Baptiste déjà baptisait le peuple d'un baptême de repentir, les Egyptiens aussi connaissaient ce type de purifications rituelles et bien d'autres peuples encore ; mais au baptême chrétien est attaché une puissance de vie, celle du Christ ressuscité. Comme l'a écrit Saint Athanase d'Alexandrie : "Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu", (déification par la grâce), merveilleux destin en vérité que celui de l'humanité objet d'une telle preuve d'amour de la part du Tout-Puissant.
Maintenant, toujours sur un plan symbolique, et comme rien n'est laissé au hasard dans l'Evangile, cinq pains pour cinq mille hommes est une quantité qui ne peut manquer d'éveiller notre attention. En symbolique, le chiffre cinq représente la quintessence, ce qu'il y a de principal, de meilleur, de plus parfait à connaître. C'est le symbole même de la connaissance spirituelle. Que le lecteur prenne la pomme et la tranche dans le sens de la largeur, il y verra l'étoile à cinq branches et comprendra pourquoi la pomme est le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal dans le jardin d'Eden.
Eva, c'est le nom de la première femme qui mangea ce fruit Lors de l'Annonciation l'ange Gabriel renverse ce mot pour parler à Marie; Ave, dit-il, et ceci nous est symbole d'un retournement de la connaissance Jusqu'ici elle menait à la ruine, elle va maintenant mener au Salut :- la Vierge enfantera le Christ qui va sauver l'humanité et l'étoile de Bethléem indiquera l'emplacement de la Crèche.
Cinq pains pour mille hommes, miracle de la multiplication d'un aliment si nécessaire à l'homme, préfiguration du sacrement de l'eucharistie où depuis deux mille ans le Christ ne cesse de multiplier, dans l'Esprit-Saint, Sa Présence sous les apparences des Saints Dons de la messe. La Quintessence, la véritable Connaissance spirituelle ne provient donc pas d'un travail cérébral, elle est le fruit de la contemplation, d'une Foi qui s'épanouit dans la rencontre avec le Christ ressuscité. Chaque fois que nous communions au Corps et au Sang du Seigneur, nous ne devons pas perdre de vue cette réalité.
"Ramassez les morceaux qui sont restés pour que rien ne se perde" (Jean 6,12) ; bien que souverainement libre de faire surgir du néant autant de pain pour tant de personnes, le Christ sait le prix de la vie. A travers cet exemple, l'être humain à son tour apprend à respecter la Nature, l'environnement, le créé. L'Evangile ne connaît pas le gaspillage, il est aussi respect.
"Ils les ramassèrent donc et remplirent douze couffins avec les morceaux des cinq pains d'orge qui étaient restés" (Jean 6,13) ; là encore, le nombre douze ne peut manquer de susciter une autre réflexion. Des douze tribus d'Israël aux douze Apôtres, en passant par les douze signes du zodiaque jusqu'aux douze portes de la Jérusalem céleste (Apocalypse 21,12-21), jusqu'aux douze étoiles de la couronne de la Vierge en gloire (Apocalypse 12,21), le nombre douze marque un accomplissement. Dans le texte de Jean cité plus haut, les douze couffins nous rappellent qu'en Jésus-Christ, uni au Christ et à son Evangile, l'humanité va vers un épanouissement dans la plénitude.
Qu'elle soit assez sage pour le comprendre, c'est toute la grâce que nous pouvons lui souhaiter.
NB : - Selon la tradition de l'Eglise de Bordeaux, l'enfant qui porta à Jésus les cinq pains d'orge et les deux poissons est identifié plus tard à Saint Martial, apôtre de l'Aquitaine (qu'il évangélisa vers la fin du 1er siècle).
Le symbole de la multiplication des deux poissons est simple à comprendre. Il représente l'expansion de la religion chrétienne, le poisson étant traditionnellement associé au Christ. Le chiffre deux symbolise bien sur la dualité. Il nous rappelle que Dieu a besoin de l'homme pour mener à bien son uvre. Le Christ ne force pas l'être humain à le suivre, il souhaite au contraire sa collaboration. Le christianisme est encore chemin de foi et de liberté.
(*) Centurion = officier subalterne qui commandait une centurie, la plus petite unité de l'armée romaine, une centaine d'hommes.
Une fois de plus, quelqu'un vient trouver Jésus pour lui arracher la guérison d'un malade. Mais l'extraordinaire de ce récit n'est pas tant le miracle en lui-même que ce qui le suscite et prend pour nous valeur de témoignage.
