Pour ceux et celles qui découvrent notre Eglise, mais aussi pour nos fidèles attachés depuis plusieurs générations à la Foi gallicane nous avons consacré ce dossier.

Chacun sait qu'en venant prier lors d'un office dans l'une de nos chapelles c'est une Eglise chrétienne qu'il va rencontrer. L'enseignement est puisé directement à la source des Evangiles et la personne divine du Christ Jésus est au centre du culte. La tradition catholique est visible à travers le credo, les prières et les sacrements.

Pourtant une Eglise ne peut pas se définir seulement à travers l'expression de son culte. Toutes les Eglises de l'univers chrétien possèdent une histoire propre. Celle de l'Eglise Gallicane est bien connue, elle fait partie de l'Histoire de France avec le refus de l'infaillibilité du Pape et la naissance d'une Eglise indépendante et libre, affranchie de la tutelle du Vatican.

Mais l'Eglise Gallicane a fait du chemin depuis 1870 et sa rupture avec l'absolutisme romain. Nous sommes aujourd'hui en 2007 et les chrétiens du troisième millénaire se posent des questions qui n'ont plus rien à voir avec les querelles religieuses d'un autre âge. C'est en premier sur l'éthique, les tolérances et libertés des Eglises que les chrétiens s'arrêtent et réfléchissent. Pourquoi un clergé marié, un diaconat féminin, le remariage des divorcés, etc. Il faut comprendre pour avancer. C'est le but du présent dossier.


Pourquoi un clergé marié ?

Dans la première moitié du XXème siècle l’Eglise Gallicane déclarait :

- "Le mariage est si honorable et si saint, qu’il peut s’allier avec les plus hautes fonctions du ministère sacerdotal." (Extrait de la profession de Foi de Gazinet - 1930 et 1945)

Au cours de la seconde moitié du XXème siècle notre regretté patriarche Mgr Patrick Truchemotte ajoutait :

- "Le Christ a choisi des apôtres mariés. Il devait bien savoir ce qu’il faisait !"

L’Evangile de Luc (5, 38-39) révèle la présence de la belle-mère de l’apôtre Simon-Pierre. Celui-ci était donc marié :

- "La belle-mère de Simon avait une violente fièvre, et ils le prièrent en sa faveur. S’étant penché sur elle, il menaça la fièvre, et la fièvre la quitta. A l’instant elle se leva, et les servit."

Le mariage des prêtres, des diacres et des évêques est mentionné dans la Bible par l’apôtre Paul dans la première épître à Timothée :

- "Si quelqu’un désire être évêque, il désire une oeuvre excellente. Mais il faut que l’évêque soit irréprochable, mari d’une seule femme, qu’il gouverne bien sa propre famille, élevant convenablement ses enfants, car si quelqu’un ne sait pas conduire sa propre famille, comment pourra-t’il gouverner l’Eglise de Dieu?" (Saint Paul à Timothée, chapitre 3, versets 1 à 5).

Et l’apôtre écrit encore dans sa première épître aux Corinthiens :

- "N’avons-nous pas le droit de mener avec nous une soeur qui soit notre femme, comme font les autres apôtres, et les frères du Seigneur, et Pierre ?" (1 Cor. 9-5)

Cette citation biblique rejoint les positions de bon sens prises par l’Eglise Gallicane et définies dans la profession de foi de Gazinet (dont une première ébauche fut rédigée vers1930, puis complétée en 1945) :

- "Nous voulons que les prêtres qui sont citoyens autant que ministres de Dieu, ne soient plus astreints à former une classe à part dans la société par un célibat forcé.

Nous respectons le célibat ecclésiastique comme une exception légitime, mais à la condition qu’il soit libre. Cependant ce n’est qu’une glorieuse exception, le mariage demeurera pour tous, même pour les prêtres, la loi non moins glorieuse.

Il vaut mieux être un bon prêtre, bon époux et bon père de famille, qu’un mauvais prêtre célibataire."

C’est bien ce qu’avait compris la primitive Eglise. Jésus-Christ avait choisi lui-même ses apôtres mariés, sauf Saint Jean qui était trop jeune.

Le Pape Pie IV avouait, au concile de Trente, qu’aucune loi divine ou apostolique ne défendait d’ordonner des hommes mariés ni de marier des personnes déjà consacrées.

Les Pères du IIème siècle combattirent ceux qui prêchaient le célibat.

Par contre les Pères du IVème siècle embrassèrent la doctrine de l’ascétisme.

Mais lorsque Saint Epiphane se fit le protagoniste du célibat en Crète, le plus illustre des Pères grecs prit ouvertement la défense du mariage.

Pourquoi, disait Saint Jean Chrysostome, Saint Paul a-t-il cité l’évêque à propos du mariage.

Il ne l’a fait que pour fermer la bouche aux hérétiques qui devaient le condamner.

Il voulait montrer de la manière la plus péremptoire qu’au lieu d’être criminel, le mariage est si honorable et si saint, qu’il peut s’allier avec les plus hautes fonctions du ministère sacerdotal.

Diaconat Féminin

La question du sacerdoce féminin est largement posée dans la plupart des Eglises chrétiennes aujourd’hui.

L’Eglise Gallicane ouvre la porte des quatre Ordres mineurs (portiorat, lectorat, exorcistat, acolytat) et deux premiers Ordres majeurs (sous-diaconat, diaconat) aux femmes comme aux hommes; le troisième Ordre majeur (prêtrise) est accessible aux hommes seulement. Ceci est la position officielle de notre Eglise à ce jour.

Essayons de comprendre

Rappel biblique

Ancien Testament

Dans l’Ancien Testament les femmes ne participent pas à la prêtrise. Il serait simpliste de croire que cela est dû à l’observance de préjugés liés à l’époque. Non, il faut bien se représenter le côté sanglant et brutal du culte :

Egorger des boucs et des taureaux, des béliers et des colombes, et cela parfois par milliers; faire saigner à blanc la victime, la dépouiller, en séparer et en trier les morceaux, les faire cuire; on s’aspergeait de sang, on fouillait dans les entrailles... Bref, rien qui ne corresponde vraiment avec la délicatesse féminine...

Tout cela exigeait une force physique et des aptitudes psychiques, on l’aura compris, typiquement "masculines".

