C’est la prière de base du chrétien, la prière par excellence. A la question des Apôtres qui demandent à Jésus de leur apprendre à prier, le Sauveur répond en donnant aux hommes le texte divinement inspiré du Notre Père.

Bien souvent, le chrétien le récite sans prendre le temps de méditer chacune des belles paroles qu’il contient. Certes, il existe des automatismes dans la prière, ils permettent de canaliser notre volonté en nous reposant, en nous appuyant sur les mots de la foi. Mais il faut prendre garde à ce que « l’art de prier » ne devienne quelque chose qui tienne plus de la « routine » que de l’élan généreux qui permet à l’âme de s’élancer vers le Ciel. C’est sans doute en réfléchissant à cela que Jésus a donné à ses disciples ce « mode d’emploi » extraordinaire de la prière que nous appelons : le Notre Père. Essayons d’aller plus loin pour comprendre.

Le Texte

Prenons celui de la traduction oecuménique (1966), en usage dans la plupart des Eglises chrétiennes, dont notre Eglise Gallicane :

Notre Père qui es aux cieux,
que ton Nom soit sanctifié,
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.
Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.
Et ne nous soumets pas à la tentation,
mais délivre-nous du mal.
Amen.

Deux Mots

Une première remarque d’abord : les deux premiers mots sont déjà « tout un programme ». Ils établissent une relation privilégiée avec le divin, une relation que l’on pourrait qualifier d’affective. Nous ne sommes pas seuls, nous croyons que nous sommes entendus, écoutés par une personne, et une personne qui nous aime. Dans la vie de tous les jours, les parents aiment les enfants. Ainsi en est-il, mis à part quelques exceptions pathologiques, depuis la nuit des temps. Jésus savait cela, comme quelqu’un qui l’a vécu et expérimenté à travers Joseph et Marie, puis à travers ce lien si personnel et particulier qui l’a relié au « Père céleste ».

Commencer à prier en disant : Notre Père; c’est déjà s’adresser à cette personne protectrice et bienveillante, établir le lien avec elle, croire en son amour, comprendre que l’on compte pour elle. Non, nous ne sommes pas des grains de sables perdus dans l’infini des mondes de l’espace-temps, nous sommes des personnes. Et à travers le texte de Jésus, nous croyons que nous sommes des personnes aimées et respectées, comme un père ou une mère aime et respecte ses enfants.

C’est le préambule à poser dans l’étude du Notre Père. Avant Jésus, les hommes pensent s’adresser à Dieu à travers des sacrifices, humains ou animaux. Souvent la divinité semble terrible, lointaine, inaccessible, coléreuse, inhumaine, impitoyable. Et puis tout change... A travers ce que révèle le Christ, le Créateur devient Père. C’est un raccourci fantastique qui a changé le cours de l’Histoire de l’Humanité. Nous n’avons plus peur de lui, nous avons confiance. La crainte est remplacée par l’amour.

Etre chrétien c’est pouvoir comprendre cela, et le mettre en pratique. Le christianisme est fondamentalement un courant d’amour vivant. C’est pour cela que Jésus n’a demandé qu’une chose, pour prétendre être son disciple : aimer.

Deux commandements résument son enseignement : l’amour de Dieu et celui du prochain, et ils sont semblables, inséparables dans son esprit. Il ne nous demande pas d’apprendre par coeur la Bible, de devenir des spécialistes religieux, non. L’essentiel est ailleurs : ne pas juger, ne pas condamner, pardonner, faire preuve de compassion, d’indulgence et d’ouverture d’esprit, ne pas vivre que pour soi. Nous avons besoin des autres, comme les autres ont besoin de nous. On ne peut être heureux tout seul ; on ne se suffit pas à soi-même ! « Il n’est pas bon que l’homme soit seul » affirmait déjà la Genèse. Et le Christ est allé plus loin en magnifiant le couple : « ils ne sont plus deux, mais une seule chair. » Bien sur c’est un idéal qu’il n’est pas toujours possible d’atteindre dans cette vie. Pourtant, en regardant attentivement autour de nous, des couples en portent témoignage.