Replaçons cette histoire dans son contexte, avec ce centurion romain qui vient trouver le guérisseur juif pour son serviteur malade. C'est déjà une démarche originale ! Elle dénote une certaine noblesse d'âme chez cet officier, un sens profond du respect des autres et sans doute aussi le mépris du "qu'en dira-t-on ?"
Peut-être en effet se serait-il trouvé parmi la foule quelques langues de vipère pour dénoncer cet homme auprès de ses chefs ; sa carrière, son avancement aurait pu ensuite en souffrir. Imaginez la même scène en France pendant la période 1939-1945 : un capitaine de l'armée allemande venant implorer auprès des autochtones vaincus les secours d'un charpentier guérisseur !
Encore plus fort, cet officier s'adresse à Jésus en l'appelant Seigneur !!! Ce qui ne lasse pas de nous surprendre...
Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises ! Certes, Jésus accède à sa requête et lui propose d'aller guérir son serviteur, et n'importe qui d'autre aurait sans doute dit oui en pensant qu'il serait nécessaire que Jésus accomplisse un rituel particulier d'imposition des mains pour appeler sur le malade la descente de la Grâce. Non point ! "Seigneur je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dit seulement une parole et mon serviteur sera guéri "
La réponse de cet homme force l'admiration et le respect.
Cherchons à comprendre ; pourquoi cette réaction ? Et n'oublions pas "l'infériorité" de la position sociale et civile de Jésus (Juif) par rapport à l'officier (centurion Romain qui avait tous les "droits" d'une armée d'occupation).
Au delà de l'apparence banale de ce charpentier prodigue l'officier a-t-il perçu autre chose?
"Car moi qui suis soumis à des supérieurs (dit-il) j'ai des soldats sous mes ordres, et je dis à l'un : Va, et il va ; à l'autre : Viens, et il vient ; et à mon serviteur : Fais cela, et il le fait".
Alors, perception de la nature profonde de Jésus ? Pourquoi pas ! Conscience qu'il est Dieu fait homme ? Qui sait !
En tout cas certainement la notion de l'importance gigantesque de Jésus dans le cosmos ; qu'il lui suffit de commander à ses anges pour qu'aussitôt sa parole s'accomplisse comme le centurion fait avec ses soldats.
Mystère d'un moment, d'une rencontre et d'une présence ; peut-être pense-t il comme l'Apôtre Thomas : "Mon regard ne peut percer tes limites, donc je ne te sais pas de semblable" (Evangile selon Saint Thomas - logia 14).
Au fond peu importe.
Le Christ en est stupéfait ; il le fait d'ailleurs puissamment remarquer car personne ne lui a jamais tenu de tels propos : "En vérité je vous le dis, chez personne je n'ai trouvé une aussi grande foi en Israël".
Qu'en pensent les Apôtres et toute la classe des religieux et des prêtres de l'époque ? Le moins que l'on puisse dire c'est que le Christ n'y va pas par quatre chemins pour ramener la "haute idée" qu'ils se faisaient d'eux même à de "plus justes proportions "
Mais c'est à proprement parler extraordinaire ! Le centurion : Laïc - Païen - Adorateur des idoles (les divinités du paganisme romain) - Exerçant de surcroît le métier des armes.
Recevoir pareil hommage du Fils de Dieu? C'est pourtant l'évidence réalité
Dieu est souverainement Libre et : "l'Esprit souffle où il veut !" (Jean 3, 8).
N'en déplaise aux sectaires et aux tenants du : "hors de nous point de salut !"
Non ! L'humanité saura désormais que Foi et Salut ne sont pas le Monopole d'un seul courant religieux
D'ailleurs rappelons-nous, Jésus déclare ensuite : "Je vous le dis que beaucoup viendront du Levant et du Couchant (de toutes races et religions) et se mettront à sa table avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des Cieux, tandis que les fils du royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors."
Comment ne pas citer maintenant Saint Augustin dans : (Du Baptême - LV, 129/38) - "Pour l'ineffable prescience de Dieu, beaucoup qui paraissent hors de l'Eglise sont dedans, et beaucoup qui semblent sont dehors ! "
Arrêtons-nous sur cette méditation et laissons le dernier mot au Christ : "Va, et qu'il te soit fait comme tu as cru. Et à l'heure même, le serviteur fut guéri."