Mais que la femme ait été tenue à l’écart du sacerdoce n’en fait pas pour autant un être rejeté de la prière.

Nous lisons ainsi dans Judith 8 avec quel respect les Anciens écoutent ses enseignements et lui demandent des prières. Hilqiyyahu, grand-prêtre d’Israël, ne dédaigne pas d’aller consulter la prophétesse Hulda, femme de Shallum, la prophétesse Déborah siège et rend la justice (Juges 4,4); Myriam la prophétesse chante et danse et prophétise et crée des hymnes et des cantiques (Exode 15); dans 1 Samuel nous voyons Anne aller seule pour prier dans le Temple, sans même consulter son mari elle décide de vouer son fils au Naziréat, elle se rend de sa propre initiative pour faire immoler un taureau, elle compose le cantique que les Pères de l’Eglise ont appelé le prototype du Magnificat.

Nouveau Testament

Dans le Nouveau Testament Jésus n’admet pas de femmes dans le collège des Apôtres. Est-ce en raison de préjugés liés à l’époque ? L’Evangile nous montre le Fils de Dieu multipliant les provocations et viols d’un légalisme dont il se moque et ce : - au péril de sa vie...

Il est impensable d’imaginer qu’il ait pu se conformer à ce que certains considèrent aujourd’hui comme un tabou rétrograde.

Il faut aussi noter que l’entourage féminin de Jésus comptait des femmes largement "émancipées" : - Marie-Madeleine en est l’exemple type.

Le problème est tout autre si l’on considère que la Mission et la Vocation de l’homme et de la femme sont différents, dans le plan divin.

D’abord que faut-il entendre exactement par sacerdoce féminin ?

Dans l’Eglise Gallicane, une diaconesse peut baptiser, prêcher, bénir (personnes, animaux, objets), porter la sainte communion, diriger un office liturgique de prières, bénir un mariage, présider à la liturgie des funérailles, accomplir des exorcismes, bref, tout faire, sauf consacrer le pain et le vin et absoudre.

Mais la messe étant un sacrifice (Ceci est Mon Corps, Ceci est Mon Sang) et les raisons que nous indiquions tout à l’heure (Ancien Testament, et que nous pourrions résumer par respect de ce qui est féminin) tiennent la femme quitte de ce rôle sacrificiel.

L’Eglise n’a jamais voulu, ni pu vouloir d’une femme prêtre. Elle a par contre, au début de son histoire, favorisé l’éclosion d’un diaconat féminin sacralisé par l’imposition des mains de l’évêque (comme pour l’ordination du diacre masculin).

Les diaconesses sont d’institution apostolique, c’est à dire que leur fonction remonte à l’époque des apôtres. Nous en trouvons les traces dans les épîtres de Saint Paul et dans les écrits de l’Eglise primitive. Nous les considérons comme une richesse.

L’évêque Saint Médard par exemple donna le diaconat à Sainte Radegonde, mais l’on ne parle plus de diaconesses (en France tout au moins) à partir du VIIème siècle.

L’Eglise des premiers siècles a créé et reconnu un diaconat féminin (Romains 16,1), comme elle a également créé et reconnu un diaconat masculin (Actes 6,1-6).

Mais là où le diacre à l’écoute de l’appel du Christ sera souvent appelé à recevoir la prêtrise, la vocation de la diaconesse bifurque dans une autre direction :

- "Que le diacre soit pour toi l’image du Christ"...

- "Que la diaconesse soit pour toi l’image de l’Esprit-Saint"...

proclament les anciennes Constitutions Apostoliques.

Il semble bien qu’il y ait eu, aux temps apostoliques, une perception différente de la place et du rôle de chacun (homme et femme) au sein du Corps Mystique ecclésial.

Ce que l’Eglise primitive avait compris, notre Eglise Gallicane s’efforce de le retrouver. Des diaconesses ont été, et seront encore ordonnées, au sein de nos communautés. Il s’agit la plupart du temps d’épouses de prêtres, ce qui fait que la question du sacerdoce féminin se pose en termes différents dans notre Eglise dans la mesure où, à travers le mariage, c’est le couple tout entier qui devient sacerdotal.

Il y a là toute une théologie à redécouvrir et certainement aussi à développer.

Le rôle et l’action de l’Esprit-Saint sont aussi méconnus par beaucoup de chrétiens qui ne voient en Lui qu’un "accessoire" secondaire au Père et au Fils, contrairement au dogme trinitaire qui enseigne que les trois Personnes divines sont co-éternelles et co-égales entre elles.

Pas de Confession Obligatoire

La confession auriculaire, c'est à dire à l'oreille du prêtre, a eu ses abus. Le premier confessionnal fut importé en France sous Louis XIV; avant, on s'en passait.

Nous admettons la confession auriculaire qui ne peut-être agréable à Dieu que faite librement et non par contrainte.

Nous en rejetons tous les abus tendant à lui donner une forme inquisitoire.

La confession est plutôt la libre confidence du malade spirituel au médecin des âmes.

Au cours de la messe, l'assemblée reçoit l'absolution de l'Eglise dans la mesure où chacun est capable de pardonner à autrui.

N'étant pas obligatoire, la confession est cependant conseillée dans un climat confiant: "Je connais mes brebis, mes brebis me connaissent " dit Jésus.

Communion sous les deux espèces

Nous voulons que les fidèles soient admis à la communion sous les deux espèces. Le Christ n'a-t'il pas dit: "Buvez-en tous, ceci est mon sang".

Appliquant à la lettre le précepte divin, les fidèles des premiers siècles communiaient sous les deux espèces.

Après avoir reçu l'hostie de la main du célébrant, ils se présentaient au diacre qui leur tendait le calice, et ils buvaient tour à tour.

Cependant le danger d'effusion fut le motif évoqué au XIIème siècle pour supprimer aux fidèles la communion sous l'espèce du vin consacré.

Pour remédier à ce danger, nous adoptons le rite suivant par lequel le prêtre trempe une partie de l'hostie dans le précieux sang, (concile de Rouen - 650), et la garde ainsi entre ses doigts pour la donner ensuite au communiant.