Etre chrétien ce n’est pas glorifier la violence, le fanatisme, les intégrismes ou réclamer la peine de mort. Ce sont des réflexes de peur, ils nous font pencher du côté des ténèbres. Le Dieu de Jésus, ce Père céleste dont il témoigne dans son enseignement en paraboles va chercher et sauver la brebis perdue, tend ses bras à l’enfant prodigue, aime ses ennemis et avant de mourir sur la croix pardonne à ses bourreaux ! Il fallait oser le dire, et le faire... Respect pour le témoignage ! En plus il est humble, se met à la dernière place, a pitié du larron crucifié qu’il accueille dans son paradis et proclame que les derniers seront les premiers.

Il est surprenant le Dieu de Jésus. Voilà pourquoi il l’appelle : Notre Père.

Une Demeure dans les Cieux

Ce Père « céleste » vit dans les cieux. De quoi s’agit-il ? Quelle est la nature de ce monde, de ce royaume ? Pas uniquement le séjour des anges, la demeure où vont les âmes, pour le croyant, par delà les portes de cette vie terrestre. Plusieurs réponses nous sont données par Jésus dans les Evangiles. Dans la version de Luc, « le royaume des cieux est à l’intérieur de vous et autour de vous » (Luc 17, 21) ; dans celle de Thomas, « Si ceux qui vous guident vous disent : Voici, le Royaume est dans le ciel ! Alors les oiseaux du ciel y seront avant vous. S’ils vous disent. Il est dans la mer ! Alors, les poissons y seront avant vous. Mais le Royaume est à l’intérieur de vous et il est à l’extérieur de vous ! » (logia 2)

Dans la pensée de Jésus, ce « royaume des cieux » et la présence du « Père céleste » ne sont jamais loin. Ils font partie de cet espace intérieur à travers lequel la foi peut s’exprimer. Il suffit d’y croire. A priori, c’est aussi simple que cela, un peu à l’image des enfants dont le Sauveur a déclaré que son royaume est à « l’image de ceux qui leur ressemble. » (Luc 18,17) « Quiconque n’accueille pas le royaume de Dieu en enfant n’y entrera pas. »

Dans la prière comme dans la vie, la simplicité et la bonne volonté ouvrent des portes et nous relient au prochain comme au « Père céleste », lui qui « cache beaucoup de choses aux sages et aux savants et les révèle aux petits et aux humbles » (Mathieu 11,26). Voilà pourquoi à la Crèche, les bergers ont toujours une longueur d’avance sur la mages. Et si nous avons raison de penser que le Dieu de Jésus est un ingénieur extrêmement doué, dans l’infiniment grand comme dans l’infiniment petit, dans la mécanique céleste, à l’échelle du cosmos, comme dans les mystères microscopiques de la programmation de l’ADN, il souhaite d’abord se faire connaître et aimer, comme un Père !

Un Nom Béni

Le début du texte du Notre Père est une louange : « Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié. » Autrement dit, que ton nom et ta présence soient bénis pour tout ce que tu fais, pour cette vie qui nous est donnée, pour ce que nous essayons d’en faire, malgré nos maladresses et notre ignorance. L’être humain est un perpétuel apprenti, dans un monde en perpétuel devenir.

Mais il a confiance en ce « Père des lumières » (Jacques 1,17) « chez qui n’existe aucun changement, ni l’ombre d’une variation ». Bref, un point d’ancrage solide, dans un monde éphémère, fragile et changeant, terrain de lutte du bien et du mal.

Le croyant cherche des points de repères, un phare qui le guide dans la nuit des épreuves ou l’océan des difficultés. Le Père des lumières en est un un. La vie est un pèlerinage, elle part pour tout le monde d’un point A vers un point B. Et il est important de ne pas se perdre en chemin.

Savez-vous qu’au Moyen Age, les pèlerins en chemin vers Compostelle appelaient la voie lactée le « chemin de Saint Jacques » ? Parce que selon la légende le tombeau de l’Apôtre avait été retrouvé dans un terrain en friche appelé le « campos stella » , littéralement le champ de l’étoile, en français.

En levant les yeux vers le champ des étoiles, celles semées par la main de notre Père céleste, nous le remercions d’être et de nous guider.