C'est, du reste, le rite usité encore de nos jours dans certaines Eglises d'Orient. Le célébrant dit alors à chacun : "Que le Corps et le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ garde ton âme pour la Vie Eternelle", et le fidèle répond: Amen; marquant par là sa Foi en la Présence Réelle du Christ dans l'Eucharistie.

Par respect pour la Présence Réelle, il est préférable de communier à genoux.

Remariage des Divorcés

Nous acceptons de bénir dans certains cas le remariage des divorcés. Nous sommes contre le divorce, mais les coupables ne sont pas toujours les divorcés...

Il n'est qu'un couple parfait, indissoluble, éternel : c'est le Christ et son Elue, l'Eglise.

Et quand un couple vient nous demander la bénédiction de l'Eglise au oui de son nouvel espoir, en vertu de notre pouvoir de lier et de délier, dans la mesure de la sincérité des coeurs, nous bénissons.

Saint Jérôme conseillait à Fabiola de quitter un mari débauché et de chercher un brave homme pour élever ses enfants.

Les Problèmes du Couple

Essayons de comprendre

Si en matière de dogme l'essentiel de la doctrine chrétienne a été révélé une fois pour toutes, il ne faut pas pour autant négliger que, ainsi que l'a indiqué Saint Vincent de Lérins, "la religion des âmes imite la croissance physique du corps dont les éléments évoluent et grandissent au cours des années."

D'où la nécessité, pour toute Eglise locale, de faire parfois le point pour le plus grand bien de ses fidèles.

La religion est en perpétuel progrès; le nier serait aller contre toute logique.

"Peut-il," écrit encore Saint Vincent de Lérins, "se trouver quelqu'un assez jaloux des hommes, assez rempli de haine envers Dieu, pour tenter de s'opposer à ce progrès ?"

De cette progression, de cette croissance de l'Eglise, découle le besoin de réexaminer les conditions d'existence du couple chrétien en fonction des transformations sociales et de la présence du dogme.

Pascal a écrit dans ses Pensées que "la vraie morale se passe de morale."

En effet, alors que la morale mondaine a pour critère le jugement des hommes, la morale chrétienne, rejetant tout légalisme, n'a d'autres impératifs que ceux de la conscience.

L'Evangile insiste souvent sur les dangers de ce moralisme pharisaïque, de la lettre qui tue, qui ramène tout au niveau d'une psychologie infantile: ... Il est permis ... Il est interdit ...

Pourquoi, dit Saint Paul, vous impose-t'on ces préceptes: ne prends pas, ne touche pas, ne goûte pas ... qui tous deviennent pernicieux par l'abus, et qui sont fondés sur les ordonnances et les doctrines des hommes.

De la Genèse à l'Evangile, et même durant les premiers siècles de la vie de l'Eglise, la morale religieuse a été dominée par les exigences de la reproduction de l'espèce humaine. L'histoire des filles de Lot (Genèse 19) est un exemple très particulier de cette primauté du commandement de multiplier sur tout autre considération religieuse ou morale. D'où le "malheur à toi stérile" de l'Ancien Testament.

De là aussi, en raison du nombre plus réduit des hommes, la légalisation de la polygamie. Le livre du Deutéronome tient compte de cette polygamie dans l'établissement des lois d'Israël : - "Si un homme a deux femmes"... (Deut. 21,16). Mais une profonde modification de cette façon de voir allait être apportée par le Nouveau Testament.

Chez les premiers chrétiens, la croyance à une venue proche du Royaume rendait inutile le désir d'une postérité. Dans l'optique de Saint Paul, le mariage a pour objet d'éviter l'impudicité (1 Cor. 7,2). L'union de l'homme et de la femme n'est plus un devoir mais une tolérance : "Il vaut mieux se marier que de brûler" (1 Cor. 7,9).

Cependant, Paul prend soin de préciser qu'il s'agit là de conseils, et non d'une loi divine. Mais quand l'Apôtre ne donne pas cette précision elle coule de source, puisqu'il explique bien que le légalisme a été aboli par le Christ : "Morts à cette loi qui nous tenait asservis, nous en sommes affranchis..." (Romains 7,6).

Après la prédication de l'Evangile aux divers peuples de la terre, les nouvelles Eglises qui s'établissent un peu partout sont loin d'aborder la même notion du couple.

Pourtant, un certain nombre d'entre elles ont tendance à se laisser influencer par les Eglises légalistes du judaïsme.

Ce n'est que lentement que s'établira un puritanisme sans véritable fondement dans les Ecritures. L'un des aspects du gallicanisme sera de lutter contre les exagérations romaines en ce qui concerne la morale sexuelle.

L'humanisme chrétien se rira bien volontiers des outrances ultramontaines. Il n'est que de citer Rabelais, curé de Meudon, qui fut délégué de l'Eglise Gallicane pour défendre les positions de l'Eglise d'Angleterre contre les prétentions romaines.

Pourtant, au fur et à mesure que l'Eglise de Rome établissait sa suprématie dans la Chrétienté, elle instaurait sa doctrine sexuelle, curieux mélange de manichéisme et de judaïsme : célibat des prêtres, interdiction de tout rapport sexuel avant le mariage, restriction des rapports à la seule procréation des enfants, idée de péché attachée à l'acte de chair, etc.

Il faut dire que cette doctrine ne fut pas le fait de la seule Eglise Romaine; l'ignorance et la superstition de la société forcèrent souvent les autorités ecclésiastiques à adopter une position légaliste.

En 1870, la prise de conscience d'un certain nombre d'ecclésiastiques gallicans allait amener une saine réaction. Sous l'influence du Revérend Père Hyacinthe Loyson, des Abbés Mouls et Junqua, de Mgr Vilatte, l'Eglise Gallicane affirma la liberté de mariage pour le clergé, la possibilité de bénir certains mariages de divorcés.

Mais à la fin du XXème siècle, des faits nouveaux se sont présentés, qui amenèrent les Eglises à repenser certains aspects de la notion du couple.

Surpopulation

Alors que durant des millénaires la morale du couple a été dominée par la nécessité de reproduire l'être humain, voici que la terre surpeuplée ne peut plus assurer la nourriture de ceux qui naissent... D'où un renversement des valeurs qui permet de légitimer le contrôle des naissances.

Là encore, seule la conscience des intéressés, après avoir prié et demandé aide à l'Esprit-Saint, peut librement trancher la question.

Emancipation de la Femme

Dans la société primitive (et de nos jours encore dans certaines contrées) l'homme achetait son épouse, qui devenait ainsi sa propriété. Il semble que la législation judaïque ait été dominée par ce souci d'empêcher le vol : "Tu ne convoiteras point ni la femme de ton voisin, ni sa maison, ni son champ, ni sa servante..." (Deut. 5,21)

De nos jours, cette notion de propriété n'existe plus. La femme n'est plus une chose, un objet de plaisir; elle est l'associée de l'homme, partage ses responsabilités et ses droits.

L'optique du couple s'en trouve donc transformée et il appartient aux Eglises d'en tenir compte.

On peut objecter que Saint Paul recommande aux épouses la soumission (Eph. 5,22 - Col. 3,18); mais là encore, il faut se placer dans le contexte de l'époque... Que Saint Paul ait demandé aux esclaves chrétiens l'obéissance ne signifie pas une approbation de l'esclavage...

Doctrine d'amour et de libertés, le christianisme a travaillé à l'émancipation de l'esclave et à celle de la femme. S'appuyer sur la lettre des textes pour en revenir à une conception judaïque du couple serait trahir l'esprit de l'Evangile.

Transformation de la Société

Aux temps médiévaux et jusqu'à la séparation de l'Eglise et de l'Etat, en France, l'Eglise tenait pour ainsi dire seule les registres de l'état-civil. Par ailleurs, seuls les enfants nés du mariage pouvaient jouir des droits sociaux. D'où une position très sévère de l'Eglise en ce qui concernait les rapports hors mariage. Tout au plus trouvons-nous quelques permissions de remariage accordées dans des cas très spéciaux.

Par exemple, nous voyons Grégoire II (715-731) autoriser Saint Boniface (675-754), évêque de Mayence, à bénir une nouvelle union dans le cas où une femme malade ne pouvait rendre le devoir conjugal à son époux (Oratio 18, caus. XXXII). Mais il est certain que l'évolution de la société moderne ne faisant plus de l'enfant né hors du mariage un déshérité, et ne discréditant plus la femme ayant eu des relations avant ou hors du mariage, la position de l'Eglise doit s'en trouver modifiée, sinon dans l'essentiel de sa doctrine, du moins dans les textes.

C'est ainsi que nous pensons que ce n'est pas discréditer - bien au contraire - le mariage religieux, que d'estimer qu'il ne doit être conclu qu'après mûre réflexion et certitude pour les époux d'entrer dans une vie commune solide et durable.

Au cas où l'un ou l'autre ne serait pas certain de tenir ses engagements, une union libre serait plus conforme à l'esprit de l'Evangile qu'un engagement mal fondé, donc sacrilège.

Opinion des Eglises chrétiennes

La position des Eglises chrétiennes sur le mariage est très différente :

L'Eglise Anglicane ne le reconnaît pas comme sacrement, mais comme pieuse coutume.

l'Eglise Vieille-Catholique le considère comme un sacrement mineur, qui n'est pas d'institution christique et ne doit pas être mis au rang des trois grands sacrements institués par le Christ.

l'Eglise Catholique Romaine voit en lui un sacrement indissoluble.

La position de l'Eglise Gallicane est beaucoup plus nuancée. Elle doit d'abord rappeler que les ministres du sacrement de mariage sont les époux eux-mêmes, et que l'engagement pris ne se maintient que par l'amour mutuel. "Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Eglise..." (Eph. 5,24-25).

En ce qui concerne la question précise du remariage des divorcés, notre Eglise a déjà pris position dans une mise au point du Synode des définiteurs de la Foi, parue en septembre 1963 dans le bulletin officiel gallican. Qu'il nous soit permis de rappeler ce qui a été dit :

"Refuser toute compréhension relative à une union, même si elle n'est pas parfaitement souhaitable, est prendre le risque de rejeter le couple dans une situation sans espoir. Nos prêtres se souviendront que le divin Maître n'a pas repoussé la femme adultère, la prostituée, la concubine; et que celles-ci peuvent parvenir aussi, après repentance, à la béatitude du royaume céleste. C'est le rôle de l'Eglise de conseiller la meilleure voie à suivre pour y accéder. Mais il sera, comme le dit l'Evangile, plus ou moins demandé à l'un ou à l'autre, selon qu'il aura plus ou moins reçu. C'est sur sa bonne volonté, sa Foi, son Amour, son Espérance que chacun sera jugé."

Par ailleurs, il est indéniable que la psychanalyse a apporté des lumières sur le comportement sexuel des individus. Les Eglises doivent en tenir compte aujourd'hui. La motivation de tel comportement, de tel complexe nous fait mieux comprendre la mentalité de l'un ou l'autre personnage du couple. La Parole du Christ mettant en relief le bon grain et l'ivraie dans le coeur de l'homme nous incite à ne pas juger autrui inconsidérément. Il est certain qu'entre l'exemple donné par les Saintes Ecritures de l'union parfaite entre le Christ et son Eglise, et les ébauches d'unions esquissées par la fragilité de la nature humaine, il y a un abîme à franchir, et que les théologiens de notre Eglise doivent avant tout écouter la voix de la charité.

Absence d’Excommunications

Nous bannissons de l'Eglise Gallicane les excommunications qui représentent à nos yeux des usurpations du Clergé.

Ce terme ne devrait même plus faire partie du langage des Eglises aujourd’hui.

Liberté en matière de jeûne et d'abstinence

Nous ne prescrivons ni jeûne ni abstinence, et laissons aux fidèles entière liberté en cette matière.

Les jeûnes et les abstinences ne sont que des coutumes que Dieu ne commande pas.

Quand Jésus a dit : "Faites pénitence", il entendait parler non pas de pratiques convenues et faites à des époques déterminées, mais de la vie intérieure du chrétien.

"Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme, mais ce qui en sort, les mensonges, les calomnies et les faux témoignages." (Mathieu 15,11-19).

Participation des fidèles au gouvernement de l'église

Nous voulons que les fidèles, par l'organe des représentants désignés à cet effet par le synode général, les conseils diocésains et paroissiaux, participent avec le clergé au gouvernement de l'Eglise selon les modalités prévues dans la Constitution et les canons de l'Eglise primitive.