Une Volonté Bonne

Que ton règne vienne », poursuit le texte du Notre Père, et : « que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » Le croyant attend toujours la venue du Royaume de Dieu. « Vienne la grâce et que passe le monde » disaient même les premiers chrétiens, dans le célèbre texte de la Didachée. Ils croyaient dur au très proche retour du Christ dans ce monde. L’Apôtre Paul d’ailleurs croyait que cette venue se ferait de son vivant. Depuis, plus d’une soixantaine de générations sont passées, et les chrétiens attendent toujours cette venue. Mais le Christ n’est-il pas déjà parmi nous aujourd’hui ? Chaque fois que nous aimons ou que nous sommes aimés, cette présence n’est-elle pas là, à nos côté, dans la prière ou l’eucharistie ? « Voici que je suis avec vous pour toujours, jusqu’à la fin du monde » (Mathieu 28,20)

Cette venue du royaume du Père céleste, cette volonté que nous croyons bonne et bienveillante à notre égard, nous affirmons y croire dans le texte du Notre Père, ou plutôt nous avons besoin d’y croire, pour ne pas nous perdre dans le chemin des étoiles. Ce parcours peut être semé d’embuches, d’ornières, de « trous noirs ». Le croyant se tourne alors avec confiance vers la providence.

Le Pain Quotidien

La première partie du Notre Père est en quelque sorte une prière de louange qui célèbre le Dieu de Jésus. Dans la seconde, nous nous adressons à lui pour ce qui nous concerne directement, ce qui est vital, nécessaire : « donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » déclare le Sauveur. Symboliquement, le « pain de ce jour » représente ce dont nous avons le plus besoin, fondamentalement.

Qu’est donc ce nécessaire, si précieux à nos yeux ?

Sans doute en premier la santé, physique et morale ; sans cette énergie vitale nous ne pouvons rien faire, tout le reste en dépend : l’affectivité comme le travail. La santé permet à la vie et aux sentiments de s’exprimer. Sans elle, ni le caractère ni la détermination ne sont possibles pour avancer.

En parcourant les Evangiles, il semble paradoxalement que nous n’ayons point besoin de demander car : « votre Père sait de quoi vous avez besoin avant même que vous l’ayez demandé » (Mathieu 6,7-15). Mais, ailleurs nous lisons : « demandez et vous recevrez, cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira » (Mathieu 7,7). Il est aussi écrit : « cherchez le royaume de Dieu et sa justice, tout le reste vous sera donné par surcroît » (Mathieu 6,33)

Est-ce à dire que les Evangiles sont contradictoires ? Non. Simplement, ils correspondent à nos états d’âmes. Notre degré de confiance et de foi n’est pas toujours le même. Bien rares, bien présomptueux, bien téméraires seraient ceux qui prétendraient être toujours à 100%, au sommet ! La vie est une sorte de biorythme spirituel. Il y a des jours extraordinaires et des jours où, comme le boxeur, nous sommes sonnés, « dans les cordes ». Le soir du jeudi-saint, l’apôtre Pierre promet à Jésus de ne jamais l’abandonner, d’être prêt à mourir avec lui. Et il est sincère, à ce moment là ! Quelques heures plus tard, il niera avec force ne pas le connaître : faiblesse, fragilité humaine...

Certains jours, nous pouvons avoir le sentiment que la grâce est avec nous, qu’il n’est nul besoin de demander pour être exaucé dans notre prière. Parfois c’est l’inverse, il semble qu’il n’y ait « personne au bout du fil ». Humblement, et parce que nous ne sommes pas des saints, il est prudent et sage de demander, avec confiance, mais sans rabâcher.

Les chrétiens d’orient, c’est à dire majoritairement les Eglises de confession orthodoxe ne parlent ni de « pain quotidien », ni de « pain de ce jour », mais de « pain substantiel » ou de « pain supersubstantiel » selon les traductions. Dans cette optique, la « manne céleste » serait plus spirituelle que matérielle. C’est un point de vue intéressant à connaître. Dans l’absolu, chacune de ces visions est respectable car les dons de la providence sont multiples, comme la diversité des Eglises est quelque part une richesse. Et l’unité chrétienne ne peut exister que sur des choses simples et essentielles.