Le gouvernement de l'Eglise dans ses beaux siècles s'exerçait sur le peuple d'une manière modeste et paternelle, parce que ce même peuple y était associé dans une grande mesure.

Tout se faisait en Assemblées.

Saint Cyprien, évêque de Carthage, nous apprend qu'au commencement de son épiscopat il avait résolu de ne rien faire de son chef sans l'avis du clergé et le consentement des fidèles. Ce n'était pas là d'ailleurs, une manière de faire qui lui était personnelle.

"Tout se passait dans l'Eglise par Conseil," nous dit Fleury, parce qu'on ne recherchait qu'à y faire régner la raison, la règle, la volonté de Dieu.

N'étant point présomptueux, les évêques d'ailleurs ne croyaient pas connaître seuls la vérité, ils se défiaient de leurs lumières et n'étaient pas jaloux de celles des autres.

Les assemblées ont ces avantages qu'il y a d'ordinaire quelqu'un qui montre le bon parti et y ramène les autres.

Il n'est pas aisé de corrompre toute une compagnie, mais il est très facile de gagner un seul homme en celui qui le gouverne; s'il se détermine seul, il suit la pente de ses préférences qui n'ont point de contrepoids.

D'ailleurs les résolutions communes sont toujours mieux exécutées, chacun croit en être l'auteur et ne faire que sa volonté.

Cette part réservée aux laïques dans le gouvernement de l'Eglise, saint Cyprien l'appelle "la majesté du peuple fidèle".

Nous ne craignons pas de dire, après un si grand évêque, que c'est cette majesté qu'il importe de restaurer.

Election des évêques par le clergé et les fidèles

Nous voulons que les évêques ne soient plus préconisés par le chef d'une Eglise, comme cela se pratique actuellement pour l'Eglise Catholique Romaine, mais élus par le clergé et les fidèles, suivant les canons et une méthode définie lors de la constitution de l'Eglise des premiers siècles.

L'évêque ainsi nommé possédera la confiance de son clergé et de ses fidèles et gouvernera d'accord avec eux, réalisant ainsi la vieille définition de l'Eglise : "Plebs Adunata Sacerdoti"- "Le peuple uni à son évêque."

Le Pape Saint Léon en pose le premier la règle canonique : "Celui qui doit commander à tous doit être élu par tous".

Des traces de cette discipline subsistèrent longtemps en France. On trouve encore jusque dans le XIIème siècle des exemples de la participation du clergé et du peuple aux élections épiscopales. Mais déjà on en abandonne de plus en plus la pratique.

Sous prétexte de protéger les canons, les rois usurpaient une influence de plus en plus considérable. La noblesse empiétait à son tour. Enfin tous les papes visaient à devenir les seuls électeurs pour le monde catholique.

Les élections des évêques et des prêtres furent rétablies dans l'Eglise Gallicane par l'Assemblée Constituante de 1790, mais ne durèrent pas.

Dès les premiers siècles, les formes d'élection, la part respective du clergé et du peuple, paraissent avoir varié non seulement d'une époque à l'autre, mais quelquefois aussi dans les mêmes temps pour divers pays.

Il est constant que les apôtres établirent une sorte de suffrage universel, et qu'aucun membre n'était exclu ni des élections ni de l'administration; mais on voit aussi dans les premiers âges l'action du peuple et du clergé concourir sans se confondre.

D'abord le peuple choisit les prêtres, ensuite le clergé présenta à l'épiscopat des sujets capables aux acclamations des fidèles réunis dans la cathédrale.

Prise en considération du monde animal dans la réflexion de l'Eglise

La lecture de la bible nous apprend que Dieu forma les animaux et les fit venir vers l'homme afin que ce dernier ne soit pas seul (Genèse 2,18-19).

La lecture attentive de ces textes montre bien qu'à partir de l'instant où Adam donne un nom à chaque espèce animale il se crée entre elle et lui une cohésion si profonde que l'Eternel englobera désormais l'homme et l'animal dans un même jugement.

Par exemple, au moment du Déluge, l'Eternel dit : "J'exterminerai de la face de la Terre l'être humain que j'ai crée depuis l'homme jusqu'au bétail" (Genèse 6,7) et plus loin, nous lisons que : "Dieu se souvint de Noé, de tous les animaux et de tout le bétail qui étaient avec lui dans l'Arche". Plus explicitement encore, après le Déluge, Dieu dit qu'il établit son alliance avec Noé et les siens et avec tous les êtres vivants "tant les oiseaux que le bétail, que tous les animaux de la terre" (Genèse 9,10).

Et, tout au long de la Bible, l'Eternel considère le monde animal comme un interlocuteur valable: - "En ces jours là, je traiterai pour eux une alliance avec les bêtes des champs, les oiseaux du ciel et les reptiles de la terre", dit-il au prophète Osée (2,20)... Et il dicte à Moise des préceptes interdisant de maltraiter les animaux dont le peuple hébreux a la charge : - "Ne pas faire travailler aucune de ses bêtes le jour du repos" (Deutéronome 5,12-14). - "Ne pas mettre de muselière au boeuf quand il foule le grain" (Deutéronome 25,4). Certains préceptes ont même pour fondement le respect de l'affectivité animale : - "Tu ne feras pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère" (Deutéronome 14,15).

Ainsi, entre l'homme et l'animal Dieu établit un code qui lui permettra au jour du jugement de demander au premier des comptes de son attitude envers le second :

- "Vous n'avez pas fait paître les brebis, vous n'avez pas fortifié celles qui étaient faibles, guéri celles qui étaient malades, pansé celles qui étaient blessées; vous n'avez pas ramené celles qui s'égaraient, cherché celles qui étaient perdues, mais vous les avez dominées avec violence et dureté" (Ezechiel 34,4).

La vanité de l'homme est de se considérer comme isolé de l'animal dans l'équilibre cosmique en vertu de son intellect plus développé ou des vues particulières que dieu a sur lui; pourtant Dieu s'insurge contre cette optique: - " Voici l'hippopotame à qui j'ai donné la vie comme toi". (Job 40,15)

Et l'Ecclésiaste, méditant sur cette vanité de l'homme à l'égard de l'animal écrit:

- "J'ai dit en mon coeur, au sujet des fils de l'homme, que Dieu les éprouverait, et qu'eux-mêmes verraient qu'ils ne sont que bêtes, car le sort des fils de l'homme et celui de la bête sont pour eux un même sort; comme meurt l'un, ainsi meurt l'autre, ils ont tous un même souffle, et la supériorité de l'homme sur la bête est nulle car tout est vanité"... (Ecclésiaste 3,18-19).