Le Pardon des Offenses

La providence implorée auparavant ne peut agir si nous ne sommes pas capables de pardonner. Voilà encore un enseignement essentiel tiré de la prière de Jésus : « pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. » Les secours de la grâce sont liés à notre capacité à pardonner.

Une précision importante : si la prière donnée par Jésus est traduite habituellement en français par : « pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés », elle est parfois présentée autrement dans certaines versions bibliques, comme celle de Chouraqui : « Remets-nous nos dettes comme nous remettons à nos débiteurs ». La remise des dettes du texte évangélique demande davantage que le simple pardon des fautes, puisque quelqu’un peut nous devoir bien des choses sans pour autant nous avoir fait offense. Cette traduction est parfois en usage dans certaines Eglises de confession orthodoxe.

Dans l’Evangile de Mathieu, Jésus insiste sur le fait que l’on doit pardonner : « du fond du coeur. » Pas toujours facile, pour pleins de raisons qui sont pour nous : « de bonnes raisons »... L’Evangile demande beaucoup, mais le Sauveur lui-même a montré l’exemple. Donc nous devons essayer, même si ce n’est pas facile. « Car on se servira pour vous de la mesure dont vous vous serez servis pour les autres » déclare l’Evangile de Mathieu au chapitre sept. Le même texte nous demande de ne pas juger, pour ne pas être jugés, ne pas condamner, pour ne pas être condamnés à notre tour. Il en en va de même pour le pardon.

Mais comment pardonner quand on a mal, des déchirures et bleus partout dans l’âme ? Lorsqu’il fait nuit à travers nous, comment l’amour peut-il surgir ? Le pardon c’est un élan généreux, il permet de vaincre le mal par le bien, mais il doit se frayer un chemin. C’est tout le problème.

« Soyez donc prudents comme les serpents, et simples comme les colombes » déclare Jésus dans l’Evangile de Mathieu (10,16). La grande force du pardon c’est de libérer, mais il ne faut pas donner le bâton pour se faire battre... Par exemple, pardonner pour reconstruire une relation avec une personne qui ne veut ni ne peut comprendre, quelqu’un qui regarde le pardon comme de la faiblesse, ou pire encore comme de la bêtise. La vie demande le respect, et l’Evangile nous invite à ne pas profaner les choses saintes (Mathieu 7,6). Le pardon en est une, il ne doit pas être piétiné de façon sacrilège. La bonté suppose encore la sagesse, pour ne pas s’épuiser en vain.

L’Epreuve de la Tentation

Elle fait partie de la vie. Un monde parfait, si tenté qu’il y en ait un, n’existe pas ici bas. C’est à nous de le construire sans cesse. Dans le rituel du chemin de croix célébré chaque vendredi saint, une seule station est répétée plusieurs fois, trois fois même : celle de la chute du Christ épuisé par le poids d’un fardeau trop lourd à porter. A la suite du Sauveur, l’être humain chute en permanence, pas uniquement à cause du poids des épreuves de la vie, surtout à cause de ce que la Bible appelle : le péché.

Nos maladresses, nos erreurs, notre ignorance, notre méchanceté, notre aveuglement nous font chuter bien souvent. Si l’on en croit le Livre des livres, même « le juste pèche sept fois par jour » (Proverbes 24,16) Au fond, le problème n’est pas tellement de chuter, ce qui est inévitable, mais de se relever en ayant compris la leçon, pour ne plus reproduire la même erreur... Un sacré programme!

« Et ne nous soumets pas à la tentation, » dit le texte du Notre Père, dans la version oecuménique de 1966. On disait auparavant : « ne nous laisse pas succomber à la tentation ». Un mot pour dire que lors des synodes de notre Eglise Gallicane, il y a eu des débats animés sur la possibilité, dans telle ou telle paroisse, de préférer l’ancienne formulation au détriment de la version oecuménique. Il a été décidé de laisser le choix, la première formulation heurtant certaines sensibilités, avec la notion d’un Dieu qui « soumet à la tentation ».