Ce n'est pas pour l'homme se ravaler aux rangs inférieurs que de réaliser que, pièce maîtresse sur l'échiquier de la vie, il ne peut gagner la partie qu'en union fraternelle avec les autres pièces; il tire de la contemplation de l'animal des clichés qui imprègnent son psychisme, éveillant en lui les archétypes de la beauté, de l'harmonie, des arts et de la philosophie.

Et la civilisation sera à l'échelle même du respect de la vie et du bonheur animal.

- "Maudit soit l'homme qui n'écoute pas les paroles de cette alliance" (Deutéronome 27,26). Dés les origines, des civilisations tentèrent de s'édifier en rompant cette alliance entre l'humanité et l'animalité; Nemrod, fils de Cusch, nous dit la Genèse au chapitre 10 "Vaillant chasseur contre l'Eternel" fut l'un des premiers a tuer l'animal par sport, pour le plaisir, pour montrer sa force... Il régna sur Babel et fut à l'origine de cette civilisation babylonienne dénoncée par les prophètes.

Nemrod, tour de Babel, Babylone: Dégringolade de l'esprit primitif; les hommes ne comprennent plus les animaux, les hommes ne se comprennent plus entre eux, ne comprennent plus la volonté de l'Eternel.

Peu à peu l'animal cesse d'être un prolongement de l'homme dans le cosmos et l'humanité ensanglante ses cultes de sacrifices d'animaux qui ont perdu toute signification:

- "Qu'ai-je à faire de la multitude de vos sacrifices ? dit l'Eternel; je suis rassasié des holocaustes de béliers et de la graisse des veaux. Je ne prends point plaisir au sang des taureaux des brebis et des boucs. Quand vous venez vous présenter devant moi, qui vous demande de souiller mes parvis ?" (Isaie 1,11-12).

L'Eternel ne veut pas de sacrifices d'animaux: - "Je déteste et méprise vos fêtes, je ne puis sentir vos assemblées. Quand vous me présentez des sacrifices et des offrandes, je n'y prends aucun plaisir et les veaux engraissés que vous sacrifiez en actions de grâces, je ne les regarde pas" (Amos 5,21).

Bien plus, le Seigneur insiste sur le fait qu'il n'a jamais demandé un tel culte: - "M'avez-vous fait des sacrifices et des offrandes pendant les quarante années du désert, Maison d'Israël?" (Amos 5,25)

Il n'a jamais voulu d'hécatombes animales et c'est abusivement que l'on fait cela en son nom:

- "Car je n'ai pas parlé avec vos Pères, je ne leur ai donné aucun ordre le jour où je les ai fait sortir du pays d'Egypte, au sujet des holocaustes et des sacrifices" (Jérémie 7,21).

Et, par la bouche du Prophète, il reprend duremet Israël, le Temple de l'Eternel est à ceux qui "pratiquent la justice, n'oppriment pas l'étranger, l'orphelin et la veuve, ne répandent pas en ce lieu le sang innocent" (Jérémie 7,5). Au lieu de cela, on a fait du Temple une immense boucherie, une "caverne de voleurs" (Jérémie 7,11)... C'est la même accusation que reprendra Jésus quand il trouva dans le Temple les vendeurs de boeufs, de brebis et de pigeons qui allaient être égorgés... "Ayant fait un fouet de cordes, il les chassa tous du Temple ainsi que les brebis et les boeufs" (Jean 2,15).

Vol, en effet, de ces marchands qui prétendent déjà faire acheter pour l'Eternel ce qui lui appartient déjà : - "Je ne prendrai pas un taureau dans ta maison, ni des boucs dans tes bergeries car tous les animaux des forêts sont à moi, toutes les bêtes des montagnes par milliers; je connais tous les animaux des montagnes et tout ce qui se meut dans les champs m'appartient" (Psaume 50,9), et plus loin : - "Si j'avais faim, je ne te le dirai pas car le monde est à moi et tout ce qu'il renferme. Est-ce que je mange la chair des taureaux. est-ce que je bois le sang des boucs ? " (Psaume 50-12). Peut-on de façon plus complète, plus totale, faire connaître sa volonté : - "Je ne puis voir le crime s'associer aux solennités... Quand vous multipliez vos prières, je n'écoute pas: vos mains sont pleines de sang" (Isaie 1,15).

Et refuser un culte de cette sorte : - "Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de devant mes yeux la méchanceté de vos actions, apprenez à faire le bien, recherchez la justice, protégez l'opprimé, faites droit à l'orphelin, défendez la veuve" (Isaie 1,17).

Tel fut la base de l'enseignement de Jésus qui, afin d'en finir avec les vieux cultes - "car il est impossible que le sang des taureaux et des boucs ôte les péchés" (Hébreux 10,14) - vint s'offrir comme la victime par excellence.

Concernant les hommes, nous savons de façon très claire que la volonté divine réside dans le commandement: "Aimez-vous les uns les autres ". Mais l'animal est-il exclu de ce commandement ?

Comment l'Eternel l'aurait-il oublié lui qui annonce pour les temps futurs : - "En ce temps là, je traiterai pour eux une alliance avec les bêtes des champs, les oiseaux du ciel et les reptiles de la terre, je briserai dans le pays l'arc, l'épée et la guerre, et je les ferai reposer avec sécurité" (Osée 3,20).

Alors, la chasse cessant, l'homme retrouvera la compréhension de l'animal, par ce langage des oiseaux que parlait le Roi Salomon; télépathie rendue possible par le rayonnement de la bonté et les animaux eux-mêmes cesseront de se craindre et de se combattre: - "Le loup et l'agneau paîtront ensemble, le lion comme le boeuf mangera des herbages" (Isaie 65,25).

Utopie ? Quelle mutation est impossible à l'Eternel ?

Que ne pourrait même faire l'homme par lui seul quand toute son énergie se tournerait vers une oeuvre de paix ? ... Remplacer la viande pour le loup et le lion, est-ce impossible à la vraie science ? - "Car je vais créer de nouveaux Cieux et une nouvelle Terre; on ne se rappellera plus les choses passées, elles ne reviendront plus à l'esprit" (Isaie 65,17).

Dans une seconde épître, l'Apôtre Pierre nous rappelle que, de même que la terre fut changée par le déluge, la méchanceté des hommes prépare un nouveau cataclysme, celui-ci par le feu. - "Les éléments embrasés se dissoudront"...(2 Pierre 3,10). Mais l'humanité et l'animalité survivront réconciliées par l'oeuvre des saints. - "Nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre ou la justice habitera" (2 Pierre 3,13).

Là se déroulera une oeuvre de pleine croissance spirituelle de l'homme et même de l'animal dont l'intellect s'ouvrira à la connaissance de l'être suprême:

- "Les bêtes des champs me glorifieront, les chacals et les autruches" (Isaie 43,20).

Voici ce que dit la Bible des rapports entre l'humanité et l'animalité; bien des points seraient à examiner plus profondément, à approfondir en fonction de l'évolution du peuple biblique. Mais de ce court examen, nous pouvons facilement constater:

1) Que le sort de l'homme et de l'animal sont liés aux yeux de la Providence.

2) Que toute attitude de non-assistance ou de cruauté de l'homme envers l'animal est un péché dont la gravité peut être équivalente à l'homicide dans certains cas.

3) Que par contre, tout acte de bonté envers l'animal est béni de l'Eternel et sera récompensé.

Il est à noter également que la forme animale ne doit pas être dédaignée et qu'elle semble parfaitement apte, d'après la Bible, à abriter des intelligences supérieures : l'Esprit-Saint affectionne de revêtir la forme de la colombe et le Christ est présent dans l'Apocalypse sous les apparences de l'agneau. De même, dans la vision d'Ezechiel, les êtres étrangers à la terre qui se présentent à lui ont des corps composés d'éléments humains et d'éléments animaux et quatre faces: l'une d'homme, l'autre de lion, l'autre de taureau, l'autre d'aigle, comme si à un niveau supérieur d'évolution les structures animales et humaines s'étaient fondues.

L'Apôtre Jean, de la même façon, dans l'Apocalypse voit autour du trône de la Majesté Divine quatre êtres vivants : l'un semblable à un lion, le second à un bovin, le troisième à un homme et le quatrième à un aigle (Apocalypse 4,7).

Ne peut-on alors raisonnablement penser que si l'Eternel a créé l'homme "à son image, à sa ressemblance" (Genèse 1,26), il a crée de même chaque espèce animale à l'image, à la ressemblance des forces angéliques qui l'entourent...

Ainsi s'expliquerait le rôle du serpent a l'instant de la tentation, se trouvant à la fois animal et ange déchu - "le serpent ancien appelé le Diable et le Satan" (Apocalypse 12,19) - de même que celui des chérubins placés à l'orient du jardin d'Eden (Genèse 3,24), anges à têtes de taureaux qui gardent le jardin d'Eden comme le Minotaure gardait le labyrinthe.

Ce sont ces mêmes taureaux que Salomon fit sculpter, couverts d'or, dans la maison du lieu très saint du Temple de Jérusalem (2 Chroniques 3).

Le livre de Job montre l'Eternel tenant des assemblées où sont présents les Puissances Angéliques et où Satan, lui-même, est admis et consulté (Job 1,6 et Job 2,2)... Si le possesseur de la forme serpentine, malgré sa déchéance et sa malédiction, peut ainsi dialoguer avec l'Eternel, à plus forte raison les détenteurs des formes bénies par Dieu.

Enfin, comme Jésus plaide pour les hommes, pourquoi les anges à tête d'animaux ne plaideraient-ils pas pour les bêtes d'ici-bas qu'ils représentent ?

- "Ne vend-on point deux passereaux pour deux sous, et pourtant aucun d'eux n'est oublié devant Dieu" dit Jésus (Luc 12,6). Pourquoi dans ces assemblées un ange aux formes léonines ne prendrait-il pas la parole en faveur des lions torturés pour le plaisir et la méchanceté des hommes ? - "Sentence des bêtes du midi à travers une contrée de détresse et d'angoisse d'où viennent la lionne et le lion" (Isaie 30,6).

Et pourquoi un chérubin à front cornu ne dirait-il pas dans l'assemblée la cruauté d'une corrida ? N'est-il pas écrit : - "Ouvre la bouche pour le muet, pour la cause de tous les délaissés" (Proverbes 31,8).

Vous vous laissez emporter par la poésie me dira-t'on ! Mais à travers le symbole, n'y a-t'il pas la réalité des choses ?

Je ne sais si, en dehors du continuum spatio-temporel où nous existons, Dieu et ses anges ont encore une forme; je sais qu'ils ont daigné en revêtir pour apparaître aux prophètes et aux saints; je sais que le Christ-Jésus a dit : "Quand je serai élevé j'attirerai tout à moi", et j'espère que dans ce "tout" l'animalité ne sera pas oubliée.

- "Qui sait," dit l'Ecclésiaste, "si l'âme de l'homme monte en haut et si l'âme de la bête descend en bas dans la terre ?" Cette interrogation en est-elle vraiment une ? L'observation de l'intelligence de certaines espèces animales n'avait pas échappé au grand Sage qui écrit : - "Pour le sage, le sentier de la vie mène en haut" (Proverbes 15,24); cette sagesse ne peut-elle atteindre le règne animal ? Je feuillette le livre des Proverbes et je lis: - "Il est sur la terre quatre sortes d'animaux petits et cependant des plus sages" (Proverbes 30,24).

Vous me direz, peut-être, cette sagesse animale permet-elle d'atteindre Dieu ? Et je vous répondrai que Dieu n'est jamais très loin et que dans les rapports entre l'homme et l'Eternel, c'est l'Eternel qui se révèle et non l'homme qui le découvre de lui-même.