Personnellement, la version oecuménique ne me choque pas dans la mesure où l’Evangile révèle, concernant le Christ, que celui-ci fut « conduit au désert par l’Esprit pour y être tenté par le diable » (Mathieu 4,1). Le livre de Job montre aussi que les « assauts » de l’ange déchu, que ce texte biblique appelle « le Satan », se font avec la permission de l’Eternel Dieu Très-Haut. Sa présence remarquée dans le conseil des anges qui entourent l’Eternel (il y possède un siège !) (Job 1,6 et Job 2,1) pose question sur la présence du bien et du mal dans la Création. A l’image du texte de la Genèse présentant le jardin d’Eden, on découvre qu’il n’existe pas de paradis sans serpent !

La question est toujours : qu’allons-nous faire de notre liberté ? Dans la connaissance du bien et du mal, il y a un prix à payer, et la facture peut être très lourde...

Alors dans le Notre Père le chrétien se tourne vers le Ciel pour lui demander son aide, car ce qui est tentant n’est pas toujours utile et bon pour nous. Et lorsque nous nous en apercevons, il est parfois trop tard.

La Présence du Malin

Le texte du Notre Père démarre dans les cieux, où tout semble paisible, avec cette présence paternelle chaude, lumineuse et bienveillante, soleil spirituel brillant au-dessus de nous. A travers la dernière phrase de la prière chrétienne universelle, nous sommes dans le combat : « mais délivre-nous du mal. » La partie n’est pas gagnée d’avance car : « votre adversaire, le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant qui dévorer. » (1 Pierre 5,8)

Y-a-t-il une « recette miracle » pour que le Malin n’ait pas le dessus sur nous ? S’il y en avait une, Pierre n’aurait pas renié Jésus et Judas n’aurait pas trahi. La troisième chute du Christ dans le rituel du chemin de croix du vendredi-saint nous rappelle que même ceux qui se croient très forts peuvent tomber. Et au triple reniement de Pierre correspondra, après la résurrection, la triple question de Jésus : « Pierre, m’aime-tu ? » Comme pour « conjurer » en quelque sorte le triple reniement de l’apôtre, et le rétablir, avec le pardon du Seigneur, dans le collège apostolique.

Il n’existe pas de « recette miracle » face à un adversaire qui, selon la Bible est une personne (le Malin), et une personne très intelligente. L’ange déchu reste un ange, et il connaît bien les faiblesses du raisonnement et de la psychologie humaines. Souvenons-nous par exemple de la grande tentation du Christ au désert. Dans ce « duel singulier » des quarante jours et quarante nuits symbolisé par le temps liturgique du Carême, le Malin va même jusqu’à se servir des textes bibliques pour piéger Jésus. Il les connaît très bien, il sait les utiliser pour tendre ses pièges. Ce duel devient, dans l’Evangile de Mathieu, un « combat de théologiens ». Une phrase biblique sortie de son contexte ou utilisée très adroitement peut ainsi servir les intérêts du mal. Raison pour laquelle l’apôtre Paul écrit : « la lettre tue, l’Esprit vivifie » (2 Cor. 3,6).

Mais si nous sommes faillibles et « piégables », dans la vie nous ne sommes pas seuls. Et l’aide des autres peut nous aider à faire la différence.

Mgr Giraud écrivait jadis dans la Profession de Foi de Gazinet : « les assemblées ont ces avantages qu’il y a d’ordinaire quelqu’un qui montre le bon parti et y ramène les autres. Il n’est pas aisé de corrompre toute une compagnie, mais il est très facile de gagner un homme seul ». J’ai parfois fait référence au rituel du chemin de croix dans cet article, notons qu’il existe une station qui dévoile la nécessité de l’aide extérieure, celle où Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix. Dans la vie nous avons tous besoin de cette aide extérieure pour nous en sortir ; de la même façon nous la devons aux autres. Il est plus facile de vaincre le mal lorsqu’on est soutenu et aidé.

Le mythe du « surhomme » qui vient à bout de toutes les difficultés est sur terre une illusion dangereuse. Dans l’Histoire, c’est souvent la porte ouverte à la tyranie. Même le « mystère de la Trinité » nous révèle un Dieu en trois personnes égales et distinctes. De toute éternité, le divin a quelqu’un à aimer. Seul, dans une immense solitude, Dieu serait imparfait !

Monseigneur Thierry Teyssot


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