Dieu lui-même, ne dit-il pas à Job que les petits du corbeaux "crient vers Dieu" (Job 39,3). Pourquoi, faisant taire mon orgueil d'homme, ne penserais-je pas que Dieu est apte à savoir si les petits du corbeau lui semblent dignes de s'adresser directement à lui ? - "Animaux et tout le bétail, reptiles et oiseaux ailés, louez l'Eternel" dit le Psaume 148... La chose n'est possible que si chaque espèce animale a son "âme-groupe" son "choeur angélique", ses "démiurges" portant ses aspirations devant l'Eternel.

Dans la cosmogonie de la Bible, Dieu ne reste pas indifférent à ce qui se passe sur terre; il envoie des anges des messagers, des éclaireurs du ciel, êtres supérieurs qui parcourent sans cesse la surface du globe. Quelles formes ont ces puissances angéliques ? Ecoutons le Prophète Zacharie; il voit des chevaux roux fauves et blancs et demande à l'ange avec lequel il parle : - "Qui sont ces chevaux Monseigneur ?" (Zacharie 1,9) Et il lui est répondu : - "Ce sont ceux que l'Eternel a envoyé pour parcourir la terre" (Zacharie 1,10).

Et les chevaux, eux-mêmes, s'adressent à l'ange et lui font un rapport exact de ce qu'ils ont vu sur la terre. Ces anges à forme chevaline préexistaient certainement à la Création. Qui penserait qu'ils ne rapportent pas devant le trône de l'Eternel les abominations que subissent les chevaux sur terre...

Le même prophète Zacharie nous donne une preuve de la sollicitude de Dieu pour les animaux en parlant de Jérusalem qui sera protégée par Lui et habitée par sa gloire (il s'agit bien entendude la Jérusalem Céleste, l'Eglise Triomphante); elle sera protégée "à cause de la multitude d'hommes et de bêtes qui seront au milieu d'elle" (Zacharie I2,4).

Ainsi, il y aura des animaux dans la Jérusalem Céleste et c'est également à cause d'eux qu'elle sera protégée, aimée et habitée par l'Eternel. Nous voici loin de l'optique religieuse moderne, mais nous voici tout prés de l'optique d'un Saint François :

- "Je te salue mon frère mon frère le chien, je te salue mon frère le loup." (Saint François d’Assise)

Jung a écrit que sur le plan psychanalytique, "l'acceptation de l'âme animale est la condition de l'unification de l'individu et de la plénitude de son épanouissement"; sur le plan religieux je suis persuadé que c'est profondément vrai.

L'Eglise des époques médiévales avait saisi les principes de cet équilibre et les procès d'animaux tant décriés par les historiens ne marquaient peut-être pas une mentalité si reculée qu'on veut bien le dire.

Car de quoi s'agissait-il, sinon de donner à l'animal inconscient des lois humaines et, impuissant à exposer ses motivations propres, un avocat qui parle en son nom.

Certes, il y eut des abus et des parodies; mais que nous regrettons à notre époque de ne pas avoir, à la veille d'une corrida par exemple, un avocat des taureaux qui vienne devant le public dénoncer la sottise et la cruauté des tortures que l'on veut leur infliger.

Chaque fois que l'on apprenait qu'un animal était maltraité quelque part, l'on traduisait l'animal et le maître devant un tribunal...

La société de l'époque, inspirée par l'Eglise Gallicane, se sentait solidaire des animaux, elle leur donnait les moyens de se défendre.

De même, pour s'en prendre à une espèce jugée nuisible, il fallait que les villageois attaquent cette espèce en justice et écoutent ses avocats. Il y eut ainsi des procès de rats et de loups; que cette coutume serait précieuse de nos jours où des espèces animales sont en voie d'extinction.

De même, l'Eglise avait des prières de bénédiction pour chaque animal et chaque espèce avait son saint patron, et des prières pour chacune de ses maladies.

Souvent naïves, mais combien riches de Foi que ces prières du rituel gallican : - "Bête, tu n'as pas demandé à te perdre. Que Dieu te conserve la vie".

Le Christ né dans une étable (Luc 2,7) ne pouvait se sentir choqué d'y voir pénétrer ses prêtres pour bénir une bête ou lui faire des onctions... Le temps est si proche de l'Eglise primitive persécutée où l'on vit des lions refuser de dévorer des chrétiens, où des corbeaux portaient quotidiennement leur pain aux ermites, où le cerf de Saint Hubert dressait entre lui et sa passion de la chasse la croix de lumière de celui qui a dit : - "Bienheureux les débonnaires car ils hériteront la terre" (Mathieu 5,5).

L'ignorance, le matérialisme, l'oubli de la loi de charité ont fait oublier par les Eglises modernes ces positions essentielles et les Catholiques, apprenant que le Pape Paul VI s'était laissé aller à bénir 150 toréadors, ont évoqué douloureusement la bulle de Pie V condamnant : "Ces spectacles sanglants et honteux de démons plutôt que d'hommes..."

Mais si la voix des hommes fussent-ils évêques ou papes peut varier, la voix de l'Eternel est faite de paroles qui ne passent pas. - "Les méchants tirent l'épée... Leur épée se brise dans leur propre coeur" (Psaume 37). - "Eternel, tu soutiens les hommes et les bêtes" (Psaume 36,7). De plus en plus, l'élite d'hommes et de femmes qui avait ce don de l'Esprit-Saint, ce charisme qu'est la perception du rôle de l'animal dans le cosmos, de plus en plus cette élite devient nombreuse et active...

Dans les générations précédentes un Saint François d'Assise, un Saint Martin de Porrès, un Saint Séraphin, un Saint Serge qui tous allèrent très loin dans l'expression de leur amour du monde animal faisaient figure d'exception...

Mais aujourd'hui c'est la Chrétienté qui prend conscience.

L'on me fera observer qu'en même temps les forces du mal se déchaînent, tentent de faire une science de la vivisection, un art de la corrida...

Mais je suis persuadé que ce déchaînement même des forces du mal est un aveu de faiblesse.

La vraie science, l'art véritable jaillissent de l'être humain par d'autres voies que la souffrance animale.

L'être humain sent que sa mission dépasse ce qu'elle était au début de l'Eglise, l'Eglise a grandi, noblesse oblige, elle a de nouveaux devoirs.

Mais pour atteindre le but fixé par le Christ, il est nécessaire qu'une information se fasse plus dense, plus totale... C'est la grâce que je souhaite aux générations qui montent.